Chapitre XLIII

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Les sapins dégagent toujours une odeur sèche et envoûtant que Holn aimait tant humer depuis son enfance. Au volant d'une Mercedes, tout un panorama s'offrait à lui: une petite route escarpée sur une pente, bordée de sapins d'un côté, et de l'autre un vide qui laissait sur le paysage voir une vallée dans laquelle coulait une rivière, et d'immenses sommet qui la surplombait. Les neiges éternelles y étaient passionnément accrochées au dessus d'un ciel à moitié couvert. Il se détendit sur son siège, heureux de retrouver toutes ces choses qu'il connaissait tant, les beaux jours de son enfance. Puis en contrebas, il prit un petit sentier caillouteux qui menait vers un grand chalet sur une petite butte, au milieu des pâturages Bavarois. Il se gara en plein milieu, et emprunta le chemin du jardin, pour rejoindre la porte. Il chercha sa clef dans sa poche pour l'insérer dans la serrure mais avant d'ouvrir, il prit le temps d'admirer la vue sur le porche, qui donnait sur un prolongement de la vallée, dont le bout était caché par les pans de montagnes. Il s'imaginait, se lever de son lit bien chaud, la gorge pâteuse, une irrépressible envie de café du matin, un grand classique. Et il viendrait avec sa tasse ici même admirer la vue, les arômes de sa boisson chaude irradier merveilleusement ses papilles encore endormies.

Il se décida à ouvrir la porte. Il découvrit un salon spacieux, tout en bois orné de tapis à tout endroits, un cheminée où était accroché en haut un fusil de chasse et de chaleureux fauteuils en cuir, et en plein milieu un morte manteau où était accroché un masque et des faux bras en bois à demi couvert par un long pare dessus. Derrière la porte un petit cliquetis retentit, mais avant de vérifier de l'autre côté, tout le salon et les murs de la façade explosèrent violemment, laissant la maison élever des flammes qui s'en allaient rejoindre les nuages.

Jim était descendu de son neuvième arrondissement par la rue Montmartre, pour se rendre sur la place des Vosges où entre les arcades qui soutenaient les immeubles de briques, les arbres s'élevaient tout autour de la pelouse vers le ciel dégagé de ce mois d'août. Il ouvrit la grille du jardin pour venir s'asseoir sur un banc de la face sud, le dos à la Seine. Assis sur le banc avec lui, attendait Boris Piotrovitch, qui portait une chemise décontractée, les coudes négligemment sur le dossier, une fine barbe noire au vent. Il tournait la tête vers Jim qui lui ne lui rendit même pas son regard, toujours autant pensif.

"Bon... Si je suis venu ici c'est pour t'exfiltrer de Paris. Tout le monde est au courant, on te cherche partout, moi et tout les autres. Holn est parti sans rien dire en Bavière, il ne reste plus qu'une poignée de nos effectifs ici, et beaucoup se font tirer comme des lapins. À toi de voir. Je peux t'envoyer en Amérique du Sud, en Asie, où au fin fond de la Sibérie."

Jim soupira longuement en inclinant la tête: le misérable motif de ce rendez-vous dont il redoutait s'avérait être celui là.

"Je ne suis pas sûr de... Vouloir partir. Je te téléphone dans six jours, le temps de réfléchir. - Boris éclata presque de rire -

- Mais enfin, je m'en vais pour Catane dans deux jours à peine. Tu me téléphones dans trois heures minimum. Mais magne toi, comme je te l'ai dit on se fait tous descendre, et je dois encore faire disparaître beaucoup de membre aux quatre coins du monde.

- Laisse moi rire... T'es pas le premier à mal faire ton boulot ici. - Boris se braqua -

- Je ne pouvais pas prévoir ce qui allait arriver d'accord? De toute façon si tu restes ici, tu mourras. Et ça ne fait plus rien maintenant parce que tout le monde se fait descendre, et même leur familles. Alors fais comme bon te semble."

Jim s'alluma une cigarette et décida d'abandonner son interlocuteur, qui d'ailleurs ne le retenait pas. Il s'interrogea longuement en parcourant les arcades se sentant pris au piège, oppressé. Il caressa son rat qui était dans la manche de son manteau ; qu'il portait d'ailleurs même par ces fortes chaleurs.

Sauf que je l'avais à la trace. Dans une voiture de trafic discrète avec Sheldon, et quelques policiers aux alentours. Jim s'était retourné, après un coup de feu derrière lui, où deux policiers épouvantés, regardaient le cadavre de Boris qui semblait s'être tiré une balle dans la tête. Jim qui comprit tout de suite la situation décida d'engager un sprint à dans la rue, zigzagant entre les voitures. Pour le suivre, cela était très compliqué, les embouteillages et les feux lui laissait de l'avance, mais nous le rattrapions de temps en temps lorsque la rue était dégagée. Mais une fois arrivé à Bastille, il traversa la place en direction de la Gare de Lyon. Des fourgons de police affluaient et bloquèrent la circulation pour nous laisser passer. Nous traversions Bastille en plein milieu. Puis, une autre rue qui continuait, et enfin à Gare de Lyon, alors que nous n'avions toujours pas ouvert le feu, Jim rentra à l'intérieur. Je descendit de la voiture, et sans me soucier de Sheldon, je pénétra dans la gare, poursuivant à vue son long manteau qui disparaissait derrière les murs. Sur les quais, il prit la direction des rails. Je fis de même esquivant certaines locomotives qui revenaient de province. Je commençais à m'épuiser, il prenait de l'avance. Puis, sous un pont, il monta le mur de pierre qui faisait le renfoncement de la voix ferrée, montant sur la petite ceinture, une ligne qui faisait le tour de Paris. J'escaladais aussi, en m'ensanglantant les mains, et en éraflant ma chemise. Je dus sauter d'une longue distance sur la barrière en fer peint en blanc qui bordait la voie. Jim était parti en direction du nord, il courait, encore, les yeux écarquillés, la peur au ventre, mais sa respiration se faisait de plus en plus difficile, et il semblait trébucher de temps à autre par l'épuisement de sa course.

Cependant j'eus la bonne idée de le laisser s'épuiser pour pouvoir de mon côté courir à un rythme moins rapide, pour me reposer un peu. Et arrivé au dessus de la porte de Vincennes, j'attrapai mon pistolet, et porta un coup au hasard, qui lui rentra quelque part dans le corps. Il s'effondra sur les rails. Un train passa sur la voie, il se roula sur le bord du pont pour l'esquiver, et j'eus à peine le temps de me plaquer contre la barrière, le train s'annonçant au bruit de son klaxon. Une fois passé, je m'avança vers Jim qui me regarda longuement d'un air grave essayant en vain de se relever. J'essayai de parler, mais ma respiration m'en empêchait et de l'asthme commençait à me prendre. C'est finalement Jim qui furieux, engagea la conversation.

"Et alors qu'est-ce que tu vas faire maintenant? À quoi tout ça va mener? Tu croyais que j'ai toujours voulu ça?"

J'étais pétrifié. D'un part, cet homme me ressemblait physiquement, en plus je voyais là un homme misérable qui avait du mal à s'exprimer par sa terreur et sa haine, tandis que je m'imaginait rencontrer le diable. Je baissa mon arme. Je me frotta l'ensemble de la tête à deux mains l'une portant toujours mon Beretta, j'essayais de me raisonner, mais je pensais à tout ces morts. Toutes ces choses horribles. Il me regardait toujours pétrifié, comme si son sort dépendait d'un monstre assoiffé de sang. Je regardait une ultime fois vers lui, son rat était posé sur son ventre, et essayait de comprendre de quoi son ami humain souffrait. Prit d'une exaspération grandissante, je tira une balle droit dans les yeux du pauvre homme. Son rat se glaça de terreur, et dans un élan de pitié, je lui tendit ma main qu'il finit par mordre au niveau de mon index. Je secouai ma main dans tout les sens, et retomba sur la voix ferrée, se mêlant à un groupe de rat qui courrait dessus, effrayé par les trotteuses, disparaissant derrière les immeubles. Je regardais longtemps le corps inanimé de Jim, sa tête était déformée par la balle. Je m'appuya à la rambarde comme sur un balcon pour m'allumer une cigarette, et le bruit du sang qui coulait du pont me fit baisser la tête. Une grand flaque rouge au beau milieu de la l'Avenue de Portes de Vincenne qui était relié face à moi à la Place de la Nation. Un attroupement de passant me regardait d'un air très inquiet, se demandant ce qu'il s'était passé en haut. Je releva la tête en les ignorant, pour regarder le ciel du matin qui s'était couvert de fins nuages blancs qui surplombait les immeubles. Ma vue fût troublée par des larmes ; tout devenait d'un coup plus lucide, je comptait dans ma tête le nombre de personnes que j'avais assassiné, tout un fil d'évènements se déroulèrent sous mes yeux, et les larmes roulaient maintenant sur mes joues. Puis un mélancolie extrême affecta mon esprit, et je fondit en larmes, enfouit mon visage dans mes bras en laissant tomber ma cigarette, pleurant à flots, et bientôt, de manière incontrôlable, je me mis à genoux frappant la barrière à grand coups de poings à m'en faire éclater les phalanges, en pleine crise de larmes, de manière totalement hystérique. Dans l'aveuglement de mon chagrin, Alphonse me tapota sur l'épaule et essaya de me relever.

BruckstonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant