Selena - Les Lunes Jumelles

I. Après La Furie, Le Beau Temps

[ce chapitre a subi les coups et blessures de la correction, le 14.08]

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— Selena ! retentit soudain une voix légèrement enrouée par les années, mais encore éclatante, brisant le silence de ma petite chambre.

Ce n'est pas possible, je vais être en retard pour le premier jour ! pestai-je à l'encontre de ma personne.

Je m'extirpai de mon lit d'un bond et manquai de me cogner contre une armoire avant de me souvenir que dans mon nouveau chez-moi, la fenêtre était de l'autre côté. Je reculai prudemment et clignai des yeux dans la pénombre qui m'environnait.

Les rideaux tirés laissèrent entrer la lumière du petit matin pluvieux. À mon geste, des particules de poussières se soulevèrent des cartons sur lesquels elles s'étaient déposées. Cela faisait une semaine que j'étais ici, prenant mes marques petit à petit, découvrant une facette différente de l'Irlande dans laquelle, malgré ma nationalité française, j'avais demeuré pendant de longues années avec la Furie.

La Furie venant de mourir, ne me laissant évidemment aucun héritage – je n'avais aucun lien de parenté avec elle et elle me détestait – j'avais déménagé chez oncle Kern, dont je ne connaissais pas l'existence avant de recevoir un courrier de sa part m'invitant à vivre chez lui.

La lettre étant signée par mes parents décédés, j'avais fait mes valises, au fond pas malheureuse (du tout !) de quitter le misérable endroit qu'était la maisonnette de la Furie.

Mais cette pièce était immense, trop vaste pour moi. Tout ici était mieux. Oncle Kern m'avait accueillie avec toute la chaleur dont il était capable, n'étant pas démonstratif de nature. Moi non plus d'ailleurs. Dans un premier temps, il m'avait laissée m'installer dans une grande chambre de l'étage et puis il m'avait conseillée en grognant plusieurs visites dans le coin, ayant vu mon vélo. Pendant ce temps, il s'était occupé de toute la partie administrative autour du décès de la Furie, du déménagement et aussi malheureusement, de l'inscription dans une école irlandaise.

Je parlais couramment l'anglais, mais j'appréhendais de devoir encore une fois recommencer de zéro. Malgré les nombreux défauts de la Furie, j'avais développé d'une certaine manière une estime pour elle au fil des années. De toute manière, notre relation n'avait pas démarré sur de bonnes bases : elle était arrivée dans ma vie – ou plutôt j'étais arrivée dans la sienne – au pire moment. Celui de la mort de mes parents.

La dernière soirée que j'avais passée avec eux demeurera pour toujours gravée dans ma mémoire, bien qu'elle soit – au début du moins – la plus banale qui soit.

Nous sommes assis, tous les trois à table. Papa taquine maman tandis qu'elle pose sur la table un plat qui sent délicieusement bon. Il sent bon, mais il est infect. C'est normal, c'est moi qui l'ai fait avoué-je à maman alors que nous lui avons fait croire que c'est papa le cuisinier. Elle fronce les sourcils et fait semblant de s'énerver, mais quand elle surprend l'œillade entendue de mon père et moi, elle éclate de rire. Nous la rejoignons et décidons d'aller acheter un petit quelque chose à la place. Je me propose, le bouiboui ouvert 24 h/24 h du village n'est pas loin, ce dernier n'étant qu'à quelques minutes en vélo. Maman me tend son porte-monnaie, ses yeux gris pétillants m'ayant déjà pardonné d'avoir confondu lessive et farine. Un sourire de mon père et je tourne les talons. C'était la dernière fois que je les voyais.

Je glissai un regard au lit, aux meubles, aux papiers peints aux couleurs chaudes. J'aurais dû être heureuse de mon nouveau chez-moi, mais je n'y arrivais pas.

Je n'en ai pas le droit.

— Selena ! répéta mon nouvel oncle, qui s'était avancé en bas de l'escalier.

Prenant conscience que j'étais debout, immobile au milieu de la pièce, j'enfilai une robe de chambre et sortis en trombe sur le palier.

— Je descends !

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[j'ai mis la bande annonce après le chapitre III ]

[Un grand merci à BleuSaphir51 pour sa superbe couverture ! ]