Chapitre 17 : Teaghan

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Noyant l'émotion bizarre qui m'avait saisie en croisant ses yeux gris sous une rage meurtrière sortie de nulle part, je me précipitai vers Keir, mes deux armes en avant. Il était beaucoup plus rapide que moi, mais je comptais un peu sur l'effet de surprise.

Malheureusement, cela ne m'aida pas des masses. Il para mes premiers coups avec une facilité déconcertante. Je ne me laissai pas abattre et continuai de l'attaquer.

Lever les bras, frapper à gauche, puis à droite, parer.

J'étais déchainée. Le chaos qui régnait dans mon cerveau alimentait la colère que je ressentais vis-à-vis de lui, mais aussi, et surtout, de moi et de ma faiblesse envers les Scienteks et du fait que je n'avais – plus tant que ça – envie de les massacrer. Car ma foutue part d'humanité ne cessait de se révolter à cette idée et...

Grrr... Tout ça, c'était de sa faute à lui, bon sang !

L'éclat et le fracas des lames s'entrechoquant toujours avec vigueur me replongèrent dans la réalité. Une réalité où la météo elle-même semblait s'être mise au diapason de mon humeur morose. Le ciel de ce début de soirée était bas et lourd, un brouillard gris et humide masquant le soleil déclinant. Aucun son ne nous parvenait en dehors de celui du métal de nos épées et du vent.

Je continuai de frapper avec hargne, poursuivant ce ballet mortel avec un combattant beaucoup plus rapide que moi et qui en maîtrisait mieux les codes. Je fus une nouvelle fois frappée par la stupidité de la préparation des Draoid'hean pour cette affrontement. Pas étonnant qu'aucun des miens n'ait survécu ces dernières années...

Pour le moment, mon agilité me permettait de compenser un peu ses capacités exceptionnelles, mais je ne pouvais pas maintenir le rythme bien longtemps. Je devais utiliser un peu de magie pour parvenir à le déséquilibrer.

La terre pouvait m'y aider.

Je m'accroupis et tentai de lui faucher les mollets en fouettant l'air avec mon pied, à la manière des ninjas de l'ancien monde. Il évita facilement mon attaque en sautant par-dessus ma jambe. Mais c'était un leurre et au moment où il reposa les pieds par terre, j'utilisai ma magie pour créer un tremblement qui le fit vaciller. Je me redressai lestement et en profitai pour me ruer sur lui avec mes deux lames en avant.

Sauf que Keir était vraiment très fort et au lieu de le toucher, c'est lui qui parvint finalement à m'entailler le bras.

J'hoquetai en vacillant légèrement, plus à cause de la surprise que de la douleur elle-même.

— Ta garde est inexistante, Teaghan ! cracha-t-il soudain, le métal de ses yeux ayant virer à l'orage. J'aurais pu te tuer au premier coup d'épée !

Plus que la blessure elle-même, sa réplique me déstabilisa. D'une parce que je me demandai pourquoi il ne l'avait pas fait dans ce cas – m'embrocher – et, de deux, parce que la rage perceptible dans son ton était une chose à laquelle Keir ne m'avait pas habituée – en dehors de l'épisode « Safia », évidement. Là, le Scientek arrogant sachant si bien masquer ses émotions lors de nos confrontations, semblait habité par une colère au moins égale à la mienne et j'en perdis complètement ma concentration.

Erreur de débutante. Car cet enfoiré en profita pour m'asséner un coup de coude dans la pommette. Ma tête partie en arrière et je me mordis la langue en tentant de retenir un cri. Je vis trente-six chandelles, bientôt noyées sous les larmes qui me montèrent aux yeux, et je titubai en arrière, en rogne contre moi-même pour m'être demandée ce qui pouvais bien le perturber car... Ce n'était pas mon problème, bon sang ! Je ne pouvais pas perdre le combat aussi bêtement ! L'enjeu était beaucoup trop grand. Si Keir me tuait sur cette lande, comment pourrais-je...

Héritiers des Bannis - Tome 1 : Clans ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant