Chapitre 66

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Kerian

- Putain, je ne me rappelai pas que t'étais si douillet, se marre Charlie en traçant la dernière ligne de la colombe ornant désormais le dos de ma main droite.

  Ce tatouage m'est apparu comme nécessaire depuis ma conversation avec Maddie il y a quelques jours. Ainsi, l'oiseau de paix représentera ma nouvelle liberté, mon nouvel envol. En effet, le pognon de cette petite pétasse de Luna désormais entre les mains, je serais bientôt libéré de ma dette, et ainsi, libéré d'elle.
  Il ne m'a fallu pas plus de deux semaines pour parvenir à revendre mon appartement ainsi que la boutique à Paris. Autant dire que je me suis fait un paquet de fric ! Si bien que, dès l'argent récupéré, je me suis mis en tête de trouver une baraque pour Holly et moi. Ce n'est pas que l'ambiance familiale ne m'enchante pas, mais j'en ai plus qu'assez de devoir me retenir de la faire crier mon nom au lit !

- Ferme-là, t'es sur ce putain de tatouage depuis une plombe.

- Je m'applique.

  Je me marre. La vérité c'est que, maintenant que j'ai écopé d'une plus grande notoriété qu'elle, elle est tout bonnement effrayée par le fait de rater son œuvre ! Ça me fait d'autant plus rire en jetant un œil au tatouage, il est sublime. C'est Charlie qui devrait assister à cette foutue émission, son talent a toujours été à couper le souffle.

- Ça fait presque deux semaines qu'on t'a traîné jusqu'à cet orphelinat et tu ne m'as toujours pas dit ce que ça t'avait fait merdeux.

- Ce sont des gosses, ils chialent et se pissent dessus.

- Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire par Jil et Sandy !

- Ok. Il y en avait un qui n'était pas aussi insupportable que les autres. C'est vrai, mais ça ne veut rien dire, ok ?

  C'est vrai quoi, ce n'est pas parce-que j'ai trouvé ce gosse supportable que je veux m'enticher d'un morveux tout de suite. Pas vrai ? Putain, je n'arrive même plus à savoir ce que je veux. Chaque fois que j'y repense, je ne peux m'empêcher de m'imaginer, un gosse dans les bras. Je serais un mauvais père, c'est évident ! Je lui apprendrai à se battre avant même de ne savoir marcher, je lui apprendrai à jurer avant même qu'il ne se soit mis à glousser.

- Si tu le dis !

  Elle essuie les dernières traces d'encres bavant sur ma main, un rictus de joie scotché à ses lèvres.

- Tu sais autant que moi que je serais un père merdique.

- Non, je ne pense pas, et puis...

  Elle n'a pas le temps de finir que la porte du salon s'ouvre brusquement. Bien que Charlie passe sa tête dans entrebâillement de la porte, je n'ai pas besoin de faire de même pour deviner de qui il s'agit. Elle est pile à l'heure.
  Je bondis de ma chaise, couvrant ma main d'un filme transparent avant de rejoindre la pièce principale, tombant nez à nez avec cette pétasse de Luna. Le large sourire qu'elle arbore me file la gerbe.

- Kerian, mon chou.

- T'es à l'heure, Luna.

- Je ne voulais pas te faire attendre. Ton message m'a fait plaisir.

  Elle me fait marrer, est-ce qu'elle pense réellement que je l'ai fait venir dans le but de remettre le couvert ? Putain, qu'est-ce qu'elle peut être conne !

- Ça me fait plaisir que tu sois là. J'ai quelque-chose pour toi !

J'arbore un large sourire tout ce qu'il y a de plus faux sous le regard hilare de Charlie, les bras croisés à ma gauche.

- Il ne fallait pas mon chou !

- J'insiste.

  Là-dessus, je sors de ma poche arrière un chèque plié en deux que je tend, fier de moi, à cette petite garce de Luna.

- Qu'est-ce que c'est ? Glousse-t-elle.

- Ton chèque. Alors écoute moi bien espèce de petite pute, tu vas prendre ce pognon et partir loin. Parce-que je te jure que si je n'ai ne serait-ce que le malheur de t'apercevoir dans Miami, je te bute. Et cette fois je te jure que je m'assurerai que tu ne reviennes jamais nous faire chier.

Charlie glousse tandis que j'ai avancé de deux grands pas, collant presque mon visage à celui de cette garce de Luna. La frayeur que je peux percevoir dans ses yeux me fait un bien fou. La situation semble s'être retournée, j'ai désormais les cartes en main tandis que cette pétasse se trouve maintenant presque pétrifiée.

- Je pensais que...

- Que je te faisais venir ici pour te baiser une nouvelle fois ? Je ne retomberai pas si bas, Luna. Plus jamais de la vie je ne m'abaisserai à ton niveau. Tu voulais jouer ? J'ai joué, et j'ai gagné. Alors maintenant tires-toi.

La blonde m'arrache le chèque des mains avant de faire volte-face pour accourir jusqu'à la porte et ainsi quitter le salon de tatouage.
Putain, ça fait un bien fou. En jetant un œil à mon nouveau tatouage, je repense à Maddie, à son discours quant à la culpabilité. Elle avait raison, et j'ai réussi. J'ai réussi à me pardonner, à me dire que je la mérite, que je mérite bel et bien Holly. Qu'après tout le malheur que j'ai su lui infliger, je suis capable de lui apporter tout le bonheur dont elle a besoin sans jamais la décevoir une nouvelle fois. Cette culpabilité me hantant depuis mon retour semble enfin avoir disparu. Je suis libre, libre de toutes ces manigances, ces mensonges et surtout loin de cette putain de dette.

- Ca y est, libéré, grince Charlie.

- Ouais. C'est terminé. Toute cette merde est terminée.

- T'as pas intérêt à refaire de connerie, Kerian.

- Je sais.

Là-dessus, la porte du salon s'ouvre de nouveau sur une Holly souriante à souhait. Main dans la main avec la petite Nerea, ces deux-là rient à gorge déployée. Et tandis que la gosse accourt dans les bras de sa mère, moi, j'observe Holly. Je sais à quoi elle pense. Je sais ce que cette gosse lui inspire, il n'y a cas voir ses yeux luisant à la vue de tout l'amour enveloppant la petite Nerea et Charlie. L'amour d'une mère, c'est exactement ce dont elle a toujours rêvé, ce qu'elle n'a jamais réellement eu.

- Holly, je souffle en m'approchant d'elle à pas de loup.

- On est allé manger une glace sur la plage, elle avait faim !

- Tout va bien ?

- Ouais ! Tout roule, j'angoisse simplement pour mon premier jour. Je dois être au Miami Herald dans une heure.

  Elle me ment, je sais pertinemment qu'elle me ment. Je le vois dans ses yeux. De la même manière que je perçois toute sa culpabilité, cette culpabilité due au fait de me mentir.
  Au fond, Holly et moi n'avons jamais évoqué ce sujet, le sujet d'avoir un gosse. A vrai dire, la réponse à cette question m'apparaissait comme une évidence quelques mois plus tôt. Il aurait été hors de question que je ne me coltine un merdeux qui chialerai en permanence, alors pourquoi est-ce que je ne peux pas arrêter de me poser cette putain de question maintenant ? Et tandis que mon regard ne quitte pas celui d'Holly, les petites mains de Nerea viennent s'enrouler autour de ma cuisse. La serrant du plus fort que son faible corps le lui permet.

- Tonton Kerian, porte-moi ! Glousse-t-elle.

J'abdique, me saisissant du frêle corps de la gamine que je viens serrer contre mon torse. Et lorsque ses lèvres pâteuses s'écrasent sur ma joue, je fond.

Soulmate - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant