Chapitre 24

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Kerian

  Je suis assis seul dans cette piaule depuis des heures, mon téléphone à la main, attendant que me  vienne enfin le courage de lui passer un foutu coup de téléphone. Je n'y parviens pas, je suis tout bonnement tétanisé par la peur, par l'angoisse à la simple idée qu'elle ne veuille plus entendre parler de moi pour ce que j'ai fais à cette petite merde de Leo quelques heures plus tôt. Mes pensées sont si embrouillées que je ne parviens pas à savoir si j'ai bien fait de rester ici, si l'idée de Rachel de me garder à New York était réellement la bonne solution. Et si j'avais fait une connerie en ne prenant pas cet avion ? Mais plus les heures passent, et plus la réponse m'apparaît comme une évidence ; je ne peux pas me tirer maintenant, pas maintenant que j'ai la certitude qu ' Holly persiste à ressentir ne serait-ce qu'un soupçon d'amour pour moi. Peut-être que le fait de découvrir qu'elle me déteste bel et bien aurait été plus facile, je me serais contenté de rentrer à Paris, continuant à mener cette vie merdique en me disant qu'au moins, elle ne souffrirait plus de mes actes passés. Je ne peux m'empêcher de me demander comment c'est possible, comment il est possible qu'Holly puisse encore ne serait-ce que m'adresser la parole après tout ce que je lui ai infligé. Et là encore, la réponse parait être évidente ; j'ignore pourquoi elle persiste à croire que j'en vaut le coup, mais je me battrai corps et âme pour lui prouver qu'elle a raison, qu'elle a eu raison de croire en ce dont personne ne croyait : nous. 
  Plein d'incertitudes, je déverrouille enfin mon téléphone. Il est brûlant, je n'aurais peut-être pas dû le garder dans mes mains bouillonnantes si longtemps. Composant le numéro d'Holly, mon cœur s'emballe. J'ai bien dû le composer une bonne centaine de fois aujourd'hui, sans jamais parvenir à appuyer sur le bouton d'appel. Je l'ai composé tant de fois que je commence à le connaître par cœur. Je ne parviens pas à calmer mon cœur battant la chamade à la seconde ou je trouve enfin le courage de le faire. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Et si elle se trouvait avec ce connard de Leo ? Mais c'est plus fort que moi, j'ai un irrépressible besoin d'entendre sa voix, un irrémédiable besoin de la récupérer, la sentir à nouveau près de moi, sentir à nouveau les effluves de sa douce odeur corporelle, la douceur de sa chaire et plus que tout, sentir à nouveau ses sublimes lèvres se poser sur le miennes tandis que je sens son pouls accélérer, tandis que j'observe ses yeux se révulser et ses petites joues virer au cramoisie. A cet instant précis, rien ne peut m'arrêter, et sûrement pas cette petite merde de Leo ; je récupérerai le cœur d'Holly, d'ici peu elle sera de nouveau mienne et je ferais tout pour la rendre plus heureuse qu'elle ne l'a jamais été. J'en ai fini avec ce connard manipulateur et fuyard, avec ce type incapable de mettre sa fierté de côté pour celle qui semble être la femme parfaite, la femme de sa vie. Il est temps que je devienne un homme, et je ne pourrais certainement pas le devenir sans elle à mes côtés.

- Allô ?

  Sa douce voix me prend de court, je ne parviens plus à aligner deux mots. Putain.

- Holly ?

  Elle souffle un grand coup tandis que sa voix devient tremblante.

- Qu'est-ce que tu veux, Kerian ?

  Son ton n'ai pas le moins du monde sec. Je m'attendais à ce qu'elle me gueule dessus pour avoir cassé la gueule de son connard de mec. Mais non, l'éternelle douceur d'Holly persiste dans sa voix, resserrant d'autant plus mon cœur. Mais je n'ai pas le temps de répliquer que des rires d'enfant se font entendre derrière elle. Putain, ne me dites pas qu'elle a aussi eu un gosse avec ce connard, si c'est le cas, il est mort.

- Ou est-ce que tu es ?

  Putain, mon ton suppliant me fait moi-même pitié.

- Je... je fais du baby-sitting. Pourquoi ?

- Je veux te voir. J'ai besoin de te parler. Laisse-moi te rejoindre, s'il te plaît.

- Non, Kerian, pas maintenant. Je travaille.

  Je ne peux pas attendre demain, putain, si j'attends plus longtemps je n'aurais certainement plus le courage de lui déblatérer tout ce que j'ai à dire. J'ai besoin de la voir, tout de suite, quitte à me pointer chez ce stupide gosse.

- C'est lui, c'est ton amoureux ? Roucoule une voix enfantine derrière elle.

- Non, Henry, Kerian n'est pas mon amoureux.

  Mon cœur se resserre à nouveau. Henry, pourquoi ce nom me dit quelque-chose.

- Je veux parler au garçon avec les dessins Holly, s'il te plaît.

  Putain, c'est pas vrai, ne me dites pas que c'est le gosse de l'avion ? Evidemment, le père du mioche travaillait apparemment dans le journalisme, et avec la chance que j'ai, il doit bien travailler au Times, aux côtés d'Holly !

- Passe-moi le gosse, je souffle.

  Une idée me traverse l'esprit. Si je ne peux pas obtenir l'adresse par Holly, le gosse sera sûrement assez crédule pour me la refiler.

- Soit gentil.

  J'ignore si Holly s'adresse à moi ou bien au gosse.

- Allô ? C'est toi ?

  Son ton enjoué me fait presque rire. Il faut bien avouer que ce gosse n'est pas le plus détestable.

- Ouais mon pote. Dis-moi, Holly est à côté de toi ?

- Elle vient de partir dans la salle de bain. Alors... c'est redevenu ton amoureuse ?

  Les pics aiguës dans sa voix à chaque fois que le mioche termine une phrase me font autant marrer qu'ils m'agacent.

- Ok, tu peux me rendre un service mon pote ?

- Lequel ?

    Je dois me retenir pour ne pas lui gueuler de frotter le foutu téléphone d'Holly sur je ne sais quoi. Putain, je crois devenir sourd avec ces foutus grésillements.

- Il faut que tu me donne ton adresse pour que je puisse passez voir mon amoureuse.

  Le surnom stupide d'"amoureuse" accordé à Holly me fait marrer. Putain, les gosses peuvent être stupides parfois.

- Maman ne veut pas que je donne notre adresse à des inconnus.

  Putain, il n'est peut-être pas si con, et ça devient un problème.

- Ecoute mon pote, si tu me donne ton adresse on pourra parler tant que tu veux de l'émission. Et et je pourrais même me montrer tous mes tatouages.

- Tu me dessinera une jolie rose comme la tienne ?

- C'est promis.

  En plus de ne pas être totalement con, il semblerai que ce mioche ait de bons goûts en matière de tatouages ! La rose a toujours été mon préféré aussi, sûrement pas pour les mêmes raisons que ce gosse !
  Et après qu'il se soit enfin décidé à me refiler son adresse, me livrant d'hilarantes indications approximatives sur la manière de m'y rendre, je raccroche le téléphone sans même lui laisser le temps de me repasser Holly. Je ne veux plus lui parler à travers un foutu téléphone, je veux l'avoir face à moi, pouvoir voir à nouveau son joli minois tout en observant ses sublimes yeux verdâtres rivés sur moi.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant