Soulmate - Tome 3

Épilogue

Kerian

Sept ans plus tard

  Ma main caressant la chevelure d'un blond éclatant du petit ange face à moi, je ne parviens pas à décoller mon regard des somptueux yeux verts/bleus de l'adorable petite blondinette me faisant face.
  Elle est son portrait craché, le portrait craché de sa mère. Je reconnaîtrai entre milles ses adorables yeux en amande ainsi que son nez légèrement recourbé. Son sourire d'une pureté enfantine a toujours été à tomber à la renverse, et le revoir sur le doux minois de ce petit bout de femme allongé face à moi m'émeut presque.
  Redessinant les contours de mes quelques tatouages à la seule force de son envoûtant regard, j'ai la vague impression de faire un bond en arrière d'une bonne quinzaine d'années, je peux revoir distinctement ma sublime blondinette retraçant les traits noirâtres des quelques tatouages couvrant ma chaire, je peux presque ressentir le bout de ses doigts caressant l'encre couvrant ma peau nue.

- Encore une histoire, s'il te plaît papa.

- Il est tard mon ange. Tu dois dormir.

  Je me marre à la vue de sa mine boudeuse. Jamais je n'aurais pu m'imaginer que cette douce créature puisse tant ressembler à sa mère !

- Maman m'a dit que tu t'étais battue aujourd'hui à l'école.

- Ce garçon était méchant avec moi. Alors je l'ai frappé pour qu'il arrête. Tu m'as toujours dit que je devais me défendre.

  Je glousse une nouvelle fois. Putain, elle a beau tout avoir de l'adorable physique d'Holly, il semblerai qu'elle ait écopé de foutu mon caractère ! Les années à venir ne vont, de toute évidence, pas être de tout repos !

- J'espère que tu as au mois gagné !

- Il pleurait comme un bébé !

  Alors que je la vois frappant des mains, visiblement ravie du résultat de cette petit frasque enfantine, je ne peux m'arrêter de rire. Putain, Rose est bien une Duchemin !
  A sa naissance, ce prénom nous est apparu, à Holly comme à moi, comme une évidence. Après tout, quel prénom aurait finalement pu s'avérer plus significatif pour nous deux que celui-ci ?

- Papa, j'ai une question.

  Je dépose sur le sol le bouquin Peter Pan lu ce soir avant de ne poser de nouveau mes imposantes mains sur sa chevelure blonde.

- Oui ?

  Enroulant mes doigts autour de ses adorables boucles, je plonge de nouveau mon regard dans le sien. Cette mine pensive ne m'est pas inconnue.

- Le livre que maman a écrit était posé sur le canapé tout à l'heure, mais... je n'ai pas bien compris le titre. Qu'est-ce que c'est une âme-sœur ?

  Je déglutis. Il m'a fallu de nombreuses années pour le comprendre moi-même, attendre mes vingt-cinq ans pour enfin avoir une idée clair de ce qu'étaient de réelles âmes-sœurs. Alors, comment un type comme moi pourrait-il prétendre pouvoir l'expliquer à une enfant ?
  Mais à la seconde ou je vois le doux visage d'Holly apparaître dans entrebâillement de la porte, la réponse m'apparaît comme une évidence.

- Et bien... une âme-sœur est une personne très spéciale, une personne capable de contrôler jusqu'à la plus petite parcelle de ton être mieux que tu ne sauras jamais toi-même le faire. C'est une personne sans qui tu ne vois aucune avenir. Et pour cause, tu sais au fond de toi, tu es intimement convaincu que, quoi qu'il arrive, quoi que l'avenir vous réserve, à la fin de l'histoire vous serez ensemble, rassemblés pour toujours. Elle est la seule personne capable de te pardonner l'impardonnable, le seul être capable de te faire te sentir comme une meilleure personne. En réalité, tu n'es pas une meilleure personne, mais elle est la seule à parvenir, l'espace d'un petit instant, à t'y faire croire. Une âme-sœur est la seule personne sur cette planète capable de te faire vivre, alors que durant toutes ces années, tu ne faisais que survivre. Elle est... comme la partie manquante de ton âme. Et une fois l'un près de l'autre, elle est la seule personne capable de te faire te sentir comme un être entier. Une âme-sœur est comme la pièce manquante de toi-même. Et une fois ces deux pièces rassemblées, alors tu peux ressentir ce qu'est réellement le bonheur, un bonheur plein et entier.

  Elle ne comprend pas un mot de ce que je viens de dire, je peux le voir à la mine inquisitrice se dessinant sur son visage. Peu importe, ce discours était destiné à Holly, reniflant bruyamment dans l'entrebâillement de la porte. Elle pleure.
  J'embrasse enfin le front blanchâtre de mon petit ange avant de finalement rejoindre Holly dans le couloir.
  Ses yeux sont rougis par les larmes et son corps tremblant. Je l'avais rarement vu comme ça ces dernières années. Mais en dépit de toute l'émotion semblant la transpercer, elle en demeure sublime.

- Je vois que j'arrive encore à t'émouvoir après toutes ces années !

  Elle glousse tout en me livrant un petit coup de poing dans l'épaule.

- Je vais lui dire bonne nuit et je te rejoins dans la chambre.

- Bien, dépêches-toi si tu veux que je te retire ton petit short, ça fait longtemps que je ne me suis pas occupé de toi.

  Ses pupilles se dilatent tandis que je colle mon corps au sien. Putain, ce short en jersey lui fait un cul sublime.

- Longtemps ? Ça ne remonte qu'à deux jours !

- C'est bien ce que je dis, dans une tenue pareille c'est un crime que je ne t'ai pas pris dans chacune des pièces de cette maison.

  Cette fois, elle ne ris plus, se contentant de me lancer son regard le plus perçant tout en mordillant sa lèvre inférieur. Putain, elle ferait mieux de se dépêcher avant que je ne me décide à la traîner jusqu'à la chambre sans lui laisser le temps d'aller embrasser notre fille.
  Et puis, c'est finalement sans même répondre que cette dernière se décolle de moi, non sans adopter une démarche des plus aguicheuses avant d'enfin pénétrer dans la chambre de Rose.
  Et en entrant enfin dans notre chambre, mon regard se pose presque instantanément sur le petit journal à la couverture verdâtre posée sur le bureau. Tout en observant le petit livret, je me rends compte que je n'ai jamais pris le temps d'écrire la fin de cette histoire comme Holly me l'avait réclamé. Alors, en entendant les éclats de rire provenant de la chambre au bout du couloir, je me rends compte qu'il est peut-être temps pour moi de poser mes derniers mots sur ces pages.
  Agrippant le journal ainsi qu'un vieux stylo, je dois me creuses les méninges cinq bonnes minutes avant de finalement trouver une once d'inspiration. Et lorsqu'elle me submerge enfin, je laisse la pointe de mon stylo guider ma main sur cette dernière page blanche.

Journal, je n'aurai jamais cru qu'écrire ces dernières lignes puissent provoquer en moi tant d'émotion. Comment un amas de feuille, un ridicule livret peut-il bien apporter un pareil bouleversement ? Peut-être est-ce finalement le prix à payer pour avoir versé tant de larmes sur ces vieilles pages cornées. Des larmes de tristesse, de colère, de bonheur, de la peur, du doute, de la joie et des remords ; un tas de sentiments ont pointés le bout de leur nez au fil de ces pages. Mais j'ai eu beau le lire, le relire et le déchiffrer de nombreuses fois, un seul sentiment semble émaner de ce manuscrit : l'amour. Un amour destructeur, libérateur mais par dessus tout inconditionnel. L'on dit que de telles histoires d'amour n'apparaissent que dans les pages cornées de vieux bouquins, c'est peut-être finalement vrai, peut-être est-ce finalement ce bouquin, ces vieilles pages noircis par l'encre qui a réussi à faire d'Holly et moi ce que nous sommes aujourd'hui. Peut-être que si elle n'avait pas noirci ces pages de toutes ses pensées et si je n'avais pas eu l'opportunité de les feuilleter, alors nous n'en serions pas là. C'est ce journal qui a permis à Holly d'écrire notre histoire, le manuscrit lui ayant fait, l'espace de quelques années, croire qu'elle m'avait bel et bien oublié, que je n'appartenais non plus à sa vie mais à ces pages vieillis par le temps. Et si elle ne l'avait pas fait, alors Dieu seul sait ce dont elle aurait été capable de faire pour tenter de m'oublier. Holly m'a demandé d'écrire la fin de cette histoire, de notre histoire, mais plus j'y pense, et plus je me rends compte que je ne peux m'y résoudre. Il est évident que je ne peux me résoudre à mettre un point finale à une histoire qui n'en connaîtra jamais. Ainsi, bien que nos corps, un jour, ne puissent plus nous supporter, nous envoyant alors au ciel, notre âme, immortelle, continuera d'être, accordant à nos deux personnes un amour infini...

FIN