XV

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Une question de tradition.

Dès l'aube, Aminata vint chercher les jeunes filles sagement assises sur la natte. Après l'échange de quelqu'un banalités, nagnouma remit à Aminata une boîte contenant du beurre de karité, qu'elle avait mélangé la veille avec de la cendre.
Nagnouma ne put s'empêcher de donner encore quelques conseils aux filles.
-Soyez fortes les filles. Tout ce que vous allez vivre pendant ces jours c'est pour vous préparer à la dureté de la vie. Vous ferez notre fierté si vous supportez la douleur en silence, gardez vous de crier.Une femme n'a pas de bouche pour se plaindre. Écoutez les conseils des initiatrices. Cela vous aidera le long de votre futur vie de femme. Allez et que Allah veille sur vous.
Aminata saisit la main des filles et elles s'installèrent dans le chariot à côté de quelques filles du village.
Ainsi elle furent le tour du village pour récupérer les autres filles.
Sur la route, elles chantaient les louanges des ancêtres du village et des braves femmes.
Quelques fois, niaman, une grosse boule dans la gorge, angoissait. Elle entendit parler de la douleur qu'on ressent lorsque la lame froide rentrait en contact avec la peau de son intimité. On racontait qu'après les douleurs de l'accouchement elle était la pire qu'on puisse ressentir.
Plus le charriot approchait de la grande case, plus on pouvait lire sur le visage des filles la peur et l'appréhension. Niéléni échangea un regard paniqué et un sourire crispé avec sa sœur.
Pour se donner un peu de contenance, Niama songeait au visage rayonnant des filles courageuses qui n'ont pas crié pendant l'opération, et tous les cadeaux qu'on les offrait. Elle se rappelle, leurs parents étaient très fiers de soumba quand elle est revenu de son initiation. Elle était la chouchou de la famille et fut cajolée pendant des mois grâce à sa bravoure. Elle n'avait pas du tout crié, racontait à qui veut l'entendre nagnouma partout au village.
Par contre les filles peureuse avaient droit aux moqueries et méprises de tout le village. Chaque fois qu'elle se rendait à la rivière avec soumba pour la lessive, cette dernière ne se gênait pas de chanter des chansons du pays sur la bravoure ou la peur pour se moquer des filles qui ont crié pendant leurs excisions. Elle remarquaient bien leurs mines boudeuses et honteuses. Elle ne pouvait que s'enfermer dans un long silence, impuissantes.
Même un jour sa tante lui montra au marché une de leurs générations qui n'a pas été courageuse pendant son initiation.
Cette faiblesse de quelques minutes te poursuivait toute ta vie. On te méprisait toute ta vie pour avoir laisser paraître ta douleur. Tu étais la honte de ta famille pour avoir exprimé ta souffrance.
Le chariot s'arrêta devant la grande cour de la forgeron à la sortie du village. Anxieuses, les filles descendirent de l'engin dans un silence religieux. Celles qui ont d'habitude plus d'infinité et qui se raccompagnaient pour aller chercher de l'eau au grand puit du village, se traitaient désormais comme des inconnus. L'heure n'était pas aux rigolades et espièglerie.
Sous le grand hangar en paille, était assises cinq femmes âgés sur le karaka. Elles étaient considérées comme des apprentis, l'héritage se faisait de mère en fille, d'aînées à cadettes. Celle qui excise ne sera détrônée que lorsqu'elle atteint un certain âge, qu'elle soit assez veille pour ne plus pratiquer « son métier » ou qu'elle soit atteinte d'une maladie.
Tout était déjà près dans la grande case. On attendait juste les filles qui descendirent et prirent place sur des escabeaux sous le grand hangar. Aminata demanda aux filles laquelle d'entre elles voulaient passer en première. Elle manqua pas de candidate, les moi fusaient de partout. D'une part chacune voulait prouver son courage et d'autre part en finir le plus rapidement possible. Le plutôt serait le mieux.
-On va commencer par toi, pointa t elle du doigt une fillette de douze ans à peine, tu sembles très courageuse.
La fille en question ne put s'empêcher d'esquisser un petit sourire. Elle se sentait plus importante et prit un air hautain quand Aminata lui saisit la main.
Elle l'amena devant la case d'où les apprentis s'était déjà installés.
Elle récita une incantation avec le nom de la jeune et ses parents.
A peine un pas dans la case que la fille perdit son assurance. Ses yeux s'attardèrent un moment sur le petit couteau déposé par le soin d'une apprentis dans une calebasse.

Une Question de tradition Où les histoires vivent. Découvrez maintenant