Depuis que Nicolas et Seb étaient rentrés de Malagà, ils n'avaient pas fait grand chose. Les deux ados se morfondaient juste dans la chambre de Sébastien. Ils passaient des heures à jouer sur son ordi, les volets fermés pour éviter que la chaleur n'entre dans la maison. Les ventilateurs tournaient à plein régime, la nuit le bourdonnement empêchait de dormir. Nico avait installé son campement là. Il y dormait un soir sur deux, en bouffant des chips au vinaigre avec son meilleur pote, en regrettant leur semaine de vacances en Espagne où ils avaient pensé à autre chose loin de la bruyante cité phocéenne. Sur le balcon de l'adolescent où la mer se discernait facilement, ils avaient refait le monde en fumant des cigarettes que Seb achetait par paquets.
Nicolas passait aussi du temps avec Johanna, qui était rentré du Sri Lanka à la mi-août. Elle était allée plus au sud, beaucoup plus loin, et avait pu vider son esprit, tenter pendant quelques semaines de quitter ses vieux démons qu'elle enfouissait au fond d'elle. Tous les soirs, elle avait pris son traditionnel combo d'antidépresseur et de somnifères, sans réussir à décoller de sa vie. Chacun survivait différemment. Nico avait choisi la cigarette, son père l'alcool, d'autres encore la coke, la marijuana, le LSD ou l'opium. Elle, elle avait choisi les antidépresseurs.
Avec Nico, ils avaient fait la battle qu'ils avaient prévu, le concours de celui qui avait le plus bronzé. C'était elle qui avait gagné, évidemment.
Pour une fois, Nico avait déserté son nouveau lit pour aller voir Jo'. Fidèle à elle-même, elle lisait sur sa terrasse.
— Salut. Ça va ?
— Salut, répondit Johanna en levant à peine les yeux de son livre
— Tu lis quoi ?
— Véronika décide de mourir, de Paul Coelho, en version originale.
— Toujours des lectures aussi joyeuses, à ce que je vois. Tu as amélioré ton portugais... Depuis ton père ?
— Le titre annonce peut-être un roman triste. Mais, très cher Nico, il faut se méfier des apparences. Moi, je trouve que c'est plutôt joyeux comme truc, même si la pauvre, elle a raté son suicide. Et oui, j'ai relu quelques bouquin de méthodo qu'il m'avait filé il y a pas longtemps.
— En effet. Hyper joyeux, tu disais ?
— Oui. Toujours plus que nos vies, de toute façon.
— Tu veux dire quoi par là ?
— Regarde ton existence, Nico. Elle se réduit peu à peu. Ne t'offre aucune porte de sortie. Est-ce que tu vis, d'abord ? Tu existes, ça, c'est sûr. Comme dirait Victor Hugo, le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre. T'as l'impression de te sentir vivant ? Ou de te morfondre dans une existence morne et sans intérêt ?
— Mais j'en sais rien... Toi et tes questions de philo... Je comprends pourquoi t'es autant mélancolique et dépressive. Tu t'intéresses beaucoup trop à ces thèmes. Et évidemment, quand on voit le monde en face, c'est déprimant.
— Il faudrait peut-être que tu te prépares, alors. Je te rappelle que la philo est au programme en terminale. Et que je ne sais pas pourquoi, mais t'es en L, comme moi. Et merci de me dire que je suis dépressive. C'est pas comme si les cachets sur ma table de nuit ne me le rappelaient pas.
— Je sais même pas pourquoi j'ai choisi cette filière, d'ailleurs. Et oui, t'es dépressive, Jo'. Ça te dérange que je le dise ? Mais ça crève les yeux ! Tu fais quoi de ta vie ? Tu lis. Et tu rumines contre le système, la société et tout le bordel. Mais sors, je sais pas ! Fais des trucs !
— Tu sais ce qu'elle te dit, la dépressive ? De sortir de chez elle, parce qu'elle en a ras-le-bol d'avoir un mec qui n'est pas capable de la comprendre. Tu crois que j'ai choisi cette putain de maladie psychique ? Que ça m'amuse de voir ma psy et ses lunettes rouges avec ses deux yeux qui me jaugent et me jugent ? Non. Alors, maintenant, Nicolas, tu sors.
VOUS LISEZ
Et ils danseront dans les ténèbres
Ficción GeneralAurélien a quatorze ans, quelques réflexes de grand et une bande de potes soudée avec qui il passe ses journées dans le parc de son quartier marseillais. Quatre gamins qui regardent le foot avec admiration en jonglant entre les cours, les amis et la...