Chapitre 11 : Teaghan

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J'assistai à six autres défaites de mes congénères en ayant à peine levé les fesses de cette maudite chaise, à part pour me rendre aux toilettes ou tenter de faire un peu de méditation éclair dans « ma chambre » entre deux courses. Les tours s'enchainaient beaucoup plus rapidement qu'après la victoire de Katy et nous disposions de cinq minutes entre les différentes confrontations sur cette même épreuve.

J'essayai en outre d'ignorer le visage triomphant et condescendant de mon colocataire en répondant par des grognements à ses nouvelles tentatives pour « créer des liens ». C'était parfois difficile. Cet abruti pouvait se révéler particulièrement drôle et charmant quand il ne faisait pas attention et qu'il laissait de côté sa froideur légendaire. Heureusement pour moi, il avait vite lâché l'affaire.

Rapidité qui semblait d'ailleurs être l'apanage de ses compatriotes. Ces maudits Scienteks avaient fait mordre la poussière aux miens avec une facilité déconcertante. Il fallait tout de même avouer que ces derniers leur avaient parfois sacrément mâché le travail. J'avais toutefois renoncé à me taper la tête sur n'importe quelle surface susceptible de m'assommer – ma main, la table, le mur – pour marquer ma contrariété. Mon front tuméfié ne brillait donc plus comme un phare au milieu de mon visage. Bon, surtout parce que l'ensemble dudit visage était à présent rouge comme une tomate suite à notre dernière défaite...

Ziva – une Draoid'hean avec qui je m'entendais plutôt bien – venait en effet de perdre son épreuve de course de façon... comment dire ? Carrément humiliante. Oui... Je n'exagérais pas.

En tentant de faire appel à la magie de la terre et des arbres pendant qu'elle courrait derrière l'un des potes de Keir – celui qui avait le crâne rasé, des yeux verts carrément hypnotiques, un corps de rêve et... – bref, pendant qu'elle courrait derrière Seykou et que ce dernier prenait un malin plaisir à se moquer d'elle en y allant à reculons – pour de vrai – et en la couvant des yeux avec un sourire carnassier, elle avait trébuché en se prenant les pieds dans l'une des racines qu'elle voulait utiliser pour l'entraver. Elle n'avait pas pu se relever. Je penchais pour une fracture du pied ou – au moins – une belle entorse. Seykou s'était donc envolé vers la victoire non sans lui avoir adresser un petit clin d'œil provocant. J'avais envie de le fracasser.

Moins, cela dit, que celui qui ne parvenait pas à s'arrêter de rire depuis cet épisode grotesque. Cela faisait presque trois minutes, au cas où quelqu'un se serait posé la question. Et trois minutes, c'était très long. Tellement long, en fait, que je pensais que c'était humainement impossible, surtout de la part d'un Scientek. Au bout de deux minutes, l'idée que Keir était en train de s'étouffer m'avait effleuré l'esprit. Tout comme celle de le laisser trépasser d'une mort aussi stupide. J'avais même songé que nous avions peut-être enfin trouvé un moyen sûr de triompher de nos ennemis héréditaires. Ils nous suffisaient d'être assez ridicules pour les faire mourir de rire. Littéralement.

J'avais finalement trouvé cette idée plutôt humiliante. Surtout qu'elle ne fonctionnait pas vraiment. Au bout de trois minutes, Keir était toujours vivant. Hilare certes, mais vivant.

Je détestais quand Keir riait. D'une parce que, soyons honnêtes, il se foutait carrément de ma gueule et de deux... eh bien, ça le rendait beaucoup trop humain pour mon bien. Si vous voulez mon avis, l'empathie était une sacrée connerie.

Heureusement, cela arrivait rarement. Que Keir se laisse aller à rire aux éclats... Du moins, je l'espérais.

Bien sûr, si les autres Vingtiales de mon clan continuaient à perdre de façon si théâtrale, j'allais sans doute entendre ce son horripilant plus souvent.

— C'est ridicule... finis-je par marmonner au bout d'un moment.

— Tout à fait d'accord... renchérit-il avec les larmes aux yeux.

Héritiers des Bannis - Tome 1 : Clans ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant