K e n

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Juin 2019. Paris. 

Trois ans.

Il n'était pas sur que ce soit une bonne idée. Les gars lui avaient pas vraiment laisser le choix et il était resté comme un con sur le trottoir avec ses valises, à fixer la lourde porte en bois. Bien sur qu'à un moment il devrait rentrer chez lui mais l'appart, officieusement, il était à Charly maintenant. Il lui avait filé pour qu'elle s'installe avec son gosse et le peu qu'il était rentré sur Paris durant son trip pour son album, il avait passé la nuit au label ou sur le canapé d'un des gars. 

Mais de toute façon, il devait quand même récupérer ses fringues et le reste de ses affaires. Sortant de la cabine de l'ascenseur, il poussa un soupire en trainant ses deux valises et s'arrêta devant la porte, histoire de sortir ses clés et reprendre son calme. Elle lui manquait sa blonde, clairement, et ça se ressentait dans son album ; il avait parlé d'elle pratiquement tout le long, que ce soit un morceau complet ou une phrase par ci par là. 

Presque trois ans d'absences. 

Ça laissait un vide énorme. Un vide et un gosse. Ça aussi, il était pas trop sur. Il avait longuement discuter avec le S, avec Doums aussi, avec d'autres rappeurs darons. Il devait le voir ce gamin, juste même pour faire connaissance. Parce qu'il arrivait pas à se dire qu'il serait un fantôme. Il l'avait tellement reproché à d'autres. Peut être même que Charly avait refait sa vie avec un autre. Que l'enfant l'appelait "Papa" et qu'il foutrait la merde. Encore. 

Et puis devant la porte, il hésita : toquer ou entrer ? Soupirant, il déverrouilla sa porte, tombant sur son couloir exiguë et sur les portes en verre de son salon, toujours ouverte. L'appartement était clean, c'était étonnant venant de Charly, il l'avait toujours connu bordélique. Peut être qu'elle ne vivait plus là ? Quelle s'était prit un autre appart, mais la télé était allumé, sur un volume hyper bas. Expirant un grand coup, il laissa ses valises dans un coin du salon et fit quelques pas de plus, ayant du mal à reconnaitre son appartement. 

C'était étrange, clairement, parce qu'il reconnaissait sa bibliothèque, ses disques de diamant étaient toujours sur le mur mais y avait aussi quelques bouquins à Charly, qui n'était pas forcément rangés mais juste posés là. Par contre, ce qui avait changé, c'était le parc d'activité de bébé dans un coin et le coffre au pied de son canapé, remplis de jouets. 

Il était tout de même soulagé de ne pas tomber sur Charly. Parce qu'il ne saurait clairement pas quoi lui dire. Enfin, si, il savait quoi lui dire, depuis qu'il avait même fini l'album, mais il flippait, tout simplement. Mais il trouvait ça chelou qu'elle ait laissé la télé allumée si elle n'était pas là. Il traversa le couloir pour tomber directement sur sa chambre, vide, un peu moins ordonnée par rapport au salon mais ça le rassurait aussi ; elle vivait bien ici. 

Il fixa les deux portes closes et se passa une main dans les cheveux, replaçant sa casquette par la même occasion. La main tremblante, il ouvrit doucement la seconde porte, qui était son bureau et le bureau de Seine Zoo à la base, mais il supposait que c'était devenu la chambre du bambin. La pièce était plongée dans le noir mais la lumière naturelle de l'appartement pu lui permettre de trouver un petit garçon endormis dans son petit lit. Ken resta un long moment à fixer ce bébé, qui lui ressemblait bien trop. 

Trop absorbé, il ne remarqua pas son corps se mouver pour se retrouver devant le gosse. Un petit mec. Il avait un fils. Un fils qui dormait paisiblement, sa tuttute en bouche. De visu, le gamin semblait en bonne santé, et le coeur de Ken se serra tant il eu peur : peut être qu'il était conscient de son abandon ? Et maintenant, il devait faire quoi ? 

Il était vraiment pas sûr de la démarche mais là, de suite, son coeur crèverait si Charly l'envoyait se faire foutre, clairement. La blonde sortit de la salle de bain, enroulée dans une serviette. Et elle arrêta tout mouvement, les yeux écarquillés, se remplissant rapidement de larmes et une main sur sa bouche. 

- T'es rentré. 

C'était pas une question. Enfin, il n'était pas sur. Il fixa l'espagnol, un long moment, et la jeune femme était devant lui, une main tremblante se posant sur sa joue humide, dans une douceur qu'il n'avait pas connu depuis trois ans. Elle lâcha un sanglot, le détaillant, caressant ses cernes, avant de se mettre sur la pointe des pieds et l'embrasser. 

- T'es rentré, murmura-t-elle une nouvelle fois

 Et bien sur qu'ils devaient avoir une conversation mais là, maintenant, il n'était pas sur de la vouloir. Il ne fuirait plus, parce qu'il ne savait faire que ça. Mais là, maintenant, c'était trop pour lui. Définitivement. 

Il aimait cette femme à en crever.

Les mains sur les hanches trop fines de Charly, il approfondit le baiser, la trainant dans la chambre, leur chambre et il prit conscience de la blessure qu'il avait infligé sa blonde en voyant les kilos manquant sur son corps. Elle était tellement moins lumineuse. Se redressant un peu, il hésita. 

- Tu, elle fronça les sourcils, ouvrant et refermant la bouche plusieurs fois. 

Visiblement, ils avaient peur tous les deux. Il pouvait la sentir trembler contre lui et il arrivait pas à savoir si c'était d'excitation ou de peur. 

- Tu comptes dormir ici ? 
- Non, enfin, faut que tu me laisses un peu de temps, que je dégage tout ... 
- Quoi ? Non, c'est- t'es chez toi, quoi
, souffla-t-elle 

Elle murmura son prénom, continuant d'embrasser son torse, descendant toujours un peu plus et son cerveau se déconnecta complètement. Et cette baise, parce qu'ils avaient pas fait l'amour, semblait avoir briser un mur entre eux, surtout lorsqu'elle ouvrit les yeux encore rouge de ses larmes, la respiration toujours en déroute. 

Il était trop con putain. Il aurait jamais dû partir. 

Jamais. 

Charly s'habilla rapidement en entendant l'enfant chouiner dans sa chambre et il fit de même. Les vraies retrouvailles commençaient maintenant. Et ce serait pas une partie de plaisir, sa go pouvait clairement être une garce quand elle était blessée. 

Passant la porte du salon où l'enfant était entrain de se relever tout seul avec l'aide du fauteuil pour faire quelque pas sans aide. Il écarquilla les yeux. Son fils marchait, son fils marchait déjà et qu'est-ce qu'il avait raté d'autre ? 

- Mama. Miam. 

Le petit brun s'était accroché à son jean, lui mimant une bouche qui mâche et d'un coup, il se sentit mal à l'aise. Ce gosse ne le connaissait pas. Il avait déjà raté deux ans de sa vie ; ses premiers pas, ses premiers mots, ses premières dents, merde putain. Est-ce que le môme s'en souviendrait ? Est-ce qu'il avait conscience de cet abandon ? Il se détestait d'avoir surement rendu ce môme un détruit par l'absence d'un père. 

- Ken. 

La voix de Charly le ramena sur terre. Il semblait enfin respirer et surtout, il desserra les poings. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il les avait serrer au point de se blesser. 

- Ken, va prendre l'air. S'il te plait. 

Charly avait un léger sourire qui se voulait bienveillant sur la gueule, jurant avec ses yeux rouges. Et il se détesta encore plus. Ne venait-il pas de briser cette femme une seconde fois ? Là, de suite, il avait besoin d'extérioriser. C'est pour ça qu'il inspira un grand coup, fixant l'immeuble devant. Il essayait de se convaincre que ça pouvait le faire, qu'il ne détruirait pas une nouvelle fois sa famille. 

Il se retourna, croisant le regard de Charly. Un regard droit, quoiqu'un peu blasé. Elle n'avait pas changé là dessus. L'enfant se retrouva sur le sol, sur ses deux jambes, babillant en voyageant dans l'appartement. La blonde croisa les bras et le fixa longuement. Patientant. C'était le moment. Elle avait suffisamment attendu son gain de maturité.

Il lui devait bien ça. Alors il passa la porte, prêt à affronter ses conneries. 





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Les Étoiles VagabondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant