Chapitre 14

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— Hey mec.

— Salut.

— Auré, mercredi tu peux venir ? On voulait se faire Aix, pour notre avant-dernière fois.

— Plus l'argent.

— Sérieux ?

— Plus une thune, j'suis à sec. A cause de Valence, déso, j'ai vraiment été con.

— Putain, Auré ! Pourquoi t'as eu des réactions aussi excessives ? Zacaria t'as « juste » dit qu'il partait, et toi, tu réagis en fuyant !

C'était Clément qui causait. Il gueulait presque avec cet accent marseillais qu'il n'arrivait pas à ôter de son langage et qui le discréditait. Dino regardait la scène, hagard (pour une fois qu'il n'était pas bavard) Zac' scrutait ses phalanges bronzées comme si elles avaient un intérêt particulier, puis finit par intervenir :

— Hé les mecs ? Si au lieu de mettre notre fric dans le bus, on pourrait se faire un week-end aux Calanques ? Genre, on prend la vieille tente de Dino et on file à l'Anglaise en camping.

— Mes parents ne seront jamais d'accord, se lamenta Clément

— Mais si, t'inquiètes. Et je crois même, sans vouloir t'offenser qu'ils seront heureux de pas avoir à te supporter et je dis pas ça pour être méchant, mais parce que quand t'as quatre gamins, parfois t'aimes bien souffler un peu.

— J'ai une idée ! lança subitement Dino un éclair de lucidité dans la voix, Clément, tu dis que t'es chez moi, moi je dis que je suis chez Auré, et Auré dit qu'il est chez Zac', qui dit qu'il est chez toi, Clem'.

— Non, mais ça marchera jamais, c'est complètement débile, interrompit Clément, si les vieux d'Auré appellent ceux de Zacaria, ils vont appeler les miens, et ils se rendront vite compte de la vérité, et là, c'est mort, on se fait niquer.

Et sur ces derniers mots plein de sagesse, tous approuvèrent en tentant de trouver une énième solution, avec de la bonne foi, se creusant plus les méninges que pour ce problème de maths qui n'était pas aussi concret que le leur.

* * *

Il avait été convenu que les quatre lascars devaient se retrouver au parc de la Maternité à dix-neuf heures. Ils s'étaient cotisés pour payer une soirée en amoureux au cinéma aux parents de Clément. Sophie, la grande sœur du brun à lunettes carrées devait les couvrir. Les trois gosses avaient prévenu leurs vieux, leur signifiant une soirée pyjama chez Clem' pour les derniers moments qu'ils passaient entre eux avant la séparation inévitable. Les trois couples de parents avaient accepté sans broncher, et Sophie couvrait les garçons si toutefois une maman inquiète venait à appeler, elle avait juré. Clément, quant à lui avait annoncé qu'il partirait le lendemain matin tôt, pour profiter d'un samedi exceptionnel avec ses copains, pour pas que ses vieux s'inquiètent. A dix-neuf heures moins cinq, ils étaient déjà tous quatre devant leur parc préféré. Les ados avaient méthodiquement fouillé les placards et le frigo de leur cuisine, apportant toutes sortes de cochonneries, bonbons Haribo, cookies, chips, gâteaux apéros et jus d'orange concentré. Ils s'étaient décrétés une nuit blanche. La troupe s'était mise en marche, avait emprunté le bus en vérifiant qu'ils ne se trompaient pas de ligne, et les baroudeurs étaient partis à l'aventure. Sac à dos vissé sur les épaules, ils filaient dans le bus qui se soulevait vers les calanques. Dino portait sa tente emballée à bout de bras. Persuadés de vivre leur meilleure expérience du haut de leur quatorze piges, ils avançaient, prêt à l'aventure comme Robinson Crusoé, mais pour eux c'était vers les grandes falaises de calcaire de la cité phocéenne. Ils essayaient de trouver un coin plat (chose peu facile) et non loin de la mer pour pouvoir piquer une tête et entendre le picotement des petites vagues se heurter contre les rochers de calcaire.

Et ils danseront dans les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant