Ça sentait les vacances chez les Fournier. Le mois de la coupe du monde était passé, l'euphorie était montée, Aurélien avait regardé quelques matchs, parce que Zizou jouait, par ce que l'ambiance y était, parce que Clément défendait la France tout seul face à Dino, et qu'Aurélien s'en foutait. Il préférait jouer que de regarder le sport. Ichrak, elle, semblait ne pas plus s'intéresser à ce sport mit à l'honneur, mais l'ambiance dans laquelle était la ville lui faisait un bien fou, elle aimait voir de la bonne humeur autour d'elle, les cris de joie des supporters à chaque fois que l'équipe de France remportait une étape. Et même si l'Irak ne jouait pas, elle était heureuse pour ce pays qui l'avait accueilli.
Les valises prêtes pour les vacances étaient entassées dans l'entrée, l'heure du départ avait été fixée à quatorze heures. Ils avaient mangé les restes du frigo que Catherine avait ensuite débranché. Là, ils étaient censés partir dans une heure et Auré s'était mis en quête de trouver Clément et Ichrak. Dino passait la journée aux calanques avec sa famille à ce qu'il avait compris.
Aurélien rentrait rarement chez Clément. Il ne voyait pas trop ce qu'il pouvait faire chez lui. Pas de Play, pas d'ordi, rien qui nécessite une attention particulière. Il ne voulait pas emmerder ses parents et son frère en ramenant ses potes, et ils faisaient de même. D'une manière générale, ils allaient rarement les uns chez les autres.
— Purée, je me rends pas compte que tu vas louper la demie de Marseille, dans ton bled... Je suis sûr que y'aura pas d'ambiance. Ici, si on gagne, c'est carrément plus fun. On sera en finale, mon gars ! cria Clément.
— Ouais, mais t'inquiètes pas que mon père, il va vouloir voir ça.
— Je sais pas si on affrontera l'Allemagne ou la Croatie, mais je te jure que ce sera mémorable ! Alors regarde.
— Oui. T'as rien d'autre à me dire ? Je veux dire, quelque chose qui ne concerne pas la coupe du monde.
— T'es chiant, parfois, Auré. Je vois pas pourquoi ça te plaît pas. C'est plutôt cool, pourtant. Tout le monde roule dans la même équipe depuis que l'Italie a été éliminée. Et pareil pour le Maroc, la Tunisie, le Nigeria et le Cameroun, les gens qui ont leur origine là-bas ont ralliés la France, et je trouve ça grave cool. On vit un moment génial, je sais pas si tu te rends compte.
— Si tu veux, fit Aurélien, exaspéré. C'est juste que regarder des gens derrière le ballon à la télé ça m'intéresse pas. Je préfère que ce soit moi derrière le ballon.
— A la limite, le fait que tu t'en fiches du sport je peux comprendre. Mais regarde l'ambiance autour de toi ! Les sourires des gens, les klaxons des voitures... C'est l'été, et le trophée, on est à ça de l'avoir, fit Clément en réduisant l'espace entre son pouce et son index.
— Bof. Je suis pas convaincu. Les gens se réunissent grâce au foot, mais derrière, ils ne sont pas plus heureux, c'est juste une parenthèse dans leur vie. Tout le monde se rassemble derrière mais c'est faux, on fait juste comme tout le monde. Parce qu'exceptionnellement, tout le monde est porté par ces événements.
Aurélien avait compris le système de cette compétition sportive, donner du divertissement aux prolétaires pour qu'ils oublient leurs malheurs, leurs vacances qu'ils passeront chez eux sans partir et la dureté du boulot. Le foot, ça rassemblait, c'était bien. Mais Auré le savait bien : il n'y avait rien en commun entre un patron et un ouvrier. Ce pseudo-rassemblement autour du sport n'était qu'un instrument médiatique pour rendre les gens heureux. L'ambiance y était, surtout à Marseille. Mais cette atmosphère autour de ce sport, ces vies rythmées par les matchs, les affluents de touristes au Vélodrome... Auré n'en pouvait plus. Et il comptait bien sur ces vacances chez ses grands-parents pour se reposer au calme.
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Et ils danseront dans les ténèbres
Ficción GeneralAurélien a quatorze ans, quelques réflexes de grand et une bande de potes soudée avec qui il passe ses journées dans le parc de son quartier marseillais. Quatre gamins qui regardent le foot avec admiration en jonglant entre les cours, les amis et la...