Chapitre 57

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Holly

A mon réveil ce matin, le lourd bras de Kerian se trouve enroulé autour de ma poitrine. Le doux souffle de sa respiration glissant le long de ma colonne vertébrale me fait un bien fou. Et bien que mon envie de lui en coller une vis-à-vis de ce que j'ai appris deux jours plus tôt ne me quitte toujours pas, je me dois de me faire violence pour ne pas venir à bout de mon idée. Chaque fois que j'ai eu le malheur de penser à le virer de cette chambre cette nuit, la discussion que j'ai eu avec Rebecca me revenait en mémoire.
Me levant pour enfin enfiler de vraies vêtements, je fais de mon mieux pour ne pas réveiller Kerian, encore dans les bras de Morphée. J'ai désormais en horreur cette affreuse chemisette blanche empestant l'hôpital ! Les douleurs désagréables de la veille semblent avoir presque disparues et ce n'est pas pour me déplaire. J'ai beau me triturer les méninges, je ne parviens pas à avoir le moindre souvenir de cet accident.

- Qu'est-ce que tu fais ? Ronchonne Kerian, manquant de s'étaler sur le sol en se retournant.

Je me demande encore comment nous avons bien pu tenir dans ce petit lit toute la nuit.

- J'ai envie de partir, je me prépare.

Il glousse avant de se lever difficilement.

- Je vais chercher un de ces foutus médecins.

- Ou sont mes vêtements ?

- Les pompiers ont dû les découper. Toutes tes fringues mise à part ton manteau. Met mon tee-shirt, ta valise est dans ma caisse.

Le manteau ? C'est pas vrai, la veste de Rebecca. Je crois que je n'aurais osé la croiser de nouveau si cette veste, à première vue hors de prix, avaient également été découpée. Du moins jusqu'à ce que je puisse me procurer le modèle identique !
J'enfile alors un long tee-shirt appartenant à Kerian déposé sur le petit fauteuil face à mon lit avant de m'y asseoir, attendant l'arrivée des médecins.

***

Une bonne heure a passé et Kerian n'a pas décroché un mot, se contentant de conduire, emporté par l'album du groupe The Fray, j'ignorais qu'il détenait leur album ! Cette remarque faite à moi-même me fait presque rire.

- Comment s'est passé le réveillon ? Je me risque à dire.

- Je n'en sais rien, je n'étais pas là.

- Quoi ?

- Laisse-tomber. Ma mère était bouleversée.

Mon cœur se brise, non seulement parce-que madame Duchemin était plus qu'heureuse à la simple idée que nos deux familles soient de nouveau rassemblées, mais également à cause de la rétorque de Kerian. Qu'il n'ait pas daigné venir à ce repas de n'étonne pas vraiment de lui, après tout il le fui depuis des années. Je ne peux m'empêcher de me dire que si j'avais décidé de rester, alors Kerian aurait également assisté à ce réveillon, même après ce que je venais de découvrir. Je me sens affreusement coupable, j'ai agi tel qu'il le faisait sept ans plus tôt dès lors que les choses se compliquaient : j'ai fui.

- J'irais m'excuser auprès de ta mère en arrivant, tout à l'heure.

- On ne rentre pas à Miami, Holly.

- Quoi ?

  Mais où est-ce qu'il m'emmène ?
  Plus il met du temps à répondre et plus je me demande pourquoi je l'ai suivi, j'aurais du lui demander de me raccompagner chez moi, j'aurais pris un avion le lendemain ou bien la veille du mariage, mais certainement pas le suivre après ce qu'il s'est une nouvelle fois passé !
  Ma discussion avec Rebecca a beau me revenir continuellement en tête, je ne parviens pas à faire cesser cette colère que je porte à Kerian. Et bien que je la fasse taire depuis un petit moment, j'ai bien peur qu'elle ne vienne à bientôt exploser s'il ne me répond pas dans les secondes à venir.

- Où est-ce que tu m'emmènes, Kerian ? Je grince.

- Au chalet.

- Au chalet ?

- A Winter Haven. Le chalet de mes parents. J'n'ai pas pu t'offrir tes cadeaux de noël, j'aimerai le faire là-bas.

  Je me sens rougir. Je n'ai pas de cadeau pour lui, à vrai dire je n'ai pas le moins du monde eu le temps de penser à un quelconque cadeau pour Kerian.

- Je dois appeler mes parents, je dois les prévenir que je vais bien.

- Bien. Fait-le alors. Ta mère va être très heureuse de te savoir avec moi là-bas !

  L'ironie dans sa voix me fait mourir de rire. Je me demande bien quelle a été la réaction de ma mère vis-à-vis de ce dernier en apprenant mon départ. Je n'aurais pas dû tant me précipiter, quitter Miami était comme un besoin pour moi à cet instant, mais désormais, avec le recul, je me rends compte que quitter ma ville natale s'est avéré être la pire des idées.
  Je laisse alors tomber ma tête sur la vitre de la voiture de Kerian, le toisant du regard. Je parviens à percevoir une certaine pointe de colère dans ses yeux, est-ce qu'il serait en colère contre moi ? Parce-que je suis reparti ? Je n'ose pas lui demander.

- Pourquoi est-ce que tu me regarde comme ça ?

  Son ton est presque désagréable. Si ça continue je compte bien sortir de sa voiture pour continuer mon chemin en stop !

- Parce-que tu as l'air en colère.

- Je le suis.

- Pourquoi ?

- Parce-que je suis en rogne, c'est tout, c'est pas contre toi.

- Contre Luna ?

- Contre moi.

  Je décide de rester muette tout le long du trajet, faisant mine de m'endormir, je me trouve rapidement bercé par la musique. Et alors que je m'apprête à réellement piquez du nez, la douce voix de Kerian raisonnant dans l'habitacle me sort de mon état de semi-endormissement :

- Je t'aime, Holly, putain, tu devrais me détester, tu ne devrais pas être avoir moi dans cette caisse. Pas après tout ce que je t'ai fait. Tu... putain, t'es la femme de ma vie Holly.

  Ma gorge se noue, je dois me faire violence pour ne pas laisser perler de larmes le long de mon visage, il doit croire que je dors, il est évident qu'il me croit endormie.
  La femme de sa vie ? Ces simples mots font se heurter brutalement une nuée de papillons contre les parois de mon ventre. Je voudrais fondre en larme, le prendre dans mes bras et l'embrasser, ne plus jamais me séparer de lui, ne plus jamais décrocher mon regard de son doux visage. Et il semblerai que, d'un seul coup, toute la haine que je lui portais se soit envolée. C'est mal, je suis bien consciente d'être naïve, de n'être que la gosse naïve qu'il a laissé sept ans plus tôt, et pourtant, je ne parviens pas à retenir cette once de colère portée contre Kerian, me permettant de garder une forme de méfiance vis-à-vis de lui. Je suis faible, je le suis peut-être même bien plus que quelques années en arrière, et j'en suis pleinement consciente. Mais assise là, dans cette voiture, dans cet habitacle restreint à ses côtés, je ne peux m'en empêcher, je ne peux retenir tout ce que je ressent pour lui, tout ce que j'ai toujours ressenti pour lui. Il m'a menti, il m'a berné, j'ai été une source de pari, victime d'une stupide vidéo, mais malgré tout ça, malgré toute la haine que j'ai pu ressentir contre lui, il semblerai que l'amour triomphe toujours. Il semblerai qu'à chaque fois, qu'à chaque dispute, qu'à chaque problème, ce dernier se trouve brusquement contrebalancé par l'incroyable et indubitable amour nous transperçant. Alors peut-être avons-nous toujours maîtrisé ce juste milieu, ce juste milieu entre la haine et l'amour dont monsieur Davis me parlait.
  Une âme-sœur, cette appellation me fait rire, je l'ai utilisé plusieurs fois pour qualifier Kerian sans vraiment en comprendre le fond, sans jamais réellement en comprendre la force. Je ne me suis peut-être pas trompée. L'histoire que j'ai écrite durant ces sept longues années n'a jamais eu de nom, je n'ai jamais trouvé assez d'inspiration pour trouver un titre parfait, le titre parfait. Peut-être l'ai-je finalement trouvé.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant