Chapitre XXV

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Il s'était arrêté de neiger. Le soldat qui était caché derrière une barricade de fortune sortit un livre. Les gouttières de la ville recrachaient les derniers torrents de neige fondue par dessus les toits de Bruckston. Il ouvrit sa fiole de café froid et en bût quelques gorgées ; c'était infecte, mais c'est ce qu'il fallait pour ne pas tomber raide de fatigue après une nuit à s'être prit des cailloux sur la figure.

Il lut une ligne avant de se perdre dans ses pensées, lisant sans réfléchir à l'action du livre. Tout ceci était tout bonnement absurde. Nous étions tous logés à la même enseigne à Bruckston, pourquoi il combattrai ceux qui combattent une cause qui lui touchait individuellement? L'armée était misérable à Bruckston, le gouvernement semblait croire qu'ils disposaient des forces des états unis. Les grévistes qui combattaient à coup de pieds de biches terrassaient les brigades unes par une, comme si ils disposaient d'armes à feu. Certains avaient des colts voire des mitrailleuses (pour seulement deux cas) mais ils étaient vite abattu par le premier soldat qui osait tirer. Moi et mes camarades, nous avions l'impression de détruire un espoir, sans compter les corrompus de cette misérable armée qui tiraient sur tout ce qui bougeait. Pour ma part, je n'avait tiré que dans le vide et je me rendait tout le temps. Je m'était engagé dans l'armée il y a 20 ans pour défendre Bruckston quoiqu'il arrive, et non pour la détruire.

Un pavé lancé depuis les barricades quelques mètre plus loin ricocha sur la barricade devant le soldat. Il lâcha son livre et se mit à saigner de la main, s'étant coupé par la pierre qui lui avait frôlé le poignet. Il empoigna son fusil automatique et tira quelques balles en haut de la barricade. Aucune réponse.

Les combats à Bruckston commençaient à frapper. Les États-Unis menaçaient de s'en mêler si les coups de feux ne cessaient pas bientôt. Le gouvernement lui même était coupé de court cette fois ci. Certains arrondissement étaient des châteaux de sable en train de s'écrouler. Le 14ème regroupai une organisation anti-gouvernementale qui explosait le moindre fourgon qui osait s'y aventurer. Pourtant, près de chez moi, je sortait faire mes courses et aller au travail sans encombre, mais avec une crispation certaine et permanente. Pendant mon temps libre, je traînait avec Fischnder et Geordie pour crever les pneus de quarante fourgons militaire, fabriquer de barrages de fortune dans les rues, et taguer les murs. La loi était devenue un peu primitive, et chacun pouvait agir en toute impunité à condition de ne pas se retrouver au milieu d'une fusillade ce qui était plutôt fréquent ces temps-ci. Quand à Alphonse et Sheldon, ils étaient à la poursuite du suspect qui avait disparu sur les toits de Bruckston. Mais à la dernière nouvelle, ils n'avaient pas beaucoup d'indices.

Il marchait dans la rue de manière pressée, regardant derrière lui, sur les côtés. Marcher dans Bruckston n'était pas une partie de plaisir en ce moment. Les gens s'attroupaient aux soupes populaires, les soldats étaient partout. La police aussi. Les rues étaient sales et plusieurs étaient bloquées. Autant dire que le pression était à son comble, circuler dans la métropole était devenu une opération commando. Armé de sa mallette son chapeau sa moustache et ses lunettes de soleil, il s'arrêta devant un immeuble d'inspiration haussmannienne, visiblement inhabité. Il regarda à droite, à gauche, se rendant certain que personne ne le surveillait. Il bascula une planche qui servait de barricade sur un fenêtre et passa au travers en l'escaladant. Il prit l'escalier du hall qui était sur le point de s'écrouler. Des briques et du papier peint gisait sur le sol. Une fois au troisième étage, il toqua trois, puis deux fois de manière rythmée. Un homme en chemise blanche et en bretelles à l'Irlandaise vint l'ouvrir. Il referma la porte. La pièce était un salon d'appartement insalubre. Un matelas était posé par terre, sur lequel un homme habillé en costard mal taillé jouait avec son beretta. Deux autres étaient assis à une table sans bouger. L'homme petit aux bretelles s'avança vers la table.

"Tu bois quelque chose?

- Cointreau."

Il lui tendit un verre ballon à moitié rempli. L'invité le saisit, enleva se lunettes et les posa sur la table. Il s'alluma une cigarette avant de enfin prononcer un mot.

"Je peux savoir ce que tu foutais il y a une semaine?

- Je n'ai rien pû faire. J'étais parti pour accompagner Vitto, pour ses affaires.

- Pour ses affaires?

- De la cocaïne.

- La cocaïne n'excuse pas tout Bryan. Tu as un contrat, tu restes avec Jim tu le protèges et tu fermes ta gueule.

- Enfin, ne soit pas absurde, tu as vu ma carrure? Ils sont arrivés par vingtaines dans le bar qu'est-ce que je pouvait y faire? Armand, Barney et Paul sont mort. Tu crois que j'aurais été l'homme de la situation?

- Peut-être pas, mais tu es censé tenir ton poste! Résultat Jim, hiberne en Arkaztrhan, sans nouvelles. On ne peut pas se permettre de ne plus avoir de boss dans ces moments là. Tu le sais très bien."

Il finit son verre d'un trait.

"C'est la dernière fois que tu nous fais un coup comme ça tu m'entends? J'ai pas envie non plus de te liquider toi aussi. Tu nous a bien rendu service pour les braquages.

- Écoute, je peux me rattraper. J'ai un cousin qui a des contacts avec la 'Ndrangheta, et ils pourraient...

- Qu'est-ce que la mafia Calabraise en a à faire de nous? Ils s'intéresse qu'au business véreux. Nous, on parle de politique. On n'est plus à l'époque de la vieille Mafia Parisienne mon vieux. Les Napolitains on failli avoir ma peau plusieurs fois.

- Tu les as trahis n'est-ce pas? - Son interlocuteur s'assit sur le lit et prit son chapeau dans les

mains. -

- J'ai juré sur l'honneur. Mais c'est fini. L'Italie est un rêve achevé pour moi. J'ai la chance d'avoir un haut rôle ici, et je suis censé mettre un terme à la vie de ce journaliste qui se prend pour Rosa Luxembourg. C'est bien ma veine, il est protégé par la police internationale, par les organisations criminelles populaires, et par le gouvernement clandestin. Le vrai gouvernement lui, ne peut rien faire. Cet imbécile nous met des bâtons dans les rues. Il s'en est fallut de peut pour que lui et ses hommes ne viennent à bout du Rat.

- Et toi tu faisait quoi il y a une semaine? Je peux savoir.

- J'étais à Paris. Récupérer le reste de la patrouille. Occupe toi déjà de ton boulot, on verra après. - Il remit son chapeau, déposa son verre et écrasa sa cigarette. Il s'adressa aux autres personnes dans la pièce – et vous, un peu de nerf, il s'agit de ne pas se prendre un burn-out – dit-il ironiquement."

Il remit ses lunettes, et quitta la pièce. Une fois dehors, des quelques coups de feux retentirent. Il vit deux voitures noires au bout de la rue s'échangèrent des tirs fusant moteur à plein régime. Cela ne l'étonnait même plus. La peur le guettait. Il avait maintenant lui, comme le reste, la sensation de déboucher sur une impasse. Il espérait de tout cœur de ne pas reproduire le scénario de Paris du temps du front populaire.

BruckstonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant