Chapitre 52 : Immergé

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-Shuu-

Le jour suivant nous sommes repartis en direction de la frontière, dans moins de six heures nous seront dans les terres de Bremécia, il nous faudra encore deux jours voire plus afin d'atteindre la capitale, l'étape la plus délicate du voyage.

Le prochain point de repos ne sera pas dans une auberge cette fois, mais près d'un lac dans une plaine, à découvert. Autant dire qu'on ne pourra pas se cacher, il ne vaut mieux pas qu'on nous attaque, ce serait embêtant, de plus nous seront sur les terres de la tribu Trixi, une très vieille tribu. Il ne faudra s'attirer leur foudre si nous voulons rester. Quoi qu'il en soit il reste encore pas mal de temps avant d'atteindre cet autre point de repos, ça me laisse le temps de dormir un peu...

Réveilles-toi Shuu...

J'ouvre les yeux au son de la voix qui résonne en moi, la lumière éclatante du jour m'accueille, il me faudra plusieurs secondes afin de parvenir à m'adapter à la lumière du jour. L'herbe sec sous mes bras me pique et m'incite à me lever de ma léthargie, je ne suis plus dans le fiacre :

« Tu es enfin réveillée ? »

Mon regard se porte en direction de la provenance de la voix, un homme se tient devant moi, de dos et regarde le paysage devant lui, je constate rapidement que nous sommes aux abords d'une falaise. Je me lève tout en observant les environs, nous sommes à la lisière d'une forêt, foret que je connais que trop bien, celle d'Ora. Nous sommes à Oronde. L'homme qui se tient devant moi décide de se tourner dans ma direction en voyant que je ne lui apporte aucune réponse, c'est lui... Cet homme grand, aux cheveux blonds et aux yeux gris est mon père, tel que je l'ai connue il y a maintenant dix-sept ans, lui qui avait disparu brutalement laissant sa femme et sa fille seules.

Il me sourit et s'adresse de nouveau à moi.

« Nous devrions rentrer, c'est bientôt l'heure de manger. »

Il a raison, le soleil est presque à son zénith, maman va s'inquiéter si nous ne rentrons pas au village. J'acquiesce d'un mouvement de tête et le suis sans hésiter. Nous parcourons ainsi la forêt, les oiseaux chantent, la vie dans la forêt s'active ardument.

Ce n'est pas réel

C'est vrai, père n'est plus, mais je peux tout de même en profiter, ce n'est qu'un simple rêve après tout. Je continue de le suivre sans me soucier de cette voix qui résonne en moi, depuis quand j'entends des voix moi... Il nous faudra une bonne dizaine de minutes avant d'atteindre le village, je n'avais pas cessé de regarder le paysage qui s'offrait à moi et me rappelait tant de souvenir, parfois agréable, parfois sombre, cette forêt était en quelque sorte mon jardin secret, je m'y réfugiais lorsque les séances d'entrainement à l'académie des mages étaient trop sévères et pour cause, a cause de mon statut je recevais un entrainement beaucoup plus strict, sévère. Ces entraînements passaient au-dessus des cours théoriques.

« Cesse de rêvasser ma fille, mange. »

La voix de mère me fait sursauter, nous sommes à table, père retient un rire pendant que je baisse les yeux sur mon assiette : un ragoût de porc accompagné de riz.

« Eh bien, tu as la tête ailleurs ces jours-ci, finit par dire mon père en s'adressant à moi.

- Désolée, finis-je par répondre. »

Une fois le repas terminé, la pièce se déforme sous mes yeux et la luminosité qui jusqu'à présent était bien présente, disparu sans crier gare. Je me trouve transporter dans un autre souvenir : celui de mon retour de l'entrainement, un an plus tard, j'avais douze ans à ce moment. Je suis dehors et il fait sombre, sans le vouloir je marche jusqu'à la maison, lorsque je l'atteins, la porte est grande ouverte, ce n'est pas normal. La porte n'est jamais grande ouverte et surtout ce souvenir ne correspond pas au vrai, malgré moi je me vois obligée de rentrer à l'intérieur, il fait plus sombre qu'à l'extérieur, pour cause, il n'y a aucune lumière d'allumer. La maison semble vide de toute présence mise à part la mienne.

Tournes-toi...

Cette voix me fait de nouveau sursauter et sous ses « ordres » je me retourne pour constater que la porte s'est fermée sans raison apparente. Il n'y a personne alors pourquoi... Ma réflexion est vite arrêtée je reçois un coup à l'arrière du crâne, une douleur lancinante s'installe dans ma tête et ma vue se trouble, j'en perds même le sens de l'équilibre et tombe à genoux au sol. Ce n'est qu'un rêve et pourtant j'ai mal... L'espace autour de moi se déforme de nouveau et je me retrouve cette fois dans une pièce sombre, à genoux, les mains attachées au dos.

Une étrange scène se produit devant moi, je reconnais le dos de mon père, il est face à ce qui semble être les membres du clan, je ne parviens pas à distinguer leurs traits, leurs silhouettes sont trop sombres. J'entends père élever la voix, il ne semble pas content mais difficile à dire, je ne parviens pas à distinguer ses traits mais ce que je finis par entendre me le confirme.

« Vous ne pouvez pas lui faire ça ! »

J'essaye de me lever pour le rejoindre mais je n'y parviens pas, une force extérieure me maintiens à genoux. Je sens mon ventre me brûler, la brûlure s'intensifie jusqu'à mon abdomen et poursuit sa route dans mon dos me coupant la respiration quelques instants. C'est le sceau et celui-ci ne semble pas vouloir me laisser me lever.

Impuissante j'observe mon père se faire tabasser par le membre du clan, j'essaye de hurler pour tenter de les arrêter mais mon cri s'étouffe dans ma gorge. Un à un ils sortent des épées et un à un dans un acte de pure barbarie ils plantent leurs épées dans le corps de père, il hurle de douleur et tente tout de même de se défendre avec ses poings mais sans succès. Ses mouvements sont lents, trop lents, jamais il ne se ferait avoir comme ça en temps normal, il semble observer quelqu'un, comme hypnotisé. Ensuite plus rien, tout est noir, père et le reste du clan a disparu.

Réveilles-toi Enfant du givre

Éblouis par une lumière artificielle blanche, j'ouvre péniblement les yeux et découvre un plafond blanc, je tourne la tête pour observer des murs quant à eux blancs. Où suis-je ? J'essaye de me lever mais je constate que mes poignets sont attachés aux barreaux du lit.

« Je vois que tu es enfin réveillé Enfant du givre. »

Mon regard se porte sur la direction de provenance de la voix masculine, il porte une blouse blanche, le reflet de ses lunettes carrées cache ses yeux mais je sais très bien qui c'est avec ses yeux cheveux poivre et sel et le visage carré : le médecin du clan. Celui qui a mené toutes ces expériences sur moi, celui qui a posé ce sceau sur mon ventre. D'un mouvement du poignet je tente de geler les barreaux mais succès, ma magie est bloquée ici.

« Ne perds pas ton temps à essayer d'utiliser ta magie ici, elle est bloquée par des runes, prends ton mal en patience, ce sera bientôt fini...

- Bientôt ?

- Oui, nous sommes à la seconde étape du processus, nous allons enfin l'activer et nous aurons enfin ce que nous souhaitons tous.

- Je ne pense pas que ce que vous souhaitez soit ce que je souhaite.

- Voyons... Enfant du givre, tu sais très bien que nous avons besoin de ce pouvoir...

- Non ! Je vous l'interdis !

- Il suffit enfant ! »

Sans d'autres mots, il prend une seringue au contenu inconnu et l'injecte dans mon poignet. Ma vision se trouble et mes paupières deviennent lourdes, malgré moi je sombre dans un nouveau sommeil...

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Ah bah voilà un autre chapitre dis-donc ! ça commence à faire trop là, ce n'est pas bien moi je dis !

Un Amour Glacé [Tome 1 Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant