Chapitre 54

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Il était marqué 06:16 sur le radio-réveil d'Auré quand il avait sonné. Il n'avait réveillé que lui, la chambre était vide. Son père était retourné chez ses parents à Gap quelques jours plus tôt, Nicolas vivait chez Seb depuis un bout de temps où il s'y morfondait sans voir la lumière de la journée depuis que Johanna avait laissé une lettre sèche à son attention où elle disait partir à l'horizon pour une autre vie, que c'était mieux ainsi, qu'il ne fallait pas l'attendre.

Si le réveil d'Auré avait sonné si tôt – même pour un vendredi – c'était qu'avec Ichrak, ils avaient prévu d'aller sur les hauteurs de la ville, sur la colline de Notre-Dame-de-Lagarde, pour admirer la basilique et le soleil levant à proximité du Vieux-Port. Ca faisait longtemps qu'ils voulaient se faire ça, avant les cours, histoire de passer un peu de temps ensemble sans qu'on n'en sache rien. Tout était prévu, il avait fait son sac avec quelques paquets de gâteaux et une bouteille de jus d'orange, qui côtoyaient ses cahiers de cours. Ichrak et lui avaient des histoires à se raconter, et ce moment entre amis allait leur faire du bien, après leur tumultueuse rentrée qui avait mis le morale bien bas. Personne ne voulait se remettre à bosser, et même si ce n'était que la troisième, ça allait annoncer la couleur pour les années suivantes, les épreuves anticipées, le bac, et la suite, la fac, la prépa, tous ces trucs qui paraissaient loin alors qu'ils n'étaient en fait qu'à deux pas.

Les deux amis se retrouvèrent à l'angle de la rue Jobin, alors qu'il faisait encore nuit. Auré avait pris le soin d'être le plus discret possible en partant, et il avait laissé un mot en disant qu'il était parti plus tôt au collège sur le plan de travail de la cuisine.

— Salut, avait lancé Ichrak.

— Hello ! Comment tu vas ? J'ai prévu quelques trucs, pour ce matin, et toi ?

— J'ai juste des chips. C'est tout ce qu'y avait dans mon placard, déso.

— T'inquiète. On y va ?

— Yep, j'arrive.

Marseille de nuit, c'était tout un décor. Le bruit incessant, les jeunes alcoolos qui se retrouvaient échoués sur les trottoirs, les voitures qui dérapaient et la fête à tous les coins de rue – c'était à peine exagéré, mais au petit matin, c'était d'un calme ! Il y avait peu de passants sur les grandes arcades, les habituels bouchons demeuraient absents et les fêtards écroulés dans un coin occupés à dessaouler chez eux ou dans la rue.

En montant les marches de la colline et en marchant entre la Belle de Mai et la basilique, ils avaient eu le temps de faire leur sport pour la journée, si ce n'était pour la semaine.

— On est bien ici, non ? demanda Auré

— Ouais. J'avoue. C'est poétique, Marseille à la fin de l'été.

— Déso Ichrak, mais on est en automne depuis aujourd'hui.

— Ah, merde. Bon, bah, c'est joli Marseille au début de l'automne. Avec le soleil qui se lève et le port derrière.

— C'est vrai qu'on est habitué à ce que le soleil se couche sur la Méditerranée... Mais le lever du soleil, c'est tellement plus beau... Quand le soleil se lève sur l'est et l'Italie de Zacaria en apportant le renouveau, je trouve ça tellement plus significatif que le coucher, qui est une forme d'adieux...

— Je t'ai déjà dit que mon prénom voulait dire lever du soleil ?

— Euh... Non.

— C'est de l'arabe, mais ça veut dire ça.

— Mais, t'es pas kurde ?

— Si, mais mon père a des origines irakiennes, alors on m'a donné un prénom arabe. Ma mère est d'origine perse par sa mère, alors c'est mon grand frère qui s'appelle avec prénom iranien. Et puis mon petit frère a un prénom Kurde, ça symbolise notre vie au Kurdistan et notre famille.

Et ils danseront dans les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant