Chapitre 7

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Odette et Aurélien étaient restés toute la journée dans le parc national des Cévennes. Ils avaient crapahuté dans les hauteurs, mais la grand-mère avait vite été fatiguée, elle n'était plus toute jeune. Aurélien, lui, avait continué à gambader promettant à Odette de ne pas fuguer une nouvelle fois à Valence, ou qui sait, plus loin encore. La vieille dame avait décidé d'attendre son petit-fils aventurier dans la bibliothèque municipale de Saint-Jean du Gard où elle avait trouvé un livre récent conseillé par une chroniqueuse littéraire de France Culture. Elle s'était installée sur une banquette confortable dans les tons bleus et avait récupéré ses lunettes logées dans son sac à main pour décortiquer les signes de l'alphabet latin.

Une bibliothécaire à la crinière de lionne blonde passait de temps en temps nerveusement devant elle, se demandant ce que cette dame était bien venue trafiquer dans sa bibliothèque. Cela faisait deux heures qu'elle était installée sur la banquette et Carole était un peu saoulée. Enfin, elle était vite saoulée la Carole. Dès qu'il y avait un truc qui la titillait un peu, elle se mettait dans tous ses états. La jeune femme avait continué de ranger les piles de bouquins qui étaient arrivés le matin même, tout en surveillant d'un regard peu gratifiant la visiteuse. Carole était cette jeune femme de trente ans aux cheveux blonds bouclés qui avait trouvé ce job de bibliothécaire qui ne l'enjaillait pas particulièrement mais lui permettait de vivre. Et puis Cyril avait été insupportable avec ses blagues salaces. Il s'avérait qu'elle était infertile et que lui s'en fichait royalement. La jeune femme avait pris un coup et décidé de le quitter. Elle voulait revenir à Carpentras, là où vivait autrefois ses parents. Mais Carole savait bien que c'était impossible, alors elle se remettait à ranger les piles de livres.

Odette était passionnée par son bouquin. Tellement passionnée qu'elle n'aurait même pas remarqué si son petit-fils n'était pas arrivé peu avant dix-sept heures, respectant à la lettre les consignes de sa grand-mère.

Aurélien ne voulait pas rentrer à Marseille. Il n'avait pas envie de s'expliquer à ses parents et il avait peur que sa folie excentrique fasse fuir ses trois amis qui n'avaient pas dû comprendre pourquoi il était perdu. Quoique. Peut-être qu'ils n'avaient pas remarqué son départ ? Peut-être qu'ils ne s'en étaient pas rendu compte, après tout, ils ne se voyaient jamais le dimanche. Si c'était le cas Aurélien ne voulait pas qu'ils le sachent. Pour la première fois, il voulait leur cacher quelque chose. En même temps, sa virée n'était pas très glorieuse.

Le compteur de la voiture avalait les kilomètres, addicte aux chiffres qui s'enfilaient.

L'agglomération grandissant petit à petit et c'était comme si le garçon était secoué de spasmes, de haut-le-cœur à la vue de la cité et des immenses tours des quartiers nord qui lui faisait face. Odette magnait d'une main de fer le volant de sa voiture, dans la circulation peu fluide du dimanche soir où les véhicules étaient chargés de familles partis en week-end et revenant à contrecœur dans la grande ville. Le lundi, il y avait l'école pour les plus jeunes, et le travail reprenait, pour ceux qui en avaient un. Le quartier de la Belle de Mai demeurait là, devant ses yeux. L'ancienne manufacture, la friche, était bien là, droite, se tenant fièrement debout, reconvertie en un lieu social et culturel. L'appartement était à deux rues et Odette avait trouvé facilement une place presque en face de son immeuble et Aurélien était sorti, cachant son mal-être de revenir chez lui. Il ne voulait pas que sa grand-mère lui pose des questions. Alors il faisait mine de bien aller.

— Merci pour cette journée, Mamie.

— C'est normal. Tu t'es bien amusé ?

— Ouais. Et toi, tu t'es pas trop ennuyée à la bibliothèque ?

— Ce que tu peux être de mauvaise foie ! La lecture, c'est important !

— Je sais. Mais ça m'intéresse pas trop.

Et ils danseront dans les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant