K e n

422 28 4
                                    

Novembre 2017. Tokyo.

Ken fixait les lumières de Tokyo, écoutant en boucle les prods qu'Hugz et Diabi avaient pu lui préparer et grattait quelques mots lorsqu'il sentit une main sur son épaule, relevant la tête, il croisa le regard de l'ainé Akrour qui se posa à côté de lui et s'alluma un cigare. 

- Y a quoi ? demanda le grec en fronçant les sourcils 

Parce qu'Hakim avait le visage des nouvelles trop chiantes à annoncer, alors on l'envoyait lui. Déjà parce qu'Hakim ne prendrait pas de gants pour annoncer la nouvelle et qu'il était le plus à même de gérer les crises du grec. Le rappeur retira définitivement le casque, visiblement le barbu attendait d'avoir son attention complète et jeta un regard à l'intérieur de l'appartement, sous le regard un peu bizarre des autres qui patientaient. 

- C'est Charly. 

Ken fronça immédiatement les sourcils. Il avait quitté la blonde, s'était barré pour pas la voir, elle et le gros ventre qui poussait. Et ce gros ventre, ça faisait six mois. Six mois, c'était le temps qui lui restait avant d'accoucher. Il jeta un regard à son reuf, l'air de le menacer de lui dire une mauvaise nouvelle. Il avait une léger appréhension, il voulait peut être ne rien entendre de ce bébé à venir mais, il voulait surtout pas le malheur pour eux non plus. Il aimait Charly, vraiment. Et cette grossesse, plus que non désirée, elle lui faisait très peur et la seule façon qu'il avait trouvé de ne plus avoir peur ; C'était fuir. Ridicule, certes, mais vraiment la meilleure à ce moment là. 

- J'ai une photo tu-
- Non. Mais je ...
- Achille Samaras
, Hakim avait compris.

Elle avait quand même accepté qu'il porte son nom. Un peu avant de partir à Tokyo, il était allé à la mairie pour demander une reconnaissance de paternité. Il avait simplement déposé une enveloppe avec le papier et une lettre stipulant qu'il s'engageait à payer les frais du gamin, parce que ça restait lui le père, que c'était pour ça qu'il souhaitait le reconnaitre comme tel. Il avait eu vent par Idriss que sa rousse avait la rage et avait conseillé à Charly d'arracher le courrier et il aurait compris. Il avait déserté, autant être un étranger jusqu'au bout. 

Il jeta un regard au kabyle qui semblait attendre quelque chose qu'il n'était pas capable de formuler. Demander des nouvelles de sa petite blonde. De ce gosse. Ken baissa finalement la tête, rongeant son frein, essayant tant bien que mal de formuler la phrase dans sa tête et Mekra poussa un lourd soupire. Parce qu'elle ne viendrait pas cette phrase. 

- Ils vont bien, le gamin est pas très gros mais les médecins sont pas inquiets, Charly est hyper KO, d'après Jude, elle s'alimentait pas assez pour elle et le bébé. Mais ça aura pas de répercussions. 
- Je
, il se mordit la lèvre, je veux bien la photo en fait, murmura-t-il 

Hakim déverrouilla son portable, traversant les conversations sur WhatsApp' et lui tendit l'appareil. Une main sur l'épaule, un "Félicitation, Papa" murmuré dans l'oreille et Hakim le laissa seul sur le balcon, alors que l'émotion lui étreignait la gorge. 

Un mélange de rancoeur, de tristesse et de joie. 

Il fixa longuement les détails du bambin ; une grosse touffe de cheveux brune hirsute, un nez un peu pointu, à la grec. Un portrait. Un sosie. Lui. Ils se ressemblaient tellement. Ken passa une main sur son visage, frottant les larmes qui dévalaient ses joues. Il était beau son gosse. Son fils. Mais il était pas prêt. Il allait tout faire foirer. Comme lui avec son père. Alors il se contenterait de cette photo, qu'il se transféra. 

Charly lui manquait. Mais il s'était lancé dans un gros projet et il devait rester focus là dessus. Il ne s'autorisait qu'une baisse de régime ce soir. Parce qu'il avait beaucoup trop mal au coeur et pourtant, là, de suite, l'inspiration lui mangea le crâne et rattrapant son carnet, il coucha ses ressentis sur une page. 


Il ouvrit doucement les yeux, un mal de crâne énorme. Doums venait de le bousculer. Mal réveillé, il put quand même constater qu'il était toujours sur le balcon et que devant lui se trouvait deux bouteilles d'alcool fort qu'il avait descendu seul. Il neigeait aussi parce qu'il voyait les flocons tombaient sur leur peau encore chaude. Doums le traina difficilement jusqu'à un futon de libre. 

- Frère, t'es gelé. 

Il grogna, n'étant plus assez conscient pour se souvenir de comment sa bouche fonctionnait mais il entreprit d'aider le géant pour se déshabiller parce qu'il avait eu le temps de bien prendre l'humidité et les flocons d'imprégner son pull. Il ferma les yeux, la tête lourde et fut rattraper de justesse par Doums qui grogna. 

- Hé, Nek, reste avec moi deux secondes. 

C'était presque risible d'avoir un gars de vingt sept piges dans cet état. Surtout que ça faisait bien trop longtemps qu'il s'était pas mis aussi minable. La dernière fois, c'était lorsqu'il avait rompu avec Charly. Six mois en gros. C'était vraiment un connard, putain. Il fuyait les responsabilités comme un pauvre ado. Il en était conscient mais c'était son mode de défense. Il n'arrivait pas a être aussi fort que le malien ; il avait eu Ismaël, lui aussi, un peu par surprise et même avec toutes les galères qu'il avait connu plus jeune, Doums gérait parfaitement son rôle de père. Il n'arrivait pas non plus a être aussi heureux qu'Idriss. Framal avait eu sa revanche sur la vie depuis la perte de leur premier bébé avec des jumeaux et il protégeait ses petits gars comme jamais. 

Pourquoi, lui, il avait si peur ? Pourquoi, lui, quand il entendait le mot "Fils", il avait envie de vomir ? Pourtant, il avait jamais eu de mal avec les enfants, il aimait Sohel, il aimait les fils de ses reufs mais le sien ... Bien trop de responsabilités. Ça l'angoissait terriblement.

- Repose toi, mon kho, t'en as besoin. 

Il hocha la tête et le remercia vaguement. Déjà presque rendormis dans le fond de son lit. Il avait mal au coeur, un sorte de mal être constant qu'il se trainait depuis sa rupture avec Charles. Il avait envie de pleurer, de crier, de tout casser. Même baiser ne le calmer pas. Et pourtant, depuis Lily, il avait pas arrêté. Pour ça, il se dégoutait. C'était inutile et pourtant, il replongeait toujours dans ses anciens vis. 

Il voulait juste que ça s'arrête. Il voulait plus entendre parler du gamin, ni même de Lily. Il devait tout arrêter, réellement parce qu'il allait se jeter d'un pont. Et cette fois-ci, il se louperait pas. 

Elle l'avait appelé Achille putain. C'était grec. Elle était complètement folle merde. Elle pouvait pas prendre un prénom espagnol histoire de bien briser leur lien ? 

Poussant un lourd soupire, c'était n'importe quoi dans son crâne. Il avait vraiment besoin de faire un break. Même a quelques milliers de kilomètre elle arrivait à être présente. Ok, c'était lui qui l'avait voulu, mais putain, c'était grave douloureux. Et puis il voulait pas mentir, ne pas aimer un gamin, ne pas le désirer, ça se ressentait et ils auraient finit par se briser volontairement, ç'aurait été trop moche et le gamin aurait été témoin d'un bien triste spectacle. 

Et son esprit devint un gros vide, le noir remplaçant le visage de sa blonde, de ce petit être qui n'avait clairement pas demander à vivre sans reup. Il arrêtait enfin de se prendre la tête parce qu'il venait de s'endormir une nouvelle fois. La fatigue, l'alcool et la tristesse ayant eu raison de son corps. Il pouvait enfin être en paix pour quelques temps. Calmer son coeur souffrant, calmer son esprit trop torturé. 

Les Étoiles VagabondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant