Chapitre 9

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Holly

Lorsque la voiture de Leo arrive enfin devant le bâtiment du Times, ma boule au ventre s'amplifie. Je ne peux pas lui cacher, je ne peux pas lui cacher ce qu'il vient de se passer. Pas s'il s'agit de Kerian. Mais je sais également que le savoir de retour dans la même ville que moi mettrai mon petit-ami en rogne. Je n'ai aucune envie qu'une de ces vieilles gueguerres n'éclate à nouveau ici. Pas après tout le chemin parcouru, pas après tout ce temps. Mais qui est-ce que j'essaye de protéger ? Je ne peux pas croire que j'essaye encore de préserver Kerian. Il mériterai que Leo lui fasse passer un sale quart d'heure. Il mériterai que mon nouveau petit-ami libère toute sa rage contenue contre lui. Et pourtant, je n'y parviens pas. Je ne parviens pas à trouver ce choix judicieux.

— Ton entrevue s'est mal passée mon ange ?

Le petit surnom de Leo me paraissant habituellement adorable me tape, ce soir, sur le système. Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je ne dois pas retomber dans mes travers. Je ne dois pas penser à Kerian. Il ne faut pas. Je n'en ai pas le droit.

— C'était éprouvant.

Il ricane avant de démarrer. Le trajet en voiture est glacial, je n'ose pas décrocher un mot de peur de ne m'effondrer face à lui. Qu'est-ce qu'il penserait si je me mettais à pleurer pour Kerian face à lui ? Il me détesterait sans doute. Et il aurait tout à fait raison. Voyant qu'il ne daigne pas non plus décrocher un mot, je me décide enfin à allumer la radio et mon cœur bondit de ma cage thoracique à l'entente d'une musique de The Fray passant sur une de ces chaînes de radio. Elle me réchauffe le cœur et un léger sourire me monte aux lèvres. Et tandis que ma respiration s'apaise et que je retrouve peu à peu le sourire, Leo arrête brusquement le poste de radio tout en grognant.

— Je déteste ce groupe, meugle-t-il.

— J'adore ce groupe.

— Je sais. Je ne sais pas comment tu peux écouter cette merde.

Je dois me retenir pour ne pas laisser échapper un juron tout ce qu'il y a de plus vulgaire. Kerian m'aurait laissé écouter cette musique, il aurait même augmenté le son pour fredonner les paroles avec moi. Attendez, pourquoi est-ce que je suis encore en train de penser à lui ? Tout ça doit s'arrêter. Tout ça doit prendre fin au plus vite.

— Toi et moi n'avons pas la même culture musicale. C'est tout.

— Si tu le dis.

Il tapote frénétiquement ses doigts contre le volant, ça me le rappelle, cette petite mimique me rappelle une nouvel fois Kerian. Et cette fois, je dois me mordre la langue pour ne pas fondre en larmes. J'aurais préféré ne jamais le revoir, j'aurais préféré ne jamais plus devoir lui faire face.
Une fois enfin arrivés devant le restaurant, un serveur nous installe à une table au beau milieu de la pièce. L'ambiance guindée ne me plaît pas vraiment. Les tacos mexicains du bar/restaurant de Miami ainsi que l'ambiance bonne enfant du lieu me manque. J'en ai plus qu'assez de ces soirées chics dans des restaurants hors de prix.

— Qu'est-ce que tu dirais d'aller faire un tour de Moto une fois qu'on sera arrivé à Miami ?

Ma question le fait souffler.

— A Miami ?

— Oui ! Monsieur Davis m'a donné mes vacances, je pars à la fin de la semaine. Tu viens toujours passer les fêtes à la maison, pas vrai ?

Le brun à la mèche pendante face à moi triture distraitement ses doigts.

— J'ai du boulot, chérie. Je pensais t'en avoir parlé.

— En fait, non.

Je fais la moue.

— Ne m'en veux pas. Tu n'as cas partir avec Rachel, je vous rejoindrai pour le réveillon. C'est promis.

— Je pensais qu'on pourrait passer un peu de temps ensemble, sur la moto, passer au bar, à Hollywood Beach, comme au bon vieux temps !

— Tu n'auras cas faire un tour de moto avec Owen. Il sera ravi.

Son attitude m'hérite. Je comprends que le boulot de Leo lui prenne un temps monstre, mais je regrette qu'il le privilégie à un Noël en famille.

— Et puis, si tu voulais passer plus de temps avec moi, tu saurais quoi faire.

Cette mine faussement amusée qui se dessine sur son visage me met d'autant plus en colère. C'est pas vrai, j'espère qu'il ne va pas revenir sur le sujet. Il est, pour le moment, hors de question que je me décide à emménager avec lui. Je ne suis pas encore prête. Et puis, je ne peux tout de même pas laisser Rachel toute seule, je veux dire, elle serait incapable de payer le loyer à l'aide de son seul salaire. Je sais que j'utilise Rachel et l'appartement comme prétexte, mais je ne peux pas faire autrement. J'ai effroyablement peur de me retrouver seule dans un appartement avec Leo. Et si je me rendais compte que je ne ressens plus rien ? Et si je me rendais compte que toute cette histoire entre nous n'était basée que sur le besoin de faire mon deuil ?

— Tu sais ce que je pense de tout ça, Leo.

Il grommelle je ne sais quoi dans sa barbe tandis que le serveur arrive pour prendre nos commandes. Une fois reparti, le faux sourire de Leo s'efface brusquement de son visage. Je déteste cette facette de lui. New-York l'a changé, il n'est plus le même depuis qu'il est arrivé ici. Je veux dire, tout le monde a changé, tout le monde a évolué, mais son changement n'est pas positif. Il devient de plus en plus faux tout en se faisant passer pour un riche et exigeant homme d'affaire. J'imagine que travailler à Wall Street a dû lui monter à la tête !

— C'était Kerian.

Mon murmure le fait s'étouffer. C'est pas vrai, qu'est-ce que je viens de faire ? J'aurais dû me la fermer. Maintenant, je vais m'en prendre plein la figure pour la prochaine année.

— Pardon ?

Je ne peux de toute évidence plus reculer alors autant être honnête avec lui. J'ai toujours haï le mensonge et je ne peux pas être malhonnête en lui cachant la vérité. Il viendrait de toute manière à le savoir un jour où l'autre.

— Mon entrevue, c'était avec Kerian.

— Tu te fous de moi j'espère ?

— Non. Je n'en savais rien, je te le jure.

— Qu'est-ce qu'il fout là ?

— Il venait pour l'interview, j'imagine qu'il repartira ensuite. Je... suis désolée de ne pas te l'avoir dit tout de suite.

Sa mine effarée me brise le cœur. Peut-être que j'aurais dû garder ça secret encore un moment. Le temps de trouver la bonne manière de lui avouer.

— Tu ne le reverra plus. Jamais.

Bien qu'au fond de moi je comprenne sa réaction, je ne peux m'empêcher d'en être agacée. De quel droit se permet-il de me dicter ma conduite ?

— Je dois y retourner demain, j'ai oublié mon Dictaphone là-bas.

— Tu l'as oublié parce-que tu voulais le revoir, pas vrai ? Tu n'es qu'une foutue menteuse.

Là, s'en est trop. J'aurais dû me la fermer. J'aurais dû ne jamais prononcer son nom. Il ne m'a toujours attiré que des ennuis et encore une fois, sept ans après, j'en fais les frais. Alors pourquoi est-ce que je ne parviens pas à lui en vouloir ? Quelqu'un de normalement constitué en voudrait à Kerian pour avoir déclenché ce mini tsunami entre Leo et moi. Pourquoi est-ce que je n'y arrive pas ?

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant