XXV

531 84 0
                                    

Une question de tradition

« Un borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même »

Assise sur une mortier renversée, un lourd pagne sur la terre, entourée de vielles dames du village qui lui chantaient ses louanges et ceux de sa mère, Niaman n'arrivait plus à arrêter ses sanglots. Si ce n'était les voix des femmes autour d'elle, on aurait entendu ses reniflements depuis l'entrée de la concession.
En plus de la lourdeur du pagne, sa tête était chargée de pensées qui se bousculaient.
Elle ne pouvait croire que c'était son tour aussi. On disait que tout le monde y passait, cette idée était encrée dans les esprits mais on se préparerait jamais assez pour ce jour. Surtout son cas à elle.
Lorsque une dame informa les autres de l'arrivée de la famille du marié, elle redoubla ses pleurs.
Pourquoi pleurait elle ? De l'abus dont elle fit victime alors qu'elle était qu'une enfant ? De l'insouciance de ses parents face à ses malheurs ? De la colère contre ces gens qui étaient heureux pour son malheur ? De la cruauté de la vie ?De la honte dont elle allait faire face ? De la nuit tant redoutée qu'elle allait affronter ? De ses rêves brutalement réduits au néant ? De l'injustice dont elle allait bientôt être victime ? Du départ de Demba ?
Ah Demba! Elle ne put s'empêcher de penser à lui. Elle se demandait que faisait il en ce moment à des kilomètres d'elle et ce qu'il ressentait. L'avait elle déjà oublié ?
Elle se sentait piégée, piégée par le destin, piégée par la vie.
On appela sa mère pour qu'elle vienne lui dire au revoir et lui donner un bol d'eau avant de partir.
Maïmouna arriva cachant tant bien que mal sa fierté. Sa petite fille allait enfin devenir une femme. Elle se sentit soulager d'avoir remplie sa tâche tant bien que mal. La première préoccupation d'une mère étant de trouver pour sa fille un bon époux, maïmouna était sûre d'avoir relevé le défi.
Elle fit boire sa fille, lui chuchota quelques conseils les larmes aux yeux puis lui sourit franchement à travers ses reniflements.
Malgré sa rage contre la femme qui lui a porté dans son ventre pendant neuf mois, Niaman ne put s'empêcher d'être triste de voir sa mère en larme. Elle se demandait avec qui allait elle désormais causer dans la chambre quand ladji sera de tour chez sa belle mère.
Maïmouna se sépara difficilement d'elle, elle ne cessait de lui répéter à quel point elle était fière d'elle.
Niaman quand à elle, voulait juste lui crier sa détresse. Ne vois tu pas mes malheurs à travers mes yeux mère ? Ne vois tu pas l'état pitoyable de ta chère fille ? Pourquoi es tu insensible à mes pleurs ? Avait elle envie de demander.
A cet instant elle s'est rendu compte quel reprochait à sa mère son viol, son marriage forcé, tous les malheurs qui lui sont arrivés et qui lui arriveront. Elle lui reprochait de ne pas avoir remplie son rôle de protectrice, de conseillère, de psychologue.

Elle se rappelait encore des mots tranchants de son père après que le père de Demba ait quitté la maison. Elle se souvenait de chaque mot, de chaque phrase prononcée, surtout du sentiment de déception et colère et que son père lui a montré.
Il fit remonter la bretelle à la maman autant qu'à la fille.
-Maïmouna que t'avais je dit ? Avait t il débuté. Ne t'avais je pas ordonné de garder un œil sur ta fille ? Vous allez finir par m'achever dans cette maison.Maïmouna, que ta fille s'amourache avec les garçons ne la pas déranger mais le pire est que c'est avec un griot qu'elle voulait se marier. Moi Babacar Keïta, fils de namory Keïta, descendant de Soundiata Keïta, c'est moi mon sang, mon noble sang qui va se mélanger avec celui d'un griot ? Maïmouna ne te djigui Niaman la, si toi sa mère ne se respecte pas assez pour certaine chose alors il est normal qu'elle n'eut aucun vergogne d'amener ce petit griot chez moi. Je ne cesse de vous répéter que je veux pas de scandale chez moi. Maïmouna parle avec ta fille. Toi Niaman c'est parce que tu es célibataire que tu fais du djankarabouya. Mais inchalah je vais vite remédier à cela. C'est tout ce que j'avais à vous dire. Termina t il.
Une fois dans la petite case étroite, maïmouna ne rata pas à son tour de lui faire la morale.
-Niaman hé niaman, ité sabali deho ! Niaman djoukousakoya dabila, niaman qu'est ce que je t'ai fait ? Pourquoi veux tu m'humilier devant mes ennemis niaman ? Tu connais notre situation, tu sais bien que cette nagnouma n'attend que ma défaite et tu te permets ces genres de chose. Niaman je te fais confiance alors ne me déçois pas. Tous mes espoirs reposent sur toi.

Une Question de tradition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant