Chapitre XXXIX

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Après toute cette déchéance je m'étais fait un bilan de la ville, assez dépité, je dois l'avouer. Le "petit paris" était saccagé, les trois quarts du quartier était une montagne de poussière. Certains quartiers proche du centre à savoir le 5ème, le 8ème, et le 9ème qui comptait mon quartier, avait été quelque peu amoché, mais une bonne partie était préservé. Pour le reste, quelques obus perdus avaient frappé, mais les dégâts étaient rares. Mais le principal de la ville avait été détruit. Le nombre de sinistrés s'élevait au dessus d'un million, tous étaient tapis dans les sous-terrains. Pour ma part, je logeais dans l'appartement de fonction de Sheldon, ans le 8ème, bien plus spacieux que le mien. Je m'étais tenu à un mode de vie plus sain, me réapprenant les besoins essentiels de la vie, mais ce n'était pas ma veine car l'organisation des réapprovisionnements était catastrophique, il fallait aller presque jusqu'en banlieue pour trouver des vivres sans rupture de stocks, où aller aux aides bénévoles, mais d'autres en avaient plus besoin que moi.

Mais cette phase de désespoir continuait, une lente agonie de mon être et de mon âme qui me tenait aux tripes et au sang, j'avais beau me débattre dans cette prison de chair, elle restait là, sadique et insurmontable. De cette perte d'intérêt pour mon existence, résultait un profond sentiment de pouvoir et d'invincibilité, symbolisée par cette arme italienne qui me paraissait splendide, et que j'admirais chaque soir, comme celui-ci, où j'attendais patiemment dans la voiture de Sheldon, dans un quartier du 11ème arrondissement.

Sheldon n'était pas venu pour rien l'autre fois au bar délabré, et venait m'exposer sa petite enquête qu'il avait mené après s'être désolidarisé de ma personne depuis la tragique histoire de notre espionne. Il avait par le biais de ses fonctions de police mis la main sur des archives des notaires de Bruckston, des noms qui disparaissaient et revenaient sans aucun lien logique entre les faits: des noms sans lien avec un seul compte bancaire, des propriétés diverses à Bruckston et à Paris, en somme des individus dont il n'arrivait pas à mettre la main dessus. Il s'était démené pendant une semaine intense, avait même remonté jusqu'au bar "piano" qui avait été complètement abandonné. Les deux tiers des noms avaient abandonné leurs domicile, ce qui coïncidait très clairement avec la dénonciation des Chapeaux Noirs. Ces personnes si elles se révélaient réelles, avaient disparus des archives dès ce moment, sans un seul billet d'avion à leur nom, un seul billet de train. Elles avaient donc si on suis cette logique, abandonné leur domicile pour vivre dans la rue, un chiffre qui s'élevait à quelque milliers et cela avant l'épisode des bombardements. Et Sheldon ne s'était pas donné la peine de tout recenser, il devait y en avoir d'autres. Mais là où il avait eu le temps de s'attarder, c'était le tiers restant. Tous dispersés dans l'ouest de la ville, un appartement dans le onzième comptait cinq colocataires pour un total de quarante mètres carrés. Il avait donc pris contact avec moi, recherchant des forces nécessaires pour l'aider à sa tâche, étant dépourvu d'homme de mains de la police.

J'avais été plutôt énervé de n'avoir rien su avant, mais j'avais évidemment accepté pour résoudre cette affaire. J'avais sollicité Geordie qui était revenu de Madison Square pour un concert, et avait découvert Bruckston dans un état catastrophique, mais la presse américaine s'était chargée de lui amortir le choc avant qu'il ne revienne.

Il avait lui aussi accepté sans résistance, et des patrouilles du gouvernement avaient accepté de patrouiller sur le périmètre.

Je me trouvais donc un soir de nuit noire, assis à la place passager de la BMW 507 que la police lui prêtait, voiture très chère mais très rapide, toujours scrutant mon arme italienne. Une fois la voiture à l'arrêt, Sheldon m'adressa un hochement de tête puis tourna la tête à l'arrière s'adressant à Geordie:

"Gardes la voiture, on s'occupe du reste."

Je sortit en direction de l'immeuble avec Sheldon, et Geordie s'adossa à la voiture en allumant sa cigarette avec une nonchalance prononcée. Nous montâmes les marches jusqu'au troisième étage où nous frappâmes à la bonne porte. Nous attendions patiemment, aucun bruit ne se faisait entendre. Puis, des pas sourds commençaient à se réverbérer sur le plancher, je me précipita à la fenêtre sur le palier, et j'aperçus plusieurs qui escaladaient le mur, se dirigeant vers un petit jardin qui longeait l'immeuble et qui donnait sur la rue où nous étions garés. Je fis un geste à Sheldon sans le regarder, et frappai la vitre pour sortir et emprunter les escaliers de secours, escalader la barrière jonchée de pics en il laissant quelques cicatrices et pour courir vers la voiture. Les hommes qui avaient descendu le mur démarraient une voiture, et s'engagèrent dans la rue. Sheldon qui m'avait suivi, sauta dans la voiture accompagné de Geordie et moi même. Je tirai en direction de la voiture qui s'éloignait déjà, et une balle percuta le pare brise. Je n'eut même pas le temps de fermer la portière que la voiture démarra en un rugissement féroce et fonça à travers les étroites rues. Le quartier était très vivant, les rues toutes illuminées et pleines de passant, qui n'avaient pas à se soucier de ce qui se tramait quelques kilomètres plus loin dans le centre. Sheldon évitait les voitures unes par unes, toujours fixé sur son objectif, la Mercedes 300 qui fusait en direction du nord.

BruckstonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant