Chapitre 3

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Holly

  Oh génial, c'est tout bonnement super. Un tatoueur. Que demander de plus ! Non mais je rêve, Cherry paiera cher pour cette histoire.

— Encore une chose mademoiselle Jensen. J'aurais aimé vous parler des vacances de Noël.

— Des vacances ?

— Vous n'avez pas eu le moindre jour de repos depuis que vous êtes arrivée ici. Une de vos collègue vient d'annuler ses deux semaines de vacances. Que diriez-vous de prendre sa place ?

Je bondis de joie de l'intérieur ! Voilà enfin une bonne nouvelle. Une excellente nouvelle même ! Rachel ne va pas en croire ses oreilles lorsque je vais lui raconter cette conversation avec monsieur Davis.

— J'accepte ! Merci infiniment monsieur.

— Disons que c'est un dédommagement pour... cette entrevue !

  En sortant du bureau de monsieur Davis, je dois me faire violence pour ne pas fondre sur Cherry, la pimbêche brune face à moi. C'est amusant, en sa compagnie j'ai la vague impression de me retrouver au lycée, auprès d'une adolescente capricieuse telle que l'était Jil à une certaine époque. Et ma colère ne fait que monter en flèche en la voyant s'approcher de moi, un sourire suffisant scotché aux lèvres.

— Holly Jensen ! Quelle bonne surprise.

— Qu'est-ce que tu me veux, Cherry ?

— Ton scoop de dernière minute te plaît ?

Ces sept longues années m'ont au moins appris une chose : garder mon calme dans n'importe quelle situation ! J'imagine que le sport de combat dans lequel m'a traîné ma mère après le départ de Kerian y sont pour quelque-chose. Jamais je n'aurais pu imaginer que frapper dans un sac de frappe pourrait s'avérer si thérapeutique ! Et à cet instant précis, Cherry représente le parfait sac de frappe humain

— Il me plaît, merci d'avoir pensé à moi, Cherry !

  Je fais tout mon possible pour que ma voix paraisse la moins ironique possible. Et voir son visage se décomposer à l'entente de ma réponse est une incroyable récompense face à cet effort.
  Alors que je regagne mon bureau pour entamer mon dernier article traitant d'un fait divers survenu la veille, mon esprit semble s'envoler dans des contrées lointaines. L'étrange déroulement de ces sept dernières années semble alors me revenir en mémoire. Je me souviens de la peine, de la tristesse que j'ai ressenti en lisant sa lettre, cette tristesse a rapidement été balayée par une insoutenable colère. Une hargne atroce. Si bien que moins d'un mois après son départ, je ne voulais plus entendre parler de cet immonde Kerian. Je crois bien que la simple évocation de son prénom aurait pu me faire régurgiter l'intégralité de mon dernier repas ! Les mois suivants ont été barbant au possible. Owen, Jil et Sandy s'en était allé à l'université tandis que Leo pointait de nouveau le bout de son nez. La première année sans Kerian a été horrible, elle a été atroce et je crois bien ne jamais avoir ressenti tant d'animosité envers une personne. Mais bien qu'en colère au possible, sa parfaite tignasse blonde me manquait. Je ne pouvais pas le nier. Il n'y a qu'une infime barrière entre la haine et l'amour, durant cette première année sans lui, je me trouvais au centre même de cette infime barrière. J'étais bien trop en colère pour continuer de l'aimer tout en étant bien trop éprise de lui pour complètement le haïr. Quand cette année s'est achevée, je me suis jurée de ne jamais retomber aussi bas, et pour cela, je me suis mise à écrire. A vrai dire, tout ça ne représentait que de stupides ébauches de romans à l'eau de rose, des romans se finissant, comme à chaque fois, dans la joie et le bonheur. Cette deuxième année m'a poussé à raconter à travers un bon nombre de pages, mon histoire douloureuse avec celui que je pensais être mon âme sœur. C'est à partir de la troisième année que la belle vie a commencé, mon départ à New-York m'a fait radicalement changer. Je n'étais plus Holly Jensen, l'âme sœur du beau Kerian Duchemin, j'étais forte, j'étais la Holly que j'aurais toujours dû être. Je n'avais besoin de personne, et mon travail a payé à New-York. J'ai réussi avec brio mon école de journalisme au bout de quatre longues années et suis rentrée au Times grâce à l'aide de ma tante Marry. Il y a de cela deux ans, mon chemin a de nouveau croisé celui de Leo à New-York, et lui et moi avons rapidement réalisé que le sentiment régnant entre nous était bien différent de l'amitié. Et c'est ainsi que je suis devenue la jeune femme forte d'aujourd'hui. Grâce à Rachel, grâce à Leo et plus que tout grâce à ce passé empli de souffrances. Cette peine s'en est allé à la seconde même où j'ai terminé d'écrire mon histoire; il se séparèrent et vécurent heureux chacun de leur côté, c'est ça, ma fin heureuse.

— Holly, tu m'as entendue ?

  C'est finalement la voix du type du bureau d'en face qui me ramène sur terre.

— Pardon, quoi ?

  Il passe sa main dan ses cheveux grisonnants avant d'esquisser un sourire charmeur.

— Il est midi, il est l'heure de ta pause déjeuner ma grande.

  Je jette un coup d'œil à l'écran de mon ordinateur. C'est pas vrai, je n'ai même pas écrit cinq lignes depuis que je me suis assise ici !
  Je remercie l'homme adorablement gentil avant d'enfiler mon épais manteau noir et d'accourir à l'extérieur du grand bâtiment.

— J'ai bien failli t'attendre ! Me souffle Rachel, plantée devant un sublime Range Rover gris.

— Qu'est-ce que tu fais avec cette voiture ?

— Victoria avait besoin d'essence. Elle m'a envoyé en chercher puis m'a demandé de ramener sa voiture après ma pause déjeuner. On va manger ?

Victoria Helinghton peut parfois être une horrible patronne et une garce invétérée, mais je dois avouer qu'elle m'étonnera toujours ! Je ne sais pas vraiment si Rachel aurait eu ce genre de responsabilité si elle n'avait pas été sa petite protégée, alors autant en profiter !
  Une fois montée dans la sublime voiture de la patronne de Rachel, nous descendons la quarante-et-unième pour rejoindre la neuvième avenue et ainsi nous arrêter devant un succulent restaurant italien à l'angle de la neuvième et la trente-huitième. Un restaurant dans lequel nous avons très rapidement pris l'habitude d'aller dès que nous en avons l'occasion. Je ne peux m'empêcher d'admirer le regard et l'attitude assurée de ma meilleure-amie. Elle aussi a tant changé depuis ces sept longues années, la vie n'a pas toujours été facile pour elle depuis le départ de son frère, d'autant plus au lycée. A vrai dire, le départ de Kerian avait réussi à réveiller toutes les personnes avec qui il avait eu des problèmes ces dernières années. Et Rachel a dû, bien des fois, payer les pots cassés des gamineries de son aîné. Elle a énormément mûri depuis, Rachel est, pour ainsi dire, passée d'une petite princesse capricieuse à une élégante femme menant sa vie d'une main de maître. Et je l'admire pour ça.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant