La journée était passée tranquillement. Le blond avait pu bavarder avec Dino en Histoire, oubliant ainsi le cours. Il avait retrouvé Ichrak qui l'attendait devant le collège, et avait salué ses trois amis qu'il abandonnait sans états d'âme, comme aurait dit son ami d'origine italienne. Clément lui avait fait une scène, à base de « t'as pas honte », de « tu nous abandonnes pour une nana, je pensais pas que t'étais entré là-dedans. » ou de « comment on va faire pour jouer sans toi ? ». Le seul qui restait silencieux, c'était Zacaria. De nature très calme, il parlait peu, mais pensait beaucoup. Il était timide aussi, et avait une sorte de nostalgie de son pays natal, alors qu'il n'avait connu que la ville bruyante de Marseille. Au fond de lui, peut-être souhait-il rentrer en Italie, là où il était né où il avait passé deux ans de sa vie, contrairement à Dino, ses parents s'étant installés bien avant sa naissance. Aurélien éluda la question en s'approchant d'Ichrak, qui lui souriait, lui montrant ses dents jaunis et son incisive du devant qui tentait de prendre la place de sa congénère à côté d'elle.
— On y va ? demanda Aurélien, un peu embarrassé.
— D'accord, avait simplement répondu Ichrak en lui souriant.
Aurélien savait qu'il devait mettre en confiance celle qu'il avait invitée, et commença à faire la conversation :
— Tu aimes faire quoi, dans la vie ?
— Marcher, répondit-elle presque du tac au tac. Marcher dans Marseille. Je fais ça dès que j'ai du temps libre. J'aime pas mon appartement. Il n'y a que trois pièces, énuméra l'intéressée, la cuisine, la salle de bain et la pièce où on dort, tous les cinq. En plus, l'immeuble est en mauvais état. Il y a des champignons sur les murs, du moisi dans la salle de bain et l'escalier peut s'effondrer si on fait pas attention. On est tous les uns sur les autres, ma mère s'occupe de mon petit frère qui braille, et c'est pas génial. Et puis je me sens bien quand je suis dehors, ça me rappelle un peu chez moi, à Erbil. J'adore le quartier du Panier et le Vieux-Port. Ce serait marrant qu'on aille s'y balader un de ces quatre.
— Pourquoi pas. Tu voudras que je t'aide pour la rédaction ? Je suis pas très fort, mais si tu veux, on peut essayer... E toi, t'es forte en quoi ?
— Pas grand chose... Tu sais, j'ai passé plusieurs années en Grèce avant d'arriver, et j'ai pu suivre un bout d'année scolaire. J'avais un bon niveau en maths. Et du coup, j'ai aussi des notions de Grec. Après, mon père a voulu rejoindre mon oncle qui habitait à Marseille alors on est reparti. En ce moment, c'est compliqué au Kurdistan, mais la guerre du Golfe est terminée depuis quelques années... On pourrait y retourner, depuis l'année derrière, c'est fini la guerre civile... Mais je crois que mon père veut rester ici, il aime beaucoup la France et puis son travail de livreur lui fait gagner un peu pour ensuite en envoyer à ma grand-mère qui est toute seule à Erbil... Du coup, je pense qu'on va rester là.
— Ah... D'accord. Et c'est où Erbil ?
— C'est la capitale du Kurdistan et la province est autonome par rapport à l'Irak.
— Tu aimerais y retourner ? demanda de but en blanc Aurélien
— Oui. J'aime bien ici aussi, mais j'aimerais bien revoir ma grand-mère ; elle me manque...
— Je comprends... C'est là, avait fait Aurélien en désignant le bâtiment faisant office de bibliothèque du doigt.
Les deux adolescents étaient entrés dans l'édifice et ils avaient salué la bibliothécaire, avec ses lunettes rondes, sa tignasse rousse et ses longues boucles d'oreilles qui touchaient presque ses épaules. Une table au milieu des livres jeunesse était libre, et Aurélien prit l'initiative de s'installer et proposa à la Kurde de faire de même. Ichrak ne se fit pas prier pour s'asseoir et sortir quelques affaires.
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Et ils danseront dans les ténèbres
Ficção GeralAurélien a quatorze ans, quelques réflexes de grand et une bande de potes soudée avec qui il passe ses journées dans le parc de son quartier marseillais. Quatre gamins qui regardent le foot avec admiration en jonglant entre les cours, les amis et la...