Selena - Les Lunes Jumelles

XXXXIII. [...Truc...]kinésie

Après que le bateau a accosté, nous nous rendîmes dans une auberge perdue dans les montagnes portugaises, qui étaient réputées pour être particulièrement sèches et chaudes l'été, et même l'automne.

En effet, dès que j'aperçus la petite bâtisse, comme accrochée à la paroi raide, éblouie par la lumière crue très blanche, je fus convaincue de la véracité de ces dires : les monts du Portugal sont, par endroit, sauvages et reculés.

Perdus au milieu de nulle part, avec pour unique compagnie un vieux couple d'aubergistes qui parlaient un dialecte inconnu, un chien âgé hargneux, qui aboyait quand on passait devant sa niche, et quelques bœufs dans l'immense pâture que sont les montagnes, nous étions bien cachés.

Durant un mois, tous les jours, je subis (encore) un entraînement digne d'un militaire, de mon Maître improvisé, Nikolas. Comme il me l'avait annoncé, les combats furent petit à petit étoffés de techniques de télékinésie des plus dangereuses aux plus originales.

J'appris durant cette période musclée, que Velika était spécialisée dans la Pyrokinésie, c'est-à-dire qu'elle captait les ondes de chaleur, les rassemblait, puis les propulsait. Gareth, lui, était spécialisé dans la Cryokinésie tandis qu'Anton ne semblait pas en posséder.

Nikolas m'expliqua que ces spécialisations étaient dues à une facilité de naissance ajoutée à un travail acharné de plusieurs années, à l'issu desquelles on donnait le titre de Maître télékinésiste à l'élève, sachant que la plupart des télékinésistes entraînés possèdent le titre de Maître Aérokinésiste, car il est naturel et instinctif.

-Et toi, Nikolas ?

Ce dernier se tourna vers moi, à contre-jour, se plaçant ainsi devant la lumière éclatante du soleil, froid en ces derniers jours d'automne.

-J'étais certain que tu me poserais cette question, releva-t-il.

Mais il daigna répondre, par une habituelle phrase succincte :

-Maître Electrokinésiste et Maître Aérokinésiste.

J'enchaînai, ravie qu'il me juge enfin "digne" de réponses, car cet abruti prend son temps pour me dire les choses, et c'est au dernier moment, quand il n'a plus d'autre choix que de me révéler la vérité, qu'il le fait.

-Et moi, sais-tu si j'ai une prédisposition à une forme de télékinésie parmi toutes ?

Une lueur amusée passa dans son œil :

-Rassure-toi, il n'y en a pas tant que ça, environ six, certaines moins répandues que d'autres, et plus puissantes aussi.

La conversation était close, et Nikolas se mura dans le silence, comme il en a l'habitude. Ce qui ne me gênait jamais, au contraire, mais là, il avait clairement contourné ma question.

Je n'insistai pas, je commençais à le connaître : s'il ne voulait pas me donner une information, peu importe les moyens, je ne l'aurai pas. Sur ce point-là (et seulement !), nos caractères se rejoignaient.

Néanmoins la vie avait beau être agréable (pour ce sadique), et instructive (pour moi seulement car Nikolas semble incollable en matière de combat) ; elle n'en restait pas moins celle de fugitifs. Des fugitifs qui voulaient fuir leur vie de fuite.