Soulmate - Tome 3

Chapitre 43

Kerian

En entrant dans la boutique de tatouage de Charlie et Val, le bruit strident des machines à tatouer me donne presque des frissons. Putain, ce bruit m'avait manqué.
A la seconde ou je passe la porte, mon regard se porte sur la gosse, assise sur le grand canapé en cuir posté en plein centre de la pièce, occupée à dessiner sur une grande feuille de papier. Je peux reconnaître la petite moue de Charlie en pleine concentration, ça me fait d'ailleurs marrer.

- Tonton ?

La voix suraiguë de la gamine alors qu'elle lève les yeux dans ma direction me provoque un petit pincement au cœur. Je n'ai pas l'habitude d'une telle appellation, et je crois que je ne m'y habituerai jamais !

- Ouais, t'es toute seule ?

Elle secoue la tête de gauche à droite tout en descendant difficilement du canapé. Son manque d'agilité me fait me tordre de rire. Et à la seconde ou la gamine parvient enfin à descendre du grand canapé en cuir, la porte de la réserve s'ouvre sur Charlie, une mine renfrognée scotchée à son visage.

- Charlie ?

Elle lève les yeux vers moi, ils semblent rougis par les larmes. Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

- Je faisais les comptes dans la réserve. Je sais, j'aurais pas dû la laisser seule ici mais... j'ai des caméras, je la surveillais et...

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

La petite Nerea accourt dans les bras de sa mère avant que cette dernière ne ce décide à s'écrouler sur le canapé, sa fille toujours accrochée à elle.

- C'est la merde, il faut constamment quelqu'un pour surveiller Nerea, donc on ne peut pas tatouer en même temps. Val et moi, on perd un argent monstre depuis le début des vacances scolaires, la baby-sitter nous a laissé tomber et... et on ne trouve personne pour nous rejoindre, je veux dire, quelqu'un de vraiment compétent.

Au fond de moi, je me sens coupable de ne pas accepter leur offre, je sais que je dois lui venir en aide, je sais que je devrais être là pour eux de la même manière que Charlie a toujours été là pour moi. Mais je ne sais pas si je suis réellement prêt à rester, à revenir définitivement à Miami, et l'émission ? Et Holly ? Qu'est-ce que je pourrais faire si Holly, elle, décidait de rester à New-York ?

- Charlie, je te jure que je réfléchis sérieusement à ton offre, mais...

- Je sais, tu dois avoir des tonnes de choses à régler là-bas, elle souffle. Peu importe, ça s'arrangera. Il es midi, c'est l'heure de la fermeture. Val va s'occuper de ma fille, ça te dirait d'aller manger au bar ?

J'accepte et, quelques minutes plus tard, Charlie et moi quittons la boutique située à seulement quelques pas du bar dans lequel nous nous rendions quelques années plus tôt.
En entrant dans le bar/restaurant, l'ambiance est la même que lorsque je suis parti. Venir me bourrer la gueule ici m'avait presque manqué ! D'autant plus lorsqu'Holly venait s'occuper de mon corps saoul dès lors que je ne pouvais pas prendre le volant !
Charlie et moi prenons place dans un box près de la porte avant de commander deux assiettes de tapas, la bouffe mexicaine vendue ici m'avait également manqué.

- Alors, cette soirée hier chez tes parents ?

- Cette petite merde de Leo s'est pointé.

- J'imagine que tu lui a cassé la gueule !

Je me marre.

- Le père d'Holly m'a retenu. Et ce merdeux s'est pointé pour faire sa demande en fiançailles à Holly.

Charlie manque de recracher la gorgée de bière qu'elle venait d'avaler.

- Putain, quoi ?

- Holly a refusé et je l'ai foutu dehors.

Observant de ma place les escaliers menant à la salle de restaurant à l'étage, je ne peux m'empêcher de repenser à cette soirée, lorsque ce connard de Peter s'était décidé à ramener Holly alors que je me pointais avec Jil. J'ai en horreur tout le mal que j'ai causé à Holly durant ma dernière année au bahut. J'ai été un vrai salaud avec elle, et pourtant, la voilà sept ans plus tard, refusant d'épouser le connard avec qui elle sort depuis des années uniquement pour ma poire.
Au fond de moi, je ne peux m'empêcher de me demander comment Holly a toujours fait, comment est-ce qu'elle a toujours fait pour voir le bon en moi ; comment est-ce qu'elle a bien pu faire pour passer outre cette carapace de connard égoïste et prétentieux. Holly a toujours vu le meilleur en moi, une douce lumière alors que mon cœur n'était entouré que d'une sombre noirceur. Je ne peux que me demander comment elle a bien pu apercevoir cette lueur alors que mon cœur n'était endormi que par la haine et le vice.

- Tu sais quoi, je devrai l'épouser, je ricane.

- Toi ? Te marier ? Ou est passé le type qui me disait que le mariage n'était qu'une merde inventée dans le seul but de perdre du pognon ? Ricane-t-elle.

Mais je n'ai pas le temps de répondre à Charlie que des bruits de talons dans mon dos me font faire volte-face, et là, l'intégralité de mon corps se fige. La brune aux cheveux courts assise face à moi lance un torrent de juron à la seconde ou elle prend consciente de qui vient d'entrer dans ce bar. Putain, finalement, je crois que ce foutu bar ne m'avait pas manqué. Mais je ne parviens pas à détourner mon regard de la blonde au visage incroyablement rond face à moi. Elle ne peut pas être là, c'est impossible, je dois être en train de rêver, non, en fait je dois être au beau milieu d'un putain de cauchemars.

- Mais qu'est-ce qu'elle fout là ? Grogne Charlie.

Je reste muet, elle ne peut pas me voir, il ne faut pas qu'elle prenne conscience de ma présence ici, Luna ne doit pas savoir que je suis revenu à Miami, et encore moins que je suis revenu avec Holly. Sinon, je serais foutu, sinon tout s'écroulera une nouvelle fois. Je ne peux pas la laisser tout briser, pas maintenant que j'ai retrouvé Holly. Car il est évident que si elle apprenait ce qu'il s'est passé durant ces sept longues années, elle ne trouverai pas la force de me pardonner.
Mais je n'ai pas le temps de me cacher d'elle que la blonde fait volte-face, plongeant son regard dans le mien. Et à cet instant précis, je voudrais prendre mes jambes à mon cou pour me tirer de nouveau à Paris, je voudrais prendre Holly avec moi et l'emmener loin d'elle, loin de tous les problèmes qu'elle s'apprête sûrement à causer.
Sa démarche assurée lorsqu'elle se décide enfin à venir vers moi me répugne. Putain, comment est-ce que j'ai bien pu faire une chose pareille ?

- Kerian, j'ignorais que tu étais rentré à Miami.

- C'est étrange, j'étais pourtant sûr de t'avoir prévenu !

Mon ton ironique la fait rire, un rire tout aussi faux que ma réponse.

- J'ai l'impression que tu oublies rapidement à qui tu dois ce succès mon beau.

Cette fois, un large sourire se dessine sur son visage. Je devrai lui en foutre une et la traîner jusqu'à l'extérieur du bar pour régler cette histoire. Mais je ne parviens pas à bouger un seul de mes membres hormis mes lèvres.

- Ferme-là, je grogne.

- Ah, je comprends, personne ne sait pour nous ! Ne t'inquiètes pas mon chou, je m'assurerai pour que tout le monde l'apprenne, à commencer par ta petite pétasse d'Holly !

Elle exécute un clin d'œil avant de finalement rejoindre le bar sans pour autant me quitter des yeux. Putain, je suis dans une belle merde ! Et je vois au regard hébété de Charlie que je vais, de toute évidence, lui devoir une explication. Elle va me tuer, elle va de toute manière mettre fin à ma putain de vie à la seconde ou j'aurais terminé de lui raconter la vérité.

- Putain, qu'est-ce que t'as encore fait ? Qu'est-ce que t'as fait comme connerie ?

Ça y est, je suis foutu, je peux dire adieu à ces vacances à première vue presque parfaites. Putain, mais qu'est-ce qu'il m'a pris de revenir ici ?