Chapitre 2 : Pattenrond et Nox

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- Allez les garçons on se réveille !

Harry répondit par un grognement. Un poids lui tomba au milieu de torse, le forçant à ouvrir ses yeux. Il vit une boule rousse approcher dangereusement de son visage et tenta de la chasser, mais sans succès. La piqûre d'une griffe sur son torse alors que le chat se lovait sur lui en ronronnant eut le mérite de finir de le réveiller. Il attrapa ses lunettes en râlant doucement et reconnût immédiatement Pattenrond. Il se tourna vers la porte brusquement, faisant fuir le chat.

- Hermione ! S'exclama-t-il en se levant

Il alla prendre dans ses bras sa meilleure amie, profitant de pouvoir enfin la revoir. Il n'avait pas réalisé à quel point il avait besoin d'elle, à quel point ils comptaient sur elle dans toutes les situations. Elle était leur roc, un pilier sans lequel ils ne pouvaient pas tenir en équilibre. Ron, qui s'était levé à contre-cœur, ne dit rien quant à la présence de la jeune femme.

Ils s'étaient séparés, quelques jours après la bataille de Poudlard. Hermione était partie retrouver ses parents et leur rendre leur mémoire, elle avait ressenti le besoin d'être seule, de se reconstruire d'elle-même. C'était comme ça qu'elle avait fini par couper tous les ponts avec Ron et Harry, et même tout le reste du monde des sorciers.

Harry, lui, était retourné voir les Dursley, il sentait qu'ils méritaient une explication claire et précise sur ce qu'il s'était passé, n'omettant aucun détail. Ron avait bien plus mal vécu cette séparation que ses deux amis, il ne voulait pas se retrouver seul avec sa famille. Au Terrier, il était impossible d'oublier ne serait-ce qu'un instant l'absence de Fred, on le sentait dans l'air, dans les couleurs, sur les visages et on l'entendait dans les voix tremblantes et affaiblies de la famille Weasley.

Malgré cette séparation, il y avait cet accord tacite de se retrouver dès le lendemain ou dix ans plus tard, le temps qu'il fallait à chacun pour se relever doucement. Harry avait imaginé cette solitude comme un remède miracle, mais il s'était passé exactement l'inverse. Alors que ses longues heures à regarder le vide avec attention lui donnaient l'impression de creuser un fossé immense dans lequel plonger les yeux fermés, les derniers jours passés avec Ron avaient vu son moral remonter en flèche.

- Joyeux anniversaire Harry ! S'exclama Hermione, le tirant de ses pensées. J'ai préféré te l'apporter en mains propres, je me suis dit que c'était mieux qu'un colis arrivant par hibou...

Harry prit dans ses mains le joli paquet qu'Hermione lui tendait. C'était très lourd et Hermione lui tendit très précautionneusement, sans retourner le paquet. Il sentit aussitôt des barreaux d'une cage et un petit animal gigoter à l'intérieur et il sourit automatiquement. En déballant le paquet il découvrit une petite chouette entièrement noire, aux yeux rouge rubis. Il prit la petite créature au creux de sa main et fut étonné de sa douceur.

- Elle est encore très jeune, et je pense qu'il faudra attendre un peu avant qu'elle ne puisse envoyer des lettres mais ... J'ai pensé qu'une autre chouette que ... pourrait t'être utile.

Harry la remercia et posa son regard à nouveau sur le petit oiseau. Ses yeux rouges plantés sur lui, elle avait un air de supériorité et de condescendance qui le fit sourire.

- Nox. Murmura-t-il.

- Qu'est-ce que tu as dit Harry ?

- Nox, c'est son prénom.

Le jour et la nuit, pensa-t-il. Mais est-ce que la nuit pouvait continuer d'exister alors que le jour n'était plus ? Même s'il avait senti son cœur gonfler à la vue de cette petite boule de plume, elle lui rappelait douloureusement Hedwige et il n'était pas certain de réussir un jour à regarder Nox sans penser à sa jolie chouette blanche. Il voyait en boucle l'éclair vert la frapper de plein fouet alors que le chaos grandissait autour d'Hagrid et lui, il sentait toujours la même douleur lancinante dans sa poitrine. Hermione remarqua les larmes qui coulaient, silencieuses et glacées, sur les joues de son ami.

- Harry, ça va ? La chouette, c'était ... peut-être trop tôt encore ? C'est que je m'étais dit ...

- Ca va Hermione, ne t'inquiète pas ... C'était juste l'émotion mais ... ça me fait vraiment très plaisir. Merci. Et aussi ... Merci à vous deux d'être là.

C'était la première fois depuis le réveil qu'il était inclus dans la conversation et cela sembla achever de le réveiller. Il regarda tour à tour Harry, qui ne retenait pas ses larmes, et Hermione, qui n'osait pas regarder son ex petit-ami dans les yeux, toute recroquevillée sur elle-même.

- On retourne à Poudlard le 1er septembre.

- Mais Ron, pourquoi ? Que ...?

- Je suis d'accord avec toi.

Harry comprenait son meilleur ami. Il ne voyait simplement pas d'autre moyen, maintenant qu'il avait compris qu'il ne pouvait pas rester seul et que Poudlard leur permettrait de surmonter tout ça, ensemble. Ils pourraient passer leurs ASPICs, se donner une chance de poursuivre avec la carrière qu'ils avaient pu imaginer avant la guerre. Dans un mois ils seraient à bord des wagons rouges pétard en direction du vieux château. Et tout irait mieux. Rien que d'y penser, une vague de chaleur traversa sa poitrine.

- Dites ... Vous pensez qu'on sera les seuls à revenir ?

- Je ne sais pas Harry. On pourrait peut-être envoyer un hibou aux autres pour leur demander ? Je ne sais même pas si les professeurs nous accepteront ...

Ron approuva et les trois amis descendirent petit-déjeuner. Il y avait encore les restes du gâteau à la citrouille de la veille qui ne tinrent pas bien longtemps. Harry savait maintenant ce qu'il faisait à la rentrée et surtout, il savait qu'il ne serait pas seul. Avoir une perspective d'avenir, si petite soit-elle, lui donnait presque l'impression de revenir à une vie normale.

Ginny pénétra dans la cuisine alors qu'ils remontaient tous les trois, mais Harry resta en retrait. Il voulait discuter sérieusement avec elle, d'eux, de ce qu'ils allaient devenir. Depuis son arrivée au Terrier, la présence de la sorcière avait été un rayon de soleil à travers les nuages, chaleureux et réconfortant. Il voulait que ça dure, il voulait retourner à Poudlard avec elle, puiser dans sa force pour affronter tout ça.

- Ginny ? J'aimerais qu'on ... qu'on discute, tous les deux.

Elle hocha la tête sans un mot et repartit en direction de l'escalier. Harry la suivit jusqu'à arriver dans la chambre de Bill, qui était maintenant avec sa femme dans leur petit cottage au bord de la mer. C'était la première fois qu'Harry entrait dans cette pièce, et il fut étonné par l'austérité de celle-ci. Habitué aux couleurs vives des posters de Quidditch de son meilleur ami ou des farces et attrapes en tous genres des jumeaux il mit un certain temps à visualiser cette chambre dans la même maison que les autres. La chambre n'avait qu'une petite fenêtre devant laquelle pendaient misérablement des rideaux marrons, un lit était collé au mur et un bureau occupait le mur opposé. Sur une petite étagère se tenaient quelques souvenirs de Poudlard, seuls témoins de l'occupation de la pièce. Il y avait son badge de préfet et de préfet en chef, des cartes de ses amis et une photo avec, comme le supposait Harry, l'équipe de Gryffondor tenant la coupe de Quidditch, parmi laquelle il reconnaissait également le dernier frère Weasley, Charlie.

Ginny avait l'air d'être habituée à venir dans la pièce et ne jeta même pas un regard à ce qui l'entourait. Elle ferma la porte doucement et se retourna vers Harry, qui prit le temps de l'observer pour la première fois depuis leur rupture. Ses cheveux flamboyants étaient plus courts qu'avant, ce qui lui donnait un air plus mature. Ses grands yeux verts, autrefois rieurs, étaient rougis par les larmes qu'elle tentait de retenir et ses lèvres qui formaient autrefois le plus beau des sourires étaient souvent crispées et l'on n'y reconnaissait plus que l'ombre d'un sourire. Malgré ça, elle gardait la tête haute et ne se laissait pas écraser par le chagrin, puisant dans son immense force de vivre.

Harry s'avança vers elle et lui prit doucement les mains. Ce contact avec ces doigts fins et pâles lui rappelaient tant de souvenirs qu'il essayait pourtant de refouler depuis des mois... Malgré sa gorge qui se serrait il ne lâcha pas Ginny et la prit dans ses bras. Elle se laissa aller sur son épaule en mettant ses bras autour de sa taille. Quand il s'écarta à nouveau d'elle, il lui prit délicatement le menton et vint poser ses lèvres sur les siennes. Il avait le goût d'une époque révolue, le goût du souvenir, le goût des larmes. Chacun s'y accrochait pour y puiser de la force et du réconfort, chacun s'appuyait sur l'autre pour tenir. Ils avaient besoin de l'autre pour avancer et, une chose était sûre, ils ne se quitteraient pas de sitôt.

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