CXXVI. P'tit Gros Le Serpent

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Quelques tuiles se détachèrent et commencèrent à glisser, s'entrechoquant les unes aux autres et rebondissant sur celles toujours fixées sur le toit.

Tout ceci dans un fracas assez épouvantable pour une tranquille nuit dans une école vidéosurveillée.

Nikolas allait tomber et faire davantage de bruit avec les ardoises. Ni une ni deux, je courus vers lui dans l'espoir de le rattraper à temps.

Alors que je lui saisissais le bras pour le remonter, il résista à ma pression et m'attira avec lui dans son patinage peu artistique. Le toit était très large aussi n'étions pas encore arrivés au bord.

Je ne comprenais pas pourquoi il n'arrêtait pas sa - notre- chute mais la raison me vint rapidement quand il nous fit faire un virage très serré avant de m'empoigner pas l'épaule et m'envoyer derrière une cheminée, derrière laquelle il se cacha aussi.

Les caméras.

Nikolas lâcha mon épaule, et tendit sa main par-dessus celle-ci.

J'essaie de stabiliser les tuiles pour limiter les dégâts, me chuchota-t-il.

Je vais t'aider.

Je n'avais pas la moindre idée de l'endroit où se trouvait les caméras et si elles étaient à capteur de mouvement ou de bruit, et à infrarouge ou pas, aussi passai-je la tête de l'autre côté de la cheminée en cherchant du regard d'éventuels appareils de vidéosurveillance, et les ardoises fugueuses.

M'appuyant sur le bras gauche de Nikolas accroché à la cheminée, j'en repérai plusieurs que je fis ralentir doucement, tentant de donner à ce ralentissement un semblant de réalisme, et en minimisant le bruit.

Lorsque le silence revint, nous restâmes quelques secondes à scruter l'obscurité, à la recherche d'un petit point rouge clignotant révélateur ou d'un mouvement suspect.

Nikolas commençait à se relever quand soudain un spot blanc s'alluma sur le toit, juste en face de nous. Le faisceau se déplaça dans notre direction lentement.

Nous étions cuits. Descendre plus bas près de fenêtres serait nous faire filmer par d'autres caméras que celle plantée au-dessus de ce spot et surtout, révèlerait notre identité de télékinésiste tandis que tourner autour de la fine cheminée, alors que nous étions déjà difficilement camouflés immobiles à deux serait idiot.

Par le haut.

Je tournais brusquement la tête vers Nikolas qui fixait la tache blanche qui n'était plus qu'à quelques secondes de nous. Avant qu'il tente quoique ce soit, lui tapotant la main, je lui désignai le ciel.

Immédiatement, il comprit et nous nous y élançâmes aussitôt, chacun tenant un bras de l'autre, alliant nos énergies dans le but d'être si rapides qu'on ne soit discernables par la caméra.

Sous la vitesse, les nuages foncés les plus bas et les quelques étoiles qui piquetaient le ciel se mélangèrent pour former une masse grise défilante.

Nous montâmes très haut, plus haut même que nécessaire. Et à cette distance du sol, il faisait extrêmement froid.

Nikolas, soufflai-je, tu te rappelles du carton ?

Il hocha la tête.

Je me rappelais avoir été captivée par son Electrokinésie à ce moment-là et j'avais toujours voulu en savoir plus sur cette forme de Télékinésie... La situation s'y prêtait, alors pourquoi pas ?

Tu ne veux pas nous réchauffer comme tu l'avais fait pour le carton ?

Il ferma l'œil, se concentra. Rapidement, quelques petits serpents d'électricités bleutés sortirent de sa poitrine et de ses mains. Ils se mirent à bondir et à frisoter le long de ses bras et de ses doigts, et finirent pas rejoindre mes bras.

Quand ils les atteignirent, ils tremblèrent moins et s'allongeant, ils s'enroulèrent doucement autour de mes bras, puis de mon cou, mon torse et mes jambes. Et ce faisant, ils perdirent leur couleur bleu pâle pour prendre une couleur plus blanche.

La sensation était très étrange. C'était très doux mais en même temps j'avais l'impression que de très fines aiguilles brûlantes me traversaient la peau, très vite.

Fascinée, je levai les yeux vers Nikolas qui regardait mes petits serpents avec attention.

C'est étrange, ils ont changé de forme... Sais-tu pourquoi ?

Il ne répondit pas immédiatement. La lumière instable de l'électricité se reflétait dans son œil, noir d'encre.

Peut-être...

Oui ? l'encourageai-je, curieuse.

Il esquissa un sourire espiègle et leva la tête.

... qu'il est temps de descendre.

Je le fusillai du regard.

Il rit. Davantage de petits serpents apparurent sur son corps et rejoignirent le mien, changeant de forme. Lâchant une main, je saisis du bout des doigts un petit serpent gros et l'agitai devant lui :

Il est blanc, calme et agrandi : pourquoi ?

Son sourire s'élargit et il l'attrapa de sa main libre pour le poser sur son bras. Le petit gros se rétrécit, bleuit et se mit à bondir très vite autour de ce dernier.

Peut-être... reprit-il, que tu es Electrokinésiste... comme moi.

Selena - Les Lunes JumellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant