Héritiers des Bannis - Tome 1 : Clans ennemis

Chapitre 3 : Teaghan

— Bonsoir.

Assise sur l'un des rondins de bois répartis autour d'un grand feu, les yeux plongés dans ma chope de bière à laquelle j'avais à peine touchée, je sursautai, laissant échapper quelques gouttes du précieux liquide.

Puis je levai les yeux vers celui qui venait de me tirer de mon intense activité cérébrale.

Je ne m'habituerai jamais à la discrétion de Sam, lui dont l'apparence et la carrure ne comportait pourtant aucun détail que l'on pourrait qualifier de « discret ». Que ce soit sa taille – qui frôlait le mètre quatre-vingt quinze – sa silhouette aux muscles plutôt fins mais parfaitement dessinés, son visage aux traits volontaires mais auquel de grands yeux bruns apportaient tellement de douceur. Même ses magnifiques cheveux châtain clair n'avaient rien de banals, c'est dire...

— Bonsoir, gazouillai-je en retour d'une voix un peu trop aigüe pour être véritablement qualifiée de charmant murmure.

Je tentai également de me redresser pour donner à ma posture un air un peu moins avachi. C'était un échec. Mais Sam sourit. Et pour moi, c'était le principal.

Le silence s'éternisa entre nous.

Pendant que – les mains dans les poches – il reportait son attention vers les flammes qui dansaient de plus en plus haut vers le ciel, j'en profitai pour l'observer à la dérobée, en essayant de ne pas pousser de soupirs qui auraient pu me trahir.

Je craquais pour Sam depuis toujours. Enfin, pas vraiment depuis toujours, mais comme mon cœur avait commencé à s'emballer pour lui à l'âge de sept ans, on pouvait dire que c'était à peu près pareil.

Je me souvenais d'ailleurs exactement du jour et de la façon dont ç'avait débuté entre nous.

Bon, comme cela correspondait également au jour où il m'avait sauvé la vie, il fallait avouer que ce n'était pas le meilleur exemple pour mettre en avant la super mémoire dont j'étais pourtant dotée. Parce que... qui ne se souvenait pas du jour où il avait failli se noyer ?

Quoi qu'il en soit, je me rappelais que c'était par une belle journée d'été. Le soleil brillait, la brise légère soufflait, les papillons et les abeilles volaient de fleurs en fleurs, les oiseaux chantaient... bref, la journée estivale idéale dans tout ce qu'elle avait de plus cliché. Plusieurs membres du clan avaient alors décidé d'emmener les enfants près de la rivière, pour pouvoir s'y rafraîchir en y trempant les pieds.

Tout se passait bien jusqu'à ce que, je ne savais plus trop pourquoi (même si j'avais encore aujourd'hui cette sensation d'avoir vu ou senti quelque chose qui m'avait attirée de l'autre côté) je décide de fausser compagnie au reste du groupe pour traverser cette fichue rivière. Bien sûr, tout le monde est capable de s'imaginer ce qui était arrivé ensuite, mais je pouvais aussi résumer : j'avais glissé, j'étais tombée, je ne savais pas nager et Sam m'avait sauvée.

Et ce fut ainsi que, complètement subjugué par le charisme de mon sauveur – un grand de douze ans, vous imaginez ! – mon cœur de petite fille avait décidé que dorénavant, il ne battrait plus que pour lui.

Tout ça pour dire que, même si ça faisait treize ans que Katy et Dan – mes deux meilleurs amis – se moquaient de moi en me disant que ce n'était pas de l'amour que je ressentais pour Sam, mais plutôt un sentiment puissant de reconnaissance qui virait presque à l'idolâtrie... Eh bien, malgré ce qu'ils en pensaient – ainsi que mes petits amis successifs qui avaient fini par lâcher l'affaire en s'apercevant qu'ils ne pourraient jamais rivaliser avec lui – ce soir encore, en détaillant son beau visage illuminé par les flammes, mon cœur se mit à battre un peu plus fort. Et si ça ce n'était pas un signe de mon réel béguin pour lui !