Chapitre 16.2 :Keir

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Toujours en rogne contre ma stupide – mais sublime – petite personne pour avoir ne serait-ce qu'envisager avoir une discussion sur mes putains d'états d'âmes avec une fille que je devrais – si mes neurones et mon univers dans son ensemble étaient intacts – considérer comme un insecte à écraser, je pénétrai enfin dans l'arène.

J'en avais ma claque de fondre les plombs et de m'interroger sur le sens de la vie. J'étais Keir O'Connor, bordel ! J'étais censé résister mieux que ça à la pression !

C'est bien, mon vieux ! Continue comme ça ! m'encourageai-je comme le dernier des crétins. Je n'avais jamais eu besoin de le faire jusqu'à maintenant. M'encourager. D'habitude je... Eh bien, j'étais moi, tout simplement. Le meilleur dans n'importe quelle situation.

Et il était hors de question que ce ne soit pas le cas aujourd'hui ! J'allais asservir Teaghan avec panache. J'allais être le meilleur pion de toute l'histoire des manipulations et combats truqués. Je ne voulais pas... Non ! Je ne pouvais pas la tuer – rien à voir avec une quelconque histoire de volonté – mais j'allais lui en faire baver.

À nouveau déterminé, j'avançai dans toute ma gloire de Scientek sous le regard glacial de mon adversaire. J'ignorai facilement le sensation aussi désagréable qu'un uppercut dans l'estomac que venait de provoquer l'expression froide et méprisante de mon ex-colocataire. Heureusement, j'avais des abdos en béton et, surtout, rien à carrer de l'opinion que Teaghan avait de moi.

Bon... Pour être honnête, je ne pouvais pas nier que son attitude de reine de glaces me rebroussait un tantinet le poil. Mais comme il n'y avait aucune raison valable – et encore moins rationnelle – à cette réaction épidermique ridicule, la colère sourde qui ne m'avait finalement pas quitté, reprit forme dans le même estomac qui venait de se prendre l'uppercut inexplicable. Il était logique qu'une Draoid'hean haïsse un Scientek, bordel ! Qu'est-ce que ça pouvait bien me foutre que Teaghan me méprise... moi ?

Que dalle ! Évidemment.

Je soutins donc son regard en lui adressant, en prime, un petit sourire létal semblable à celui de notre première rencontre. Pour qu'elle comprenne que la pointe de respect qu'il y avait – peut-être – pu avoir entre nous avait... disparue. Que moi aussi, je pouvais la mépriser comme au premier jour. Comme elle semblait à nouveau mépriser...

Bon sang, Keir ! Focus, nom de nom !

Je détournai le regard pour me concentrer sur ma destination... avant de me rendre compte que je ne pouvais pas baisser les yeux face à elle. Cela aurait pu être interprété comme une sorte de fuite. Or, Keir O'Connor ne fuyait devant rien ni personne, bon sang !

Je réparai immédiatement mon erreur. Je fus aussitôt frappé par la colère, la confusion et la fragilité qui éclairèrent pendant cette fraction de seconde de malheur, les deux billes turquoise de mon adversaire.

Une bonne droite métaphorique m'atteignit cette fois-ci en pleine poitrine. J'en oubliai de respirer pendant un laps de temps très court mais très déstabilisant.

J'arrivai près de la table en étouffant un sifflement de bête acculée et avec l'envie de me mettre une raclée mentale monumentale face à ma soudaine sensibilité d'être humain au cerveau atrophié.

Les dents serrées, je sélectionnai deux dagues, quatre shuriken et une épée de taille moyenne, maniable et résistante. Le Médiateur Scientek m'adressa un petit sourire de connivence et me fit signe de prendre place à côté de mon adversaire. Je continuai d'ignorer Teaghan ostensiblement. Hors de question de croiser à nouveau ce regard qui avait acquis le don – en un temps record – de me retourner le cerveau sans aucune raison.

À nouveau en rogne contre ma stupide – mais toujours aussi sublime, fallait quand même pas déconner – petite personne, j'entendis à peine le petit discours qu'un autre Médiateur adressa à notre « public ». Je notai que mon père avait eu l'infime « honneur » de tenir l'arbalète sur la tempe de Moira Tel'Andrasta. Maintenant que j'avais la certitude qu'ils se connaissaient depuis longtemps, je me demandai si – le cas échéant – il aurait la force de tirer son carreau dans le crâne de la mère de Teaghan... Comme aucune des deux réponses à cette question ne me satisfaisait vraiment, je l'enterrai sous des couches d'autres foutues interrogations.

Quand le Médiateur/orateur nous fit signe de saluer et de nous positionner sur des emplacements désignés par des petits cailloux blancs espacés de quelques mètres, j'obéis immédiatement. J'écoutai ses dernières directives et le suivis consciencieusement des yeux lorsqu'il s'éloigna avec ses confrères en emportant le reste des armes et qu'ils « sortirent » de l'arène.

Ce ne fut qu'au moment où la corne de brume raisonna sinistrement sur la lande que je m'autorisai à braquer à nouveau mon regard dans celui de Teaghan. Il n'en bougea pas d'un iota jusqu'à ce qu'elle décide que notre joute muette était terminée et qu'elle se jette sur moi avec la même rage qui semblait m'habiter.

Héritiers des Bannis - Tome 1 : Clans ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant