Le samedi matin, Aurélien avait galéré à faire ses devoirs, et après avoir mangé en silence, il était sorti retrouver ses amis, le sourire aux lèvres. Heureux d'en avoir vite fini avec ce qui le retenait chez lui dans l'atmosphère oppressante de son foyer, il arriva au QG de sa bande.
— Hey, lança-t-il à l'assemblée
— Salut, avait répondu Zacaria, l'air renfrogné
— Bah, mon pote, qu'est-ce qui va pas ? demanda Aurélien
— Maintenant que tout le monde est là, je vais vous expliquer.
Une ambiance solennelle régnait dans le groupe d'amis. Zacaria reprit la parole et annonça de but en blanc :
— Je rentre en Italie.
— Raconte pas n'importe quoi, fit Dino
— Je rigole pas.
Et il avait raison. Zacaria ne plaisantait jamais.
— Sérieux ?! avait pesté Clément, qui n'en revenait pas.
— Oui. On rentre à Bari. Mes parents peuvent plus payer le loyer.
— Mais... Ça veut dire qu'on se reverra plus avait gémit Dino, peu lucide
— Je rentre chez moi, avait redis Zac', comme si lui-même n'y croyait pas.
Clément et Aurélien ne disaient rien. Ils avaient toujours vécu ensemble, dans ce quartier du plus pauvre arrondissement de Marseille. Voilà que Zacaria les quittaient. C'est comme si Aurélien se sentait déchiré de l'intérieur.
— Désolé d'annoncer ça comme ça mais...
— Tu pars quand ? avait fini par couper Clément, toujours la bouche béate.
— A la fin du mois.
— Quoi ?! Tu finis même pas l'année ?!
— Non. On va se faire expulser, et on rentre à Bari, où ma grand-mère devrait nous héberger.
— Zacaria... Putain...
— Aurélien...
— Les gars... Je crois que j'ai du mal à digérer. Faut que j'aille marcher, avait répondu Aurélien après un long silence où tout le monde regardait ses pieds.
Aurélien ne savait pas où il allait. Ce qu'il faisait. Il errait sans but dans la ville, et ses pas le menaient à la gare routière. Il avait de l'argent en poche, par pure coïncidence. Il se décida à prendre la première destination qu'il voyait affichée sur le tableau récapitulatif. Il ne savait plus ce qu'il faisait. Pourquoi quitter Marseille et la Belle de Mai ? Il ne savait pas, ou n'avait pas envie de savoir. Il fuyait juste, pour faire retomber la pression, parce que c'était après tout une solution parmi d'autres pour remédier aux problèmes qu'on rencontrait, loin de la lâcheté que certains évoquaient en pensant à la fuite.
Le bus était inconfortable, mais Aurélien s'en foutait. Le siège lui taillait les entrailles, lui coupait le dos. Il regardait le paysage Provençal et soudain, il se mit à pleurer. Il retenait ses pleurs depuis longtemps, et c'était juste le mécanisme de son cerveau qui s'était mis en place.
C'était Avignon qui était la première sur la liste des départs, cette si belle ville. Il y avait Montélimar, Cavaillon et Orange, et le gamin trouvait les noms jolis. Et puis après, il y avait Valence. Et Valence, ça lui rappelait l'Espagne.
Voilà, Aurélien se rendait à Avignon. Il ne savait pas pourquoi. Il se laissait porter par les vagues de la vie. Quoiqu'il aurait pu se faire porter par les vagues de la mer.
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Et ils danseront dans les ténèbres
Fiksi UmumAurélien a quatorze ans, quelques réflexes de grand et une bande de potes soudée avec qui il passe ses journées dans le parc de son quartier marseillais. Quatre gamins qui regardent le foot avec admiration en jonglant entre les cours, les amis et la...