XVI

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Une question de tradition.

Niaman était couchée à même le sol sur une natte. Penché sur elle le visage inquiet de Aminata. C'était la troisième fois qu'elle perdait connaissance depuis son excision.
Chaque fois qu'elle revenait à elle, elle était incapable de détourner ses yeux de l'endroit où était couché le corps sans âme de Koro.
Horrible, c'était le seul mot pour qualifier ce qui venait de se dérouler. Une jeune fille qui avait toute sa vie devant elle, qui avait le temps de se marier, d'avoir des enfants, de découvrir des nouvelles choses, de croquer la vie en pleine dent, de vieillir; venait de perdre la vie. Tout ça à cause d'une tradition. Et on se contentait de faire comme si de rien était, de le mettre sur le compte de Dieu.
C'est vrai qu'Allah ôte la vie mais l'être humain ne commet il pas des crimes ? Allah a interdit à ses créatures de ne pas ôter la vie à son semblable sauf par légitime défense. Allah nous interdit de commettre un acte qui pourrait atteindre notre âme d'une quelconque manière. Alors pourquoi tant de brutalité, de sang froid, de dureté de cœur à cause d'une tradition? Les traditions sont bons à suivre mais lorsqu'elle met en danger la vie d'un être humain elle doivent être banis.

Aminata ordonna à une des apprentis d'aller chercher la mère de niaman. Ni les feuilles ni les bosses de vaches ne purent stopper le sang qui coulait. Elle avait une hémorragie, allait constater un corps médical. Aucune des femmes sous la case ne savaient ce que ce mot voulait dire.
Maïmouna arriva en catastrophe dans la case.

-Aminata il y a un problème ?
-Calme toi maïmouna. Je crois que tu dois amener ta fille chez un marabout pour chasser l'esprit qui la torture. Un mauvais esprit veut prendre son âme. On a essayé par tous les moyens malheureusement je ne pourrais rien faire.
-Heu Aminata! Un mauvais esprit!

C'est tout ce qu'elle pu dire avant de fondre en larme.
-Maïmouna toi aussi arrête de te lamenter. Amène la chez zankè le marabout il pourra la guérir et la délivrer des esprits.
-Aminata tu ne peux pas comprendre. Tous mes autres enfants sont mort brutalement et étant bébé en plus. Niaman est la seule que j'ai pu garder aussi longtemps. J'ai dû faire un pacte avec les esprits pour qu'elle reste en vie. J'ai peur qu'elle meurt aussi.
-Maïmouna arrête de dire des choses pareil. Amène la vite chez zankè.

Une apprentie pris une niaman faible et la déposa dans le charriot. Heureusement que le marabout habitait non loin. A force de perdre du sang, niaman commença à délirer. Elle était dans un autre monde. Elle n'avait plus la gestion de ses facultés. Elle ignorait qu'elle se trouvait à présent dans la case obscure du vieux zankè. Maïmouna retarda ses yeux sur une statuette accrochée au mur. De toutes, c'était la plus effrayante et la plus énorme.
La case pestait l'odeur des peaux d'animaux, tués par les ancêtres du marabout; collées au mur et l'odeur des liquides de différentes couleurs traînant dans des calebasses.
Si ce n'était pour la santé de sa fille, maïmouna n'aurait jamais été tenté de mettre un pied dans ce genre d'endroit. Bien sûr elle partait voir des marabout mais ceux ci travaillait avec le coran soit consultaient les cauris  jamais ne vénéraient les statuettes.
Au milieu de la case, était majestueusement installé zankè dans une tenue digne d'un descendant de charlatan. Il avait un boubou de couleur marin et étaient accrochés ça et là des miroirs et quelques cauris. Il avait le visage dure et un regard mystérieux. Face à lui une maïmouna affolée et inquiète, dans ses bras sa fille évanouie.
Zankè fut une incantation avant de s'adresser à maïmouna.

-Tu as mis du temps à enfanter.Tu as été voir les génies pour t'épargner ta fille et en échange tu allais danser le moribayassa. As tu tenu à ta parole ?

Effectivement, quand maïmouna a su qu'elle était enceinte, elle a été voir un marabout et a promis aux génies de danser si ils lui laissaient sa fille. Voilà pourquoi sa fille porte le nom niaman qui voulait dire ordure. Ce nom signifiait qu'elle rejetait l'enfant et elle n'avait pas le droit de s'y attacher. Cet enfant appartenait au esprits et à la nature.

Une Question de tradition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant