Chapitre 75

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Kerian

Tandis que mes yeux se trouvent rivés sur l'adorable minois de celle qui semble désormais n'être autre que ma femme, mon attention se trouve rapidement attirée sur la petite estrade installée au fond de la salle. Je me marre en voyant les mines pleurnichardes de ma frangine et de mon meilleur pote. Mais qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir nous déblatérer comme connerie ?
Je bondis de ma chaise, rejoignant Holly non sans avoir à remercier de leur présence une bonne trentaine d'invités croisés sur le passage. Et lorsque ma main se glisse enfin dans celle de la sublime blonde, j'ai bien du mal à détourner mon regard de son si parfait visage.

- Ok, alors... je pense que c'est l'heure du discours des témoins, ricane Owen, sa main sur l'épaule de ma sœur. L'amour est une chose que l'on ne peut contrôler, il peut parfois s'avérer destructeur, il peut parfois sembler impossible, mais la vérité, c'est que ce sont ces mêmes raisons qui le rende vrai. L'amour n'est pas parfait, il ne l'a jamais été et ne le sera jamais ; et d'autant plus lorsque nous nous remémorons l'histoire de ces deux-là ! Et de la même manière qu'il est incontrôlable, il peut parfois habiter deux âmes à première vue aux antipodes l'une de l'autre. Et puis, plus le temps passe, plus ces deux âmes solitaires se rendent compte qu'elles se trouvent bel et bien dépendantes l'une de l'autre, ne formant un réel être que l'une avec l'autre. Il m'est arrivé d'entendre des histoires traitant d'âmes-sœurs, mais pour dire vrai, je n'y avais jamais vraiment cru, il était pour moi inconcevable que deux êtres puissent se retrouver si dépendants l'un de l'autre, que deux âmes si différentes puissent si bien se compléter. Et c'est en voyant évoluer l'histoire de Kerian et Holly que j'ai compris, compris que tout être résidant sur cette planète avait une personne, la personne lui étant destinée, la personne vouée à tout changer, à bousculer les règles établies ! A faire de la moitié d'un Homme que nous somme tous, un être plein et entier.

Lorsqu'Owen ferme enfin la bouche, ses yeux son emplis de larmes tandis que je peux sentir la main d'Holly trembler au possible. Et à la seconde ou je me tourne dans sa direction, de petites larmes roulent négligemment le long de ses joues rosis par l'émotion. De mon côté, j'ai bien du mal à retenir mes larmes. Putain, il ne va tout de même pas me faire chialer !
Et avant que je n'ai le temps de me décider à les rejoindre sur l'estrade, c'est ma frangine qui prend la parole.

- Je me rappelle avoir passé des jours, avoir passé des nuits et des semaines à me demander comment ma meilleure-amie avait pu avoir le culot de me faire ça, comment elle avait bien pu avoir le culot de commencer à sortir avec mon frère. Je lui en ai voulu, durant très longtemps, et maintenant, et voyant ces deux-là, je le regrette. Je me rappelle lui avoir demandé de choisir entre mon crétin de frère et moi ! J'ai été stupide, car inconsciemment, je savais que cette histoire ne s'arrêtait pas à une stupide amourette de lycée. Cela a toujours été plus fort. Le moindre de leur sentiment a toujours été décuplé dès lors qu'ils se trouvaient l'un près de l'autre, se faisant bien des fois souffrir inconsciemment ou non. Mais le plus admirable a été de se rendre finalement compte à quel point toute cette souffrance pouvait, d'un revers de main, être si aisément balayée par l'autre. Petites, Holly et moi aimions nous représenter notre mari parfait, notre "prince charmant" ! Mais la vérité, c'est que ce prince n'existe pas, cet homme parfait n'existe pas, alors peut-être que ce que nous cherchons finalement la personne nous faisant, l'espace d'un seul instant, croire que dans ce monde chaotique il existe encore un halo de lumière réconfortant nous permettant, quelques instants, d'oublier la noirceur du monde autour de nous. Il semblerai que ces deux-là soient parvenus à trouver ce scintillement l'un en l'autre, et je prierai tous les soirs pour que cette douce lumière ne s'éteigne jamais.

Alors que Rachel lâche enfin le micro, retombant bruyamment sur le pupitre face à eux, je ne parviens plus à retenir mes larmes, parcourant les quelques mètres me séparant de l'estrade pour enfin prendre dans mes bras ma cadette et mon meilleur pote, suivie de près par Holly.
Tous les quatre en train de chialer, je me doute que cette scène doit sûrement s'avérer ridicule ! Mais putain, je ne m'attendais pas à de tels discours. Qui aurait pu croire que ces deux-là parviendraient un jour à me faire chialer devant une telle foule !
Et tandis que nous descendons enfin cette estrade, rejoignant l'amas d'invité, le visage de madame Jensen se plantant juste devant moi me fait sursauter. Son air grave ne me dis rien de bon. Elle est, jusqu'à présent, restée calme et j'ose espérer qu'elle ne vienne pas tout gâcher avec l'une de ses insupportables petites remarques. Sinon, je risque bien de ne plus répondre de moi d'ici peu de temps !

- Kerian, j'aimerai te parler.

- Ouais ?

Je tente tant bien que mal de rendre ma voix agréable. Mais autant vous dire que sa mine presque renfrognée ne me facilite pas la tâche.

- Vous êtes beaux, tous les deux.

Sa mine sévère s'adoucit.

- Merci madame J...

- Barbara.

- Quoi ?

- Appelle-moi Barbara, s'il te plaît.

- D'accord, Barbara.

- Ecoute, je n'aurai pas dû te prendre comme bouquet-misère. J'ai été bête de penser que tu serais comme lui. Mais dès lors que je t'ai vu te rapprocher d'Holly... j'ai eu l'impression de me revoir quelques années plus tôt.

Quelques années ? C'est pour ainsi dire un euphémisme !

- Je ne suis pas comme ce type qui vous a mise enceinte. D'accord, j'ai agi comme un salaud avec Holly, mais... lui faire un gosse et me tirer, putain, non, je n'en aurai jamais été capable.

- Je ne le comprends que maintenant. Tu l'aimes, tu aimes Holly, et maintenant je le comprends.

Au fond, il n'aura fallu que près de huit ans, de nombreuses disputes, ce putain de départ, et ce mariage pour qu'elle le comprenne enfin !

- Votre vie va bientôt changer, Kerian, et...

- Changer ?

Elle glousse tout en levant les yeux au ciel. Putain, je pourrai parier que monsieur Jensen lui a parlé des nausées de leur fille. J'espère qu'il vont bientôt arrêter de nous faire chier avec ça.

- Quoi qu'il en soi, je compte être présente. Je veux me rattraper, j'ai peut-être été dure avec toi.

Elle caresse mon épaule, un semi-sourire aux lèvres avant de faire volte-face et rejoindre ma mère, occupée à se déhancher sur la piste de danse.
De mon côté, mon regard se pose sur Holly, me remémorant ma réaction à la seconde ou je lui ai demandé, tout en me marrant, si elle pensait être enceinte. Putain, je suis sûre qu'elle a pu déceler la déception dans ma voix. Et puis d'ailleurs, pourquoi est-ce que je serais déçu ? Ce n'est pas comme si j'attendais cet heureux événement avec hâte !

- Tout va bien ?

C'est la voix de la douce blondinette face à moi qui me sort de mes pensées. En admirant son visage, je me rends compte de la blancheur presque cadavérique de son teint.

- Maintenant oui, je souffle à son oreille, me saisissant de ses hanches pour la coller à moi, la serrant assez fort en veillant cependant à ne pas abîmer son frêle et envoûtant corps.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant