K e n

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Mai 2017. Paris. 


Allongés dans le lit du rappeur, Ken ferma les yeux, glissant sa main sur le ventre de Charly qui se tendit instantanément. Il fronça les sourcils, parce qu'elle n'était clairement pas chatouilleuse à cet endroit, jusqu'à présent, elle était plutôt sensible dans le cou et au niveau des genoux. Les côtes aussi, mais il les avait pas touché. 

- Lily, murmura-t-il

Et là, il eut du mal à comprendre, la petite blonde se mit à pleurer en s'excusant, avant de glisser ses deux mains sur son ventre, pendant qu'il retirait rapidement la sienne, comme brulé. Putain. C'était pas ce qu'il croyait quand même ? C'était trop tôt, il était pas prêt et putain, merde, il avait pas le temps pour ça. Pas maintenant. Et même elle, elle allait flinguer sa vie. Fallait pas qu'elle le garde. 

Il quitta le lit, secouant la tête, la fixant en larmes, recroqueviller sur elle-même. 

- Faut que t'avortes. On va pas le garder. C'est mort. 
- Il a rien demandé ce bébé !
pleura-t-elle 
- Mais moi non plus ! J'en veux pas, putain ! 

Il avait le coeur qui battait trop vite et il enfila rapidement ses fringues ; il devait se barrer d'ici. Sinon, il allait vrillé définitivement et elle ne méritait quand même pas ça. De plus, voir Charly dans cet état lui vrillait le coeur et il était pas prêt à céder sur ça. C'était trop de contrainte un gosse, ça faisait qu'un an à peine qu'ils étaient ensemble, il y avait pas moyen. Elle essaya de le retenir mais c'était trop, c'était mort. C'était ce bébé ou lui et visiblement, elle le voulait ce gamin dans son ventre.

Il se retira rapidement de son étreinte. Il avait des frissons et il n'avait aucune envie d'être touché, là maintenant. Il voulait juste prendre l'air, poser son cerveau, se prendre une cuite et voir ses frères. Les pleurs de Charly lui vrillaient le cerveau. Il avait besoin de retrouver ses repères. Il était perdu. Il avait peur. Bien trop peur et c'était mort. 

Le brun lui attrapa la mâchoire, le regard sombre, il avait besoin de lui faire comprendre, elle pouvait pas lui imposer ça. Il l'aimait, il en était fou de ce petit brin de femme mais elle avait franchit une limite. Il se mordit longuement la lèvre et la claqua contre le mur, il serrait pas au niveau de la gorge, c'était simplement pour qu'elle comprenne à quel point il se sentait trahis. Pour pas qu'elle fuit son regard, elle était forte pour ça et il voulait lui faire comprendre qu'elle faisait la pire connerie de sa vie en gardant cet enfant.

- Dégage, souffla-t-il, je veux plus te voir. T'as pas le droit ...

Le rappeur attrapa rapidement ses clés et son portable, quitta l'appartement sans même un regard pour la gamine. Il savait pas ce qu'il lui était passé par la tête, pourquoi elle avait rien dit putain ? Elle jouait à quoi ? Merde, elle venait pas d'être au courant pour agir comme ça, c'était pas possible. Et puis, putain, c'était bien trop tôt pour un gosse. Elle avait réfléchit à rien. Et ses études ? Et son père ? Qu'est-ce qu'elle foutait de tout ça ? 

Il avait les mains qui tremblaient. Il avait aussi envie de vomir et il était clairement entrain de faire une crise de panique. Il venait de plaquer Charly, putain. Il lâcha un terrible sanglot, faisant se retourner les passants sur sa gueule. Heureusement, la casquette basse et la capuche sur sa tête lui permettait une certaine discrétion. 


Il grimpa les marches de chez Mohammed, il avait aucune envie de se retrouver chez Mekra et Framal : il voulait pas croiser Jude et Mekra lui dirait que Charly valait pas mieux que les autres. Il toqua à la porte d'entrée et la déverrouilla, tombant sur Deen et Zer2. Il grimaça mais ce fut Théo qui fronça les sourcils en s'approchant de lui. 

- Frère ? souffla le garçon, légèrement inquiet

Et de nouveau, les larmes dévalèrent ses joues, surprenant les deux autres. Il se mordit la lèvre à sang, demandant un alcool fort à Moh qui lui apporta directement la bouteille de Vodka. Il le remercia et la bu rapidement, la brulure ne calmait même pas la douleur de son coeur. Comment il allait dire ça ? C'était un putain d'enfoiré quand même. Il venait de laisser une gosse de dix-neuf ans, enceinte. De lui. Mais elle pouvait pas, elle avait pas le droit de lui imposer ça alors même qu'ils allaient sortir Destins Liés dans un mois, qu'ils étaient en plein tournage du film avec Thierry Khlifa. Il y avait aucune place pour un môme. Merde. Putain. Putain. 

- Ken, tu t'es engueulé avec Charles ? demanda Deen 
- Je l'ai quitté ... J'crois, il se recroquevilla 
- Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? 
- Elle veut le garder, putain ... 
- Mon kho, je comprend rien
, fit plus fermement Sneazzy 
- Lily, elle est enceinte et je-, je suis un putain de monstre, je l'ai plaqué.  
- Doucement, Ken, respire, t'es entrain de faire une putain de crise là.

2Zer le connaissait trop bien, la crise de nerfs commençait à monter. Elle lui avait cacher qu'elle avait un putain de polichinelle dans le tiroir, elle était en cloque et elle comptait faire ça en soumsoum. Mais jusqu'à quand merde ? Il partait la semaine prochaine avec les gars pour un voyage. Elle comptait lui dire sur le tarmac, quand il serait dans l'avion ? Il faisait des allées retour dans le salon de Sneazz, sous le regard perdu, compatissant de ses reufs. 

La bouteille de Vodka finit explosé contre le mur du rappeur, ne calmant pas ses nerfs pour autant. Elle s'était contenté de pleurer merde ! Tout ce qu'elle lui avait dit c'était que ce gosse avait rien demandé ! Mais putain, lui non plus, en plus, ils avaient toujours mis la capote alors il comprenait pas. Charly prenait la pilule aussi. C'était impossible, pourquoi ? Quand ? 

Il l'aimait sa blonde. Il l'aimait comme jamais et il venait de la tej, elle et un putain de marmot. Son marmot. Et rapidement, son cerveau vrilla lorsqu'il revit l'indifférence de son père, ses engueulades énormes parce que le rap n'était pas un métier. Il avait détesté son père, il l'avait même foutu à la rue et putain, il avait vécu plusieurs mois chez les Akrour, dans des cages d'escaliers, il s'était démerdé et il avait peur que ce manque d'affection, ça se répercute sur ce gosse. Il en voulait pas, il était pas capable d'être père. 

Il galérait à reprendre sa respiration, il avait mal à la poitrine et ses mains tremblaient. Il était perdu, il ne savait pas ce qu'il devait faire. Même les trois garçons ne savaient pas quoi faire, c'était bien la première fois que Ken craquait à ce point là devant eux. Rapidement, sans trop qu'il ne comprenne comment, il se retrouva dans la salle de bain de Moh, on le claqua sous la douche et l'eau froide calma son cerveau bien trop actif et paniqué. 

- Ken, ça va ? souffla Deen avec le regard inquiet, faut que tu respires doucement, il resta un moment silencieux. Et puis quand tu seras un peu plus calme, t'iras voir Charly, tu lui poseras les questions qui te trottent en tête, ok ? Vous, il sembla hésiter, vous prendrez la décision qui vous parait la plus viable pour vous deux. 
- Elle, elle veut le garder, y a pas de décision ... J'en veux pas, je peux pas, je peux pas
, répéta-t-il en secouant la tête, je l'aime trop. Je veux pas la perdre mais je peux pas. Je suis pas fait pour être père ...
- Faut que vous parliez, Ken. Vous pouvez pas vous déchirer comme ça.
- J'suis pas prêt. 

Deen soupira, fermant les yeux. Il comprenait la panique de Ken, il était en pleine ascension et il avait beaucoup de projet. Avoir un enfant maintenant, c'était tout arrêter trop brusquement. Charly était jeune et elle avait ses études a finir. Mais Ken serait irresponsable de la laisser se débrouiller avec ce môme. Déjà parce que le connaissant, il finirait par être prit de remord. Parce qu'il aimait bien trop Charly, c'était évident. Il fixa un instant le rappeur qui luttait contre la fatigue et lui retira ses vêtements, ne laissant que son boxer avant d'attraper une serviette.

- Ken, viens, on va te coucher.

La nouvelle l'avait assommé, il aida vaguement Deen à le mettre debout et le traina vers la chambre de Sneazzy qui était en pleine discussion avec Théo, tous les deux le portable en mains, entrain d'envoyer des sms aux autres. Ils ne laisseraient pas tomber le grec, c'était certain et ils prendraient les bonnes décisions ensembles. Comme toujours. Parce qu'ils étaient une famille. 

Les Étoiles VagabondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant