Chapitre XXXV

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A part tout ça que se passait-il dans Bruckston en dehors du congrès dans Bruckston? Pas grand chose qui sorte de la normale de ces temps là. Dans les rues courait le bruit que les États-Unis devant l'état de la citée voulait s'en emparer ; ce qui était une aberration pour certains, en réalité vitale pour d'autres. Donoré menaçait de démissionner et abandonner quoi qu'il en soit le pouvoir de Bruckston, je ne saisissais pas si les Chapeaux Noirs étaient en train de reculer (ce qui serait une victoire) ou si le premier ministre en question s'était refroidi quand il sût qu'il pouvait risquer la peine de mort, enfin bon, on était encore loin du compte mais quand même.

Pour ce qui était de ma petite personne, j'étais assis sur une statue des Jardins de L'Est. C'était de beaux jardins à la Française, des pins y fleurissait ainsi qu'une grande étendue d'herbe, bordée de bancs, de fleurs, et se tenait droit devant le Palais Sébastopol. C'était une grande bâtisse surmontée d'un dôme légèrement doré, abîmé par les années, disposé en croix avec une aile nord, sud ouest et est. Les murs étaient fait de pans de briques rouges rassemblés par des façades blanches jaunâtre de grès, et se tenait de plein pied libre comme l'air, encadré par les immeubles des rues alentours. Ce palais avait été donné par les soviétiques au début des années vingts, lorsque Bruckston entretenait des relation amicales avec l'URSS, qui s'étaient dégradés au fur et à mesure. Il dépassait à l'époque un peu le statut d'ambassade, des hauts dirigeants venaient y séjourner, c'était une grand bâtiment d'influence avant d'être reformé en hôtel de la diplomatie. Ainsi, en temps normal, des diplomates et autres personnalités politiques venaient parcourir les allées des Jardins de L'Est, les pelouses profitaient parfois à certains concert et festivals. Mais ce jour là, j'étais assis sur une grande statue en plein milieu du jardin, avec quelques camarade mais pas seulement ; les soldats avaient pour la plupart quitté leur poste, et aidait activement leur cause, somme toute généralement noble, mais en profitait parfois pour piocher dans les stocks d'armes et de munitions. Le centre des événements s'était maintenant déplacé du quatrième à cet endroit qui faisait la tripe jonction entre le 1er, le 2ème, et le 3ème arrondissement de Bruckston. Il y avait du sang parterre. Je regardais parfois des choses terribles se passer, certains recevaient des balles, des couteaux en pleine gorge, j'étais pétrifié de terreur au fond de moi, certains étaient pareils, mais tout ce passait presque doucement, sans que cela ne choque personne, et au final je restais sur cette statue comme un idiot n'osant plus descendre.

Tout ceci n'avait aucun sens, des socialistes se battaient avec des communistes, tout le monde perdait son sang froid et s'entre-tuaient sans aucune raison valable. Tout ceci ressemblait de plus en plus à une guérilla urbaine qui tourne au vinaigre. Une instabilité politique extrême qui pourrait entraîner une catastrophe.

Jim poussa la grande porte de la gare, relevant la tête, humant un bonne fois l'air de la capitale, à la fois tracassé et submergé par la beauté de la Seine qui coulait tranquillement au borde du quai d'Orsay. Il se mit enfin en marche après une longue hésitation sur son itinéraire, sur le Pont Royal qui menait à une grande bâtisse qui abritait dans ses grandes barrières le jardins des Tuileries. Humant l'odeur végétale il déambulait entre les statues sans but, somme toute un tourisme nostalgique des anciens habitants amoureux de la ville. Derrière les grandes ailes du Louvre se trouvait perché un soleil levant orangé, atténué par quelques nuages qui filtrait magnifiquement les faisceaux, semblables aux tableaux de la renaissance qui reposaient déjà dans quelques galeries du bâtiment. Puis il pénétra dans le premier arrondissement, traversant le rue de Rivoli, le théâtre de la Madeleine, jusqu'aux boulevard Haussmann où il se laissa porter par les flots de notes par les accordéonistes qui jouaient aux sorties des métros. Sur le boulevard, il balaya les vitrines d'un coup d'œil, et se décida pour "Le Coin Haussmann", un café qui avait pignon-sur-rue, magnifiquement décoré de boiseries et de peintures murales. Le voilà seul café et cigarette à la main, oubliant ses pensées qui le tracassait depuis son départ de Bruckston. Son rat sur la table qui semblait ne gêner personne grignotait des gâteaux servis avec le café que Jim jugeait infectes. Puis la silhouette d'un homme chauve s'avança sur l'entrée et scruta Jim en se mordant la lèvre d'un air désolé, avant d'enfin rejoindre Jim sur la table. Cet homme qui se trouvait être Holn commanda un whisky, et entama la conversation.

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