Chapitre 52

455 36 1
                                    

Holly

Enveloppée dans une petite veste, je regrette le fait de ne pas m'être plus couverte que ça en quittant Miami. Postée devant l'aéroport, grelottant de froid et de colère, mon regard reste rivé dans le vide. Je ne peux pas cesser de me dire que tout est de ma faute, si je ne l'avais pas ramené avec moi, si je ne lui avais pas laissé une énième chance, si j'avais décidé de ne pas lui faire une confiance aveugle, alors je n'en serais certainement pas là. Des images de cet abruti de Kerian, caressant le corps de cette pétasse de Luna traversent subitement mon esprit, me provoquant d'affreuses remontées. A cet instant précis, je voudrais laver mon corps de ses caresses, mes lèvres de ses baisers fougueux. Je n'ai plus envie de penser à lui, à vrai dire, je n'ai plus la moindre envie de me rappeler ne serait-ce que de sa stupide existence.

- Holly ? Monte dans la voiture, tu vas geler.

La douce voix de Rebecca me sort brusquement de mes pensées. Mon corps se trouve si gelé que j'ai bien du mal à accourir à sa voiture, lutant à chaque pas pour ne pas porter attention à l'affreuse douleur transperçant mes pieds congelés.

- Je suis... désolée, je dois te gâcher ton réveillon.

- Pas du tout. Ian, Henry et moi le passions tous les trois. Les garçons étaient ravis que tu sois des nôtres.

Alors qu'elle démarre, je laisse retomber ma tête contre la vitre, approchant mes mains du chauffage pour enfin pouvoir les réchauffer. L'écart de température me provoque de petits pincements au bout des doigts.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, Holly ?

- Il m'a menti, il m'a encore menti.

Encore une fois, je ne parviens pas le moins du monde à pleurer. Et pourtant, je sens que j'en ai besoin, je ressens l'affreux besoin de m'effondrer en larmes, peut-êtres les gouttes d'eau perlant de mes yeux me permettraient de faire couler toutes cette douleur hors de mes pores, hors de mon corps toujours tremblant de froid.

- Alors tu as sauté dans le premier avion pour rentrer à New-York ?

- J'avais besoin d'être loin de lui.

Au fond de moi, je regrette de m'adresser de manière si sèche à Rebecca. Après tout, elle aurait très bien pu me laisser me débrouiller seule, elle aurait pu me laisser rentrer en taxi, ne pas s'occuper le moins du monde de mes problèmes. A cet instant précis, j'ai beau ne pas lui en toucher un mot, mais je me rends compte que son éternelle douceur m'avait manqué. Son simple aura empli de bienveillance parvient même à réchauffer légèrement mon cœur.
Mais à la seconde ou elle se gare devant son sublime appartement, une affreuse boule au ventre me prend soudainement. Je me sens coupable, coupable de gâcher leur réveillon à cause de mes stupides problèmes avec Kerian.

- Je... je ne peux pas m'imposer. Je n'aurais pas dû t'appeler.

- Tu rigoles j'espère ? Tu es la bienvenue. Suis-moi, il faut te réchauffer.

Je déambule donc jusqu'à l'appartement des Davis, le cœur lourd et la gorge toujours aussi serrée. Il est plus de dix-huit heures trente et la nuit est déjà tombée sur New-York, j'aurais aimé qu'elle m'engouffre, qu'elle s'empare de mon corps ainsi que de mon âme, qu'elle me permette de ne plus rien ressentir, ou du moins de cesser de ressentir toute cette souffrance. J'en ai plus qu'assez de souffrir, j'en ai plus qu'assez de devoir me relever après chaque pas de travers de Kerian.
Et à la seconde ou je passe enfin la porte de l'appartement, un petit blondinet à la coupe au bol accourt vers moi pour me sauter dans les bras. Son affreux pull de Noël me fait marrer, j'aurais dû ramener le mien ! Je ne peux m'empêcher d'observer l'affreux père Noël, les bras emplis de cadeaux habillant le pull de couleur rouge.

- Je suis conte que tu sois avec nous pour le réveillon !

- Tu vois, je te l'avais dit, glousse doucement Rebecca en m'apportant un épais sweat-shirt que j'enfile sans rechigner.

- Holly Jensen !

La voix virile de monsieur Davis résonne si bien dans l'appartement que je manque de bondir de frayeur. Son visage souriant contraste cependant avec la sévérité de sa voix.

- Je suis désolée de débarquer sans prévenir...

- Ne t'excuse pas ! Beck a fait à manger pour un régiment ! Je suis heureux que tu te joignes à nous.

Ce dernier se saisit de mon bras pour me tirer jusqu'à l'immense salle à manger située entre l'impressionnante cuisine américaine et l'époustouflant salon inroyablement décoré. Mon souffle se coupe à la seconde ou me regard se pose sur la table divinement décorée, ou plutôt à la seconde ou il se pose sur toute la nourriture remplissant l'espace ! Une assiette ornée de charcuterie, un sublime jambon grillé, d'appétissants haricots verts ainsi qu'une purée de pommes de terres et une sublime dinde farcie ornent divinement la table. Rebecca a dû y passer toute la journée ! Ce petit côté cuisinière hors paire me rappelle brièvement madame Duchemin. Si bien que l'espace d'une seconde, je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'ils s'apprêtent à manger.

- C'est... sublime, tu as dû y passer un temps fou !

- Heureusement que Ian et Henry m'ont aidés, glousse-t-elle en s'attablant.

Je prends place près d'Henry ou les Davis semblent avoir eu l'idée de rajouter un couvert. Cette attention me va droit au cœur.

- Dis-nous ce qu'il s'est passé, Holly, souffle Rebecca en glissant sa main dans la mienne.

Est-ce que je devrais tout leur raconter ? Tout leur dire à propos de Luna, de cet histoire de pari, de ses nombreux mensonges ? Il est évident qu'ils ne le verraient plus de la même manière ! Mais je n'ai pas le temps de réfléchir plus longtemps qu'un torrent de paroles s'échappe de ma bouche. Contant ainsi notre histoire dès ses débuts, je peux voir leurs visages s'assombrir lorsque j'en viens enfin à notifier le pari après leur avoir raconté nos amusants débuts ! Avoir à nous cacher me manque presque, nous n'aurions certainement pas eu tous ces problèmes si notre relation avait été restée cachée ! Poursuivant mon histoire, je crois percevoir une larme rouler le long de la joue de Rebacca lorsque j'aborde l'histoire de Luna, son accident tout comme son côté manipulateur et vicieux. Monsieur Davis adopte une mine bien plus sévère lorsque je révèle la vidéo de nos ébats ayant circulé dans mon lycée tout en la mettant en relation avec l'histoire de cette pauvre Anna. Enfin, j'évoque son départ ainsi que la stupidité que j'ai eu de le pardonner avant de finalement apprendre pour Luna et lui.

- Je crois que j'ai fait une belle connerie, grogne Ian en s'avachissant au fond de sa chaise.

Rebecca inflige un petit coup de serviette à son pari tout en pointant du doigt le petit Henry, trop occupé à se régaler avec la dinde dans son assiette pour avoir écouté un traître mot de notre conversation.

- Je veux dire, une bêtise !

- Pourquoi ça ? Je me risque à dire.

Là, le regard de Rebecca s'assombrit alors que monsieur Davis baisse la tête comme pour cacher une certaine forme de culpabilité.

- A vrai dire... vos retrouvailles n'étaient pas réellement un hasard.

- Pardon ?

- Lorsque Cherry est venu dans mon bureau en me disant que ce Kerian ne t'était pas inconnu et que c'était la raison pour laquelle tu devais prendre cette interview, alors j'ai compris les intentions de Cherry. Plus tard dans la journée elle m'a enfin avouée que tu étais son petit-ami. Alors elle s'est mise à me raconter ce que tu lui avais confié. Cette histoire... me rappelai affreusement celle de Beck et moi ! J'ai voulu forcer le destin, Holly, pardonne-moi si je suis allé trop loin, je n'aurais pas dû.

Alors tout ça a toujours fait parti d'un plan, nos retrouvailles n'ont jamais été liées au pur hasard, lui et moi n'étions pas faits pour nous retrouver comme je le pensais, ce n'était qu'un fichu stratagème.
Bouleversée, je sens enfin des larmes rouler le long de mes joues, et plus les souvenirs de ces quelques jours me reviennent en mémoire, plus les sanglots s'intensifient. Au bout de quelques secondes, je ne peux plus tenir en place, je ne fondrai pas en larmes devant eux, pas devant mon patron, sa femme et leur enfant, il en est hors de question. Je bondis alors de ma chaise, accourant jusqu'à la salle de bain, me laissant finalement aller une fois la porte verrouillée.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant