Chapitre 3

10 3 0
                                    

Comme à leur habitude, les quatre amis s'étaient retrouvés dans leur parc, à leur repère. Le vendredi avait sonné, le week-end avec. La bande pourrait se revoir le lendemain après-midi, mais en attendant, ils profitaient de leur début de soirée ensemble. Aurélien s'était décidé à parler à Ichrak quand tout les autres seraient repartis chez eux. Elle aussi, squattait les bancs de leur parc préféré. Tout le monde semblait trouver agréable ce square de quartier qui ne présentait pourtant aucune caractéristique extraordinaire. C'était pour ça qu'ils y avaient élu domicile, en même temps. Pour la proximité et le peu de personnes qui venaient.

Le jeune blond s'était décidé à jouer pleinement avec ses amis, sans planer comme le jour précédent. Il avait gagné le match onze à sept pour lui et Zacaria, et était satisfait de ce score. Ichrak était toujours dans la partie jeux pour enfants de l'espace vert, et Aurélien jetait de temps à autre des coups d'œil furtif pour s'assurer qu'elle ne bougeait pas. Naturellement, comme tous les jours, ils se quittèrent, et Aurélien annonça qu'il avait envie de se promener encore un peu. Cela intrigua un peu Clément, qui se demandait pourquoi son meilleur ami avait soudainement envie d'une balade dans le parc. Le brun aux lunettes haussa les épaules, et rebroussa le chemin.

Les choses sérieuses commençaient pour Aurélien. Il pouvait enfin parler à Ichrak, seul, sans les commentaires et les gentilles moqueries de ses copains. Il prit son courage à deux mains, et se dirigea le plus calmement vers la brune, qui balançait toujours ce même gosse aux bouclettes à ressors.

— Euh... Salut, avait engagé Aurélien

— Oh ! Bonjour !

Ichrak avait parlé en arrêtant de balancer son frère, qui grognait. La jeune fille préférait observer les traits d'Aurélien. Son visage d'Européen type, ses yeux sépia, ses lèvres rosies et sa peau légèrement bronzée par le soleil marseillais. Le garçon avait les cheveux blonds, comme son père, autrefois. Ils n'étaient jamais peignés, et sa mère le grondait car il ne prenait pas soin de sa tignasse. La jeune adolescente était étonnée qu'on lui adresse la parole. En dehors de sa famille et de ses professeurs, on ne lui parlait jamais. Elle n'avait pas d'amis, parlait avec un accent en cherchant parfois ses mots. Mais elle s'était bien habituée. Quatre ans après son arrivée en France, elle s'était occidentalisée.

— Ça va ? avait demandé Aurélien désireux de faire la conversation.

Il avait cette impression de se retrouver sur MSN, mais dans la vraie vie. S'il lui demandait « tu fais quoi ? » ç'aurait été bizarre. Il voyait bien qu'elle était en train de balancer son frère. Ce sont les subtilités du virtuel et du réel, et une conversation réelle ne pouvait égaler un écran pixélisé.

— Oui. C'est rare qu'on vienne me parler, ria nerveusement la jeune fille.

— C'est dommage... Et hum... T'aime bien la France ?

— Bien sûr ! C'est toujours mieux qu'en Irak chez les kurdes...

— Tu es bien irakienne, c'est ça ?

— Mouais, fit Ichrak, peu convaincue. Je suis surtout kurde. C'est une zone entre la Syrie, l'Iran l'Irak et la Turquie. Ils veulent être indépendants.

Aurélien n'était pas très calé en géopolitique et en politique tout court. Il n'avait pas entendu parler de la guerre du Golfe, ni de ce qu'il se passait dans le monde. Il écoutait bien de temps autre le journal télévisé sur la deux, mais seulement quand son père ne voulait pas changer de chaîne. Le garçon n'était pas intéressé par la politique, et pour son âge, on ne pouvait le blâmer.

— C'est ton petit frère ? avait demandé Aurélien pour changer de sujet.

— Ouais. J'ai un petit frère et un grand frère.

Et ils danseront dans les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant