Mars 2020. Paris.
L'appartement était calme. Elle était seule. Ken était en studio et les deux gamins étaient chez son père. La chambre était vide. Vide de ses affaires. Elle avait l'impression que son coeur allait exploser tellement elle n'était pas sur de sa décision. Bien sur qu'elle aimait Ken, bien sur qu'elle aimait ses enfants mais. Parce que oui ; mais. Il y avait toujours un "mais" et aujourd'hui, ce "mais" prenait trop de place dans son coeur.
Elle n'était plus heureuse.
Elle pensait réellement qu'être la femme de Nekfeu, qu'élever ses enfants était ce pourquoi elle était faite. Ils s'aimaient tellement fort que ça ne pouvait en être autrement. Que tant qu'ils étaient ensemble, ils ne pouvaient qu'être heureux mais ce n'était pas le cas. Elle étouffait. Elle n'y arrivait pas. Elle n'y arrivait plus. Elle voulait prendre l'air, faire une pause.
Elle en avait marre de devoir se planquer, de ne pas pouvoir sortir avec Ken pour faire un cinéma parce qu'il était trop connu. Elle en avait marre de ses absences même si il faisait tout pour avoir des horaires fixes. Elle en avait marre d'entendre des "Nekfeu" par ci, par là. Bien qu'il ait supprimé ses réseaux sociaux, il se retrouvait toujours trop facilement dans des unes et c'était ridicule. On le voyait aux bras d'actrices, de mannequins et parfois, elle en venait à douter de sa fidélité. C'était n'importe quoi, elle le savait, mais c'était comme la gangrène, ça se glissait sous sa peau, ça montait dans son cerveau et tout plein de petites voix disaient ; "Ton mec te trompe" "en même temps, regarde toi" " t'as le corps d'une truie depuis tes grossesses" "Ken ne te regarde même plus" "Il ne t'aime plus".
Elle n'en pouvait plus. Vraiment, elle était au bout.
Alors qu'ils avaient couchés ensemble pas plus tard qu'hier. Elle avait prit sa décision depuis hier et c'était un peu une baise d'adieu mais il lui avait fait l'amour fort, comme si il avait eu besoin de lui montrer qu'il l'aimait encore, qu'il n'aimait qu'elle. Plusieurs fois. Avec toujours cette même passion. Et ça lui avait juste fait imploser son coeur. Parce qu'elle savait qu'elle le quitterait. Qu'elle l'abandonnerait. Lui et les gosses. Elle les trahirait sans remords. Et lui, il ne se doutait de rien. C'était vraiment qu'une petite conne.
Elle en venait à se demander si c'était pas plus simple d'en finir pour de bon. Juste ... Disparaitre.
Elle était la plus lâche des mères et elle avait conscience de l'amertume qu'elle laisserait dans le coeur de ses enfants. Elle avait vécue la même mais putain, elle comprenait aussi cette femme qu'elle avait tellement critiquer ; c'était bien trop de responsabilités, un enfant. Alors, deux, c'était ingérable.
Être la petite femme parfaite, attendre sagement son mari en couchant les enfants, c'était pas pour elle. Elle n'y arrivait pas. Elle ne savait toujours pas faire la cuisine et même si Ken n'avait jamais fait de remarque, elle n'arrivait pas à gérer un foyer, les lessives étaient une catastrophe, elle cassait forcément un truc en faisant les poussières, elle cramait toujours un vêtement en repassant et c'était une patinoire lorsqu'elle lavait l'appartement. Elle était bonne à rien.
Reniflant, elle frotta ses joues et jeta un regard sur le carnet de son mec, qu'il laissait trainer partout. Mais elle se ravisa, elle n'était tellement pas sur de ce chemin qu'elle prenait, et surtout, elle n'était pas sur de vouloir revenir. Alors à quoi bon entretenir un espoir ? Elle ne ferait que briser Ken et les enfants encore plus.
Elle poussa un soupire et attrapa ses deux grosses valises, quittant l'appartement après avoir jeté un dernier regard à celui-ci. Elle devait le faire. Elle avait besoin de se retrouver, de trouver qui elle était. C'était surement égoïste. C'était même carrément égoïste mais c'était pas ce genre de vie qu'elle rêvait et elle avait besoin de faire quelque chose pour elle à présent.
De la manière la plus lâche qui soit. Certes. Mais au moins, elle n'avait personne pour la retenir.
Elle était quelque part en Argentine. A l'aéroport, quand elle avait demander le vol qui partait maintenant, la femme de l'accueil l'avait dévisagée avant de s'exécuter. Elle s'était rapidement retrouvé sur un siège, son casque sur les oreilles : et puis son portable avait vibré. Dévoilant la photo d'eux quatre. Et les larmes étaient venu ronger ses joues une nouvelle fois.
Est-ce que c'était une bonne idée ?
Non. Surement pas. Mais elle en avait besoin. Ken finirait par le comprendre. Elle ne décrocha pas. Ni aux autres appels, ni à ceux de son père et elle finit même par éteindre le téléphone. Elle avait besoin d'une nouvelle vie. Et ça commençait par être le fantôme d'une autre.
Le vol avait duré longtemps, elle l'avait passé à fixer le siège devant elle, sans décrocher un mot à personne. Elle ne pouvait plus reculer à présent. Inspirant un grand coup, elle descendit de l'avion et chercha son nom sur les différentes pancartes d'accueilles. Elle le trouva et salua la jeune femme à la peau mate et au sourire colgate.
Joana lui expliqua rapidement ce en quoi consistait son travail. Loin du droit, loin de la musique. Elle avait décidé de faire ce qu'elle souhaitait depuis enfant : Photographe reporter. Bien sur qu'elle n'était pas partie désintéressée. Jo' serait celle qui ferait les traductions et l'accompagnerait dans ses différentes missions sur le territoire.
On lui fit visiter la ville, on lui expliqua les lieux à faire attention, elle devait tellement emmagasiner d'informations qu'elle en venait à oublier son fils, sa fille et son homme. L'homme de sa vie. Mais Ken lui avait déjà dit ; L'amour ne pouvait pas tout réparer et si sur le coup, elle ne l'avait pas cru. Aujourd'hui, elle était persuadée que cette phrase était là pour rappeler à tout le monde que l'amour n'a rien d'infini : c'était la chose la plus éphémère qui existait sur cette terre.
Peut être qu'elle devrait réellement regretter son choix ? Que c'était carrément inhumain de laisser tomber homme et gosses ? Mais son appareil en main, ces visages de personne creusés par le temps de la vie, par la fatigue d'un travail épuisant, ces enfants armés et blessés en face d'elle lui faisait prendre conscience qu'elle n'avait pas meilleure place qu'ici.
Et son coeur qui était devenu si creux ces derniers mois se remit à battre fort lorsqu'un homme, au détour d'une rue lui fit danser quelques pas d'un tango argentin en tout simplicité. Ici, elle n'était personne, ni mère, ni petite amie d'une célébrité connue. Et elle comprenait d'autant plus ce que disait Ken dans ses albums, lorsqu'il expliquait que Paris ne le faisait plus vibrer, qu'il préférait être un inconnu dans une ville.
Elle ne pouvait empêcher la petite voix dans son crâne qui lui répétait qu'elle n'était qu'une petite conne, qu'une lâche et une égoïste mais là, sur l'instant, elle se retrouvait un peu, elle semblait renaitre. Et peut être, peut être qu'elle n'en aurait pas pour longtemps à se reconstruire et qu'elle aurait la force de s'expliquer auprès de Ken. Qu'elle aurait la force de regarder ses enfants dans les yeux pour leur dire qu'elle les aimait et que non, elle ne les avait pas réellement abandonnée.
Oui, peut être. Mais.
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Les Étoiles Vagabondes
FanfictionC'était parti d'un livre. D'un livre oublié sur un banc. Et on sait que le destin peut être fourbe parfois. Annexes : Félins // Mekra - Le pouvoir des mots // Framal - Fin d'après minuit // Deen Burbigo