Chapitre 14 : Teaghan

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— Suis-moi.

J'emboîtai le pas à ma mère dans ce couloir qu'elle avait emprunté quelques minutes plus tôt. Ses parois étaient du même bois sombre que la pièce que nous venions de quitter. Çà et là, des torches fichées dans le mur éclairaient notre progression. Les seuls bruits environnants provenaient des claquements de nos pas sur les dalles de pierres qui résonnaient sinistrement. Je percevais également les battements de mon cœur, plus rapides qu'à l'accoutumée.

Respire, Teaghan, m'ordonna ma conscience sur un « ton » un poil énervé. Car les consciences pouvaient effectivement être agacée par leur propriétaire, c'était un fait.

Keir était finalement reparti dans sa « cellule ». Mais pas parce que ma mère le lui avait ordonné, plutôt parce qu'elle lui avait assuré que son père était en chemin pour venir le chercher. Ce serait lui qui répondrait à ses questions, puisque les Draoid'hean n'avaient pas pour vocation d'éclairer les lanternes d'un Scientek. Et inversement. Ma mère m'avait d'ailleurs réprimandée de façon assez cinglante pour avoir évoqué l'un de nos Dieux devant lui. Je ne me sentais pourtant pas coupable et... ce n'était pas normal. Ce qui expliquait d'ailleurs – en partie – l'agacement de ma conscience en rogne contre mes émotions. Sans oublier que, depuis le départ de mon adversaire, mon bon sens était aussi profondément choqué que je trouve cela étrange de me retrouver sans lui.

En réalité... Ce n'était pas vraiment comme si Keir me manquait, mais... Comment dire ? Je m'étais habituée à sa présence écrasante. Avec lui, j'avais été constamment sur mes gardes, mon cerveau tournant au max de ses capacités. C'était stimulant et très efficace comme entraînement. Maintenant qu'il n'était plus à mes côtés, je me rendais compte que j'avais finalement beaucoup apprécié de donner le meilleur de moi-même face à lui pour ne pas me faire écraser. Ce n'était donc pas Keir en lui-même qui me manquait, mais son influence bénéfique sur mes aptitudes de guerrière. Seule avec ma mère, j'avais à nouveau l'impression d'être une petite fille qui doutait d'être à la hauteur de la tâche qui lui avait été confiée, ce qui m'agaçait profondément.

Bordel, Teaghan ! Reprends-toi, nom de nom !

Je secouai la tête pour chasser mes pensées dérangeantes. Nous venions d'arriver au bout du couloir et ma mère s'arrêta devant une porte en bois parsemée de runes luisant faiblement d'un éclat argenté. Ma peau me picota et j'eus un infime mouvement de recul. La cheffe des Andrasta me jeta un coup d'œil à la dérobée. L'impression fut rapide, mais il me sembla y détecter un soupçon d'inquiétude.

Elle se détourna de moi et poussa le battant de la porte. Je pénétrai dans la pièce à sa suite. La sensation de picotement désagréable s'intensifia légèrement et je grimaçai. Puis elle disparut complètement et j'entendis ma mère pousser un discret soupir de soulagement.

J'étais sur le point de lui demander quel était le problème, quand je pris conscience de l'étrangeté de la pièce dans laquelle nous nous trouvions. Je me figeai.

De forme circulaire et à-demi creusée dans la roche, elle était voûtée et haute de plafond. Mais son architecture impressionnante me laissa finalement de marbre, car un autre élément attira immédiatement mon attention : un autel de pierre qui trônait crânement au milieu de la salle. 

Je notai machinalement que différents symboles et différentes runes de protection, de chance et de vie, étaient gravés sur son socle et sur le sol autour de lui. Et pas des moindres. Entrelacs végétaux symbolisant un arbre de vie, lignes et courbes combinées formant une boussole, un trèfle, des croix d'origines Celtes et Viking, ou encore des incantations en langage ancien graver dans un mélange d'alphabets runiques. En d'autres termes : tous les dieux, toutes les déesses, tous les esprits et tous les symbolismes ayant un rapport de près ou de loin avec des pouvoirs appelant n'importe quelle forme de protection avaient été invoqués ici.

Héritiers des Bannis - Tome 1 : Clans ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant