Chapitre 13

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Kerian

  La voir fouiller jusqu'au moindre petit recoin de cette piaule me fait triper. La mettre en rogne n'état peut-être pas une excellente idée en vue de notre dernière entrevue, mais j'ai un putain de besoin de la sentir à nouveau sensible à mon comportement d'immonde salaud. Je ne peux pas croire qu'elle m'ait oublié, même après toutes ces années, même en s'en allant vivre ici, elle ne peut pas être devenue insensible à celui que je suis devenu. C'est tout bonnement impossible. Et si elle y est parvenue, j'ai besoin de savoir pourquoi, moi, je n'y suis pas arrivé.

— Si je te dis que ton foutu dictaphone est dans mon caleçon, tu viendras le chercher Jensen ?

— Tu es dégoûtant. Rend-le moi immédiatement.

  J'aime la voir comme ça. J'aime voir quelle perd tout ses moyens. Si le je voulais, elle serait dans mon lit à l'heure qu'il est. Je la connais par cœur, et bien qu'elle tente de se convaincre à elle-même qu'elle n'est plus la même en changeant de style, Holly Jensen est en réalité le même ange que j'ai laissé sept ans plus tôt. Elle tout comme moi nous sommes contentés de nous forger une carapace.

— Tu m'as manqué.

— Ah oui ? Et tu t'en est rendu compte avant ou après t'être tapé toutes tes petites parisiennes ?

  Son sang froid et sa répartie m'impressionnent. Je savais pertinemment qu'elle ne fondrait pas en larmes devant moi, pas avec cette nouvelle carapace, c'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis permis de la titiller  avec cette histoire de sous-vêtements. Mais je ne pensais pas qu'elle ferait preuve de tant de hargne. Cette rage me fait peur, et si elle continuait de me détester ? Si je n'arrivais jamais à lui faire me pardonner ?

— Avant. Je savais que je faisais une connerie en me tirant.

— Parfait, tu n'es peut-être pas si stupide que ce que je pensais.

  Là, c'est sûr, elle n'a toujours pas digéré le morceau. Je savais que me faire pardonner ne serait pas une tâche aisée, mais je me suis peut-être finalement surestimé.

— Retire tes lunettes et ton putain de chignon.

  Ma voix autoritaire m'impressionne moi-même tandis qu'elle ne semble pas le moins du monde affectée. Son regard reste froid.

— Pourquoi ?

— Parce-que ce n'est pas toi.

— Tout le monde change, Kerian.

  Pourquoi est-ce qu'elle ne me hurle pas dessus ? Pourquoi est-ce qu'elle m'oblige à la pousser à bout de la sorte ? Pourquoi est-ce qu'elle ne me balance pas un torrent d'insultes ?

— Je déteste ce que tu es devenue, Jensen.

  C'est faux, cette confiance en elle ainsi que son désintérêt pour moi la rend d'autant plus sexy. Mais je ne peux pas lui dire. Je veux voir jusqu'à quel point elle peut retenir ses larmes, retenir sa rage envers moi. Je dois y arriver car si je n'y parviens pas, alors ça voudra dire que tout est perdu. Et je ne pourrais pas me le permettre.

— Tu t'y habituera, regarde, je me suis bien habituée à te haïr.

  Cette fois, mon cœur se fend en deux. Je sens cependant que prononcer ces mots ne la rend pas insensible.

— Je te préférais avant.

  Je ne peux pas croire ce que je m'apprête à dire, la dernière fois que je lui ai balancé ça en pleine tête, je l'ai littéralement brisée. Elle me détestera sans doute d'autant plus de remuer le couteau dans la plaie, mais j'ai besoin de savoir si ça vaut la peine. Si la perdre au détriment de ma carrière en valait la peine.

— Laisse-moi deviner, tu me préférais grosse ? Parce qu'aucun type n'aurait eu l'envie de m'approcher ? Tu me préférais naïve, parce qu'à cette époque tu aurais pu me récupérer ? Lâche l'affaire, Kerian. Je suis loin de tout ça. En te perdant je me suis trouvée, j'ai gagné. Game Over.

  Ma gorge se noue alors qu'elle prononce ces mots. Elle balaye ensuite la pièce du regard toujours à la recherche de son foutu dictaphone avant de finalement trouver ce qu'elle cherche mal camouflé sous l'un de mes oreillers. La blonde au chignon se saisit de l'objet ainsi que de la liste de questions jointe et s'élance vers la porte.

— Attend, Holly.

  Elle s'arrête net, faisant doucement volte-face tout en retirant sa paire de lunettes et son chignon. Et là, mon cœur saigne. Elle est si belle. Sa mine angélique m'avait tant manqué. J'aurais donné cher pour pouvoir la revoir avant, tomber sur elle de la même manière quelques années plus tôt. Ma gorge est nouée au possible et j'ai bien du mal à retenir mes larmes tandis qu'elle s'approche de moi à pas de loups. J'ai la vague impression de revoir son inoffensif minois. J'aimerais, à cet instant précis, pouvoir arrêter le temps pour pouvoir continuer de l'observer, scruter jusqu'à la plus petite parcelle de son visage, admirer jusqu'à la plus infime partie de son sublime corps de femme, caresser ses longs cheveux blonds, déposer mes lèvres délicatement sur les siennes, sentir le contact de nos deux chaires embraser mon âme. Je voudrais que cet instant dure encore, avant qu'elle ne m'échappe à nouveau.

— Je suis... tellement désolé. Tu es... sublime, comme toujours. Je t'en prie pardonne moi.

  Et à cet instant précis, je vois quelques larmes rouler le long de ses joues. Putain, cette fois je n'avais aucune envie de la faire pleurer. Ce n'est pas ce que je voulais. Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas réagi à mon attitude d'abruti ? Pourquoi est-ce qu'elle a été touchée à la seconde ou j'ai déblatéré la stricte vérité ? A la seconde ou j'ai eu la putain d'idée de lui ouvrir mon cœur.

— Tu n'as plus rien à faire à New-York maintenant, tu devrais repartir, sanglote-t-elle avant de finalement quitter mon champ de vision.

  Elle a raison, je n'ai plus rien à foutre dans cette putain de ville merdique. Alors pourquoi, au fond de moi, je me refuse à partir ? Tout ça n'a rien à voir avec le foutu repas que je dois avoir avec ma sœur ce midi, je le sens en moi. Qu'est-ce qui me retient ici ? Pourquoi est-ce que je ne me tire pas maintenant sans prévenir personne ? Après tout, je l'ai bien fait une fois.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant