Holly
En passant la porte de chez moi ce soir, mes yeux sont gonflés au possible bien que je n'ai versé aucune larme. Je n'arrive pas à croire que je suis parvenu à tenir tout le repas sans en verser une seule; malgré les incessantes reproches de Leo, ses coups d'œil menaçants et les souvenirs de ma soirée chaotique. Rien ne s'est passé comme prévu; mon interview a été désastreuse et mon dîner avec mon petit-ami s'est avéré tout aussi affreux. Si bien que je suis bien contente de rentrer enfin chez moi un peu après minuit et demi. A vrai dire, le repas avec Leo a été assez vite expédié, et agacée par la simple entente l'énième reproche de ce dernier, j'ai préféré faire le chemin retour à pied. Flâner le long de la septième avenue et longer Madison Square Garden m'a fait un bien fou, l'air frais est parvenu à canaliser ma colère et le silence reposant à repousser les incessantes questions trottant dans ma tête. J'ai, durant une bonne heure, apprécié la fraîcheur nocturne tout en dégustant le doux silence nocturne.
— Holly ?
C'est la douce voix de Rachel qui me ramène sur terre. Ses courts cheveux châtains sont négligemment attachés à l'aide d'une barrette tandis que son sublime corps est emmitouflée dans une très classe robe de chambre en satin verte.
— Tu es gelée, qu'est-ce qu'il te prend de te balader si tard au beau milieu de New-York ?
Je ne sens plus mes mains et mes pieds me font affreusement mal, mais ce n'est qu'en retirant mon épais manteau que je m'en rends compte. C'est dingue, j'étais si focalisée sur le fait de ne plus penser à rien que même mes sens semble s'être éteints.
— Je ne m'étais pas rendue compte du froid.
Rachel accourt dans ma chambre puis en ressort avec un épais sweat-shirt ainsi qu'un hideux jogging.
— Enfile ça.
Mon amie passe délicatement sa main sur ma joue congelée, et là, il ne me faut pas une minute pour finalement m'effondrer en pleurs au beau milieu de l'appartement. C'est pas vrai, c'est comme si tous mes sentiments remontaient soudainement à la surface. Comme si sa simple caresse avait brusquement éveillé le moindre de mes sentiments. Tous semblent désormais être à leur paroxysme; la colère, la peur, la tristesse, la déception, l'angoisse et plus que tout, le désarroi. Rachel doit presque me porter jusqu'au canapé du salon pour enfin me faire enlever cette stupide robe rose.
— Couvre-toi.
Je me vêtis difficilement de mon sweat-shirt et mon jogging avant d'à nouveau m'effondrer dans les bras de mon amie. L'intérieur de mon être semble s'embraser, mon cœur se fracasse violemment contre ma cage thoracique et ma respiration est courte et saccadée. Je ne parviens pas à reprendre le dessus sur mes sentiments. Ils semblent tous me dévorer un à un, s'emparer les uns après les autres des fragments de cœur qu'il me reste, absorber mon âme et réduire mes tripes en poussière. J'ai envie de hurler mais je n'y parviens pas. J'aimerai crier mais j'ai la vague impression de me noyer dans mes sanglots.
— Il est revenu, je parviens enfin à articuler après m'être vidée de mes larmes. Kerian, il est à New-York.
— Je sais.
Mes larmes s'arrêtent net de couler et ma respiration reprend peu à peu une allure normale.
— Quoi ?
— Il vient tout juste de m'appeler. Il m'a raconté ce qu'il s'était passé.
Évidemment ! Il a bien dû lui raconter ce qu'il s'est passé à sa sauce. Je me demande bien pourquoi j'ai eu la stupidité d'accepter d'y retourner demain. Mais après tout il mérite que je lui montre, il mérite que je lui montre ce que je suis devenue; une femme forte et indépendante. Ça ne se voit pas en ce moment, mais son départ m'a renforcé. Je n'ai aucune idée de pourquoi je réagis comme ça. C'est stupide. Il ne le mérite pas. Il ne mérite pas le moins du monde que je me mette dans de tels états pour lui.
— Qu'est-ce qu'il t'a raconté ?
Ma voix est affreusement sèche. Je m'en veux de parler de la sorte à Rachel, mais c'est plus fort que moi, je ne parviens pas cacher mon amertume envers son aîné.
— Qu'il s'est comporté comme un connard et... il voulait savoir si tu étais rentrée.
— Qu'est-ce que tu lui a répondu ?
Mon cœur s'emballe.
— Que tu étais sorti. Je n'ai rien dit pour Leo.
Mon état d'esprit actuel me pousserai à lui balancer cette nouvelle en pleine tête. Me vantant de mon bonheur avec lui, affichant notre amour au grand jour pour que je puisse, encore une fois, voir cette colère se dessiner sur son regard. Pas une colère contre moi, une insoutenable haine contre Leo, et plus que tout contre lui même. J'aimerai voir cette haine dans son regard, j'aimerai voir à quel point il regrette de ne pas être resté, j'aimerai lire dans ses yeux la peine qu'il ressentirait s'il me voyait, Leo et moi, main dans la main. Je me rends rapidement compte que cette idée s'avère stupide. Je n'ai pas à le faire regretter d'être parti, ni à le rendre jaloux dans l'espoir qu'il revienne s'excuser ou qu'il ne rampe à mes pieds. Cette époque est révolue.
— Il... veut que j'aille manger avec lui, demain midi.
— Et qu'est-ce que tu lui as répondu ?
— J'ai refusé ! Qu'est-ce que tu crois !
Mon cœur se resserre soudainement.
— Accepte.
— Quoi ?
— C'est à moi qu'il a fait du mal, Rachel, pas à toi. Tu devrais aller manger avec lui. Ça te fera peut-être du bien.
Rachel n'a jamais été autant présente pour moi que ces dernières années. Durant de longs mois elle a mis sa petite vie de côté pour m'épauler nuits et jours. J'ai passé des nuits à pleurer dans ses bras et elle a passé d'affreuses journées à m'écouter m'apitoyer sur mon sort. Je lui dois bien ça. La voir détester son frère de la même manière que je le déteste me fait du mal. C'est à moi qu'il a menti en promettant d'être toujours là, pas à elle. Alors je crois qu'il est temps que ces deux-là aient une réelle
discussion.— Tu es... sûre ?
— Certaine. Rappelle-le, s'il te plaît.
Elle effectue un hochement de tête distrait tandis que je me lève enfin du canapé, les yeux rougis par les larmes. J'embrasse sa joue, la pend dans mes bras puis me décide enfin à regagner ma chambre. Tous les sentiments envahissant mon être semblent avoir disparu pour laisser place à une insoutenable nostalgie. Balayant du regard ma chambre à la recherche d'un objet en particulier, mes yeux s'arrêtent sur une petite boîte en acajou. J'attrape du bout des doigts la petite boîte rangée sous mon bureau avant de l'ouvrir avec précaution. Elle n'a pas bougé de place depuis mon arrivée à New-York, si bien qu'un épais manteau de poussière la recouvre. En ouvrant la petite boîte, mon cœur se serre à et ma gorge se noue. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? J'attrape machinalement mon collier du bout des doigts; je ne sais pas pourquoi je ne suis jamais parvenue à m'en débarrasser. Mes tentatives ont toutes étés vaines, au contraire du bracelet, déposé dans la boîte depuis bien longtemps. C'est étrange, comme si j'avais besoin d'avoir cette objet sur moi dans le but de me rappeler. Et tandis que j'attrape enfin mon vieux journal, m'a respiration devient saccadée. J'ai besoin de relire ces lignes, ses lignes. Une larme perle le long de ma joue tandis que je me mets à lire ces quelques lignes dans ma tête : «C'est étrange, j'ai toujours pensé que comme une rose, la beauté de chacun s'effaçait un peu plus chaque jour, que l'ensorcelante jeunesse, la pure somptuosité de tout être humain fanait un peu plus au fil du temps. Alors, stupide journal, pourquoi sa beauté, son charme, son air si pur et innocent semble s'intensifier à chaque fois que je dépose mon regard sur elle ? ». Et à la seconde où je relève mon regard du petit journal, je fonds à nouveau en larmes.
VOUS LISEZ
Soulmate - Tome 3
RomansaSept ans, sept longues années se sont écoulées depuis le départ de Kerian. Et bien qu'Holly prétende avoir refait sa vie à New-York, son cœur en demeure meurtri. Travailleuse et acharnée, elle mène désormais sa vie d'une main de maître, se promettan...