Haïr pour mieux aimer

Chapitre 30 : Non, rien de rien

Si le sommeil était aussi agréable qu'une promenade en barque, la voix stridente d'Hermione poussée au maximum de ses décibels faisait l'effet d'une douche froide. Harry se réveilla difficilement, les muscles du cou endoloris et surtout les idées complètement brouillées. Il lui fallut un temps avant de réaliser que non, il n'était pas dans son lit, et que oui, il était totalement affalé sur Drago, qui d'ailleurs avait toujours ses bras sur le torse du brun. Et le tout, sur le canapé a milieu de la salle commune. Devant tout le monde. En retard en plus pour être sûr que tout le monde soit bien réveillé. Drago grogna quelques mots avant de se rendormir, et Harry avait une irrésistible envie de faire de même, mais se ravisa en voyant le regard complètement choqué d'Hermione. Sans parler du dégoût qu'il lisait dans les yeux de Ron. Il aurait préféré ne pas remettre ses lunettes tiens, au moins il n'aurait pas eu des envies de meurtre dès le réveil. Il était d'une humeur massacrante, et Pansy l'apprit à ses dépens quand elle dit pour rigoler :

- Vous savez qu'il y a des hôtels pour ça !

La réponse d'Harry était au tac au tac, et surtout sans retenue. Il avait dormi comme un bébé, mais ce réveil avait tout gâché, et tout ce qu'il voulait faire, c'était retourner dormir. Pourtant il fallait bien aller en cours, d'autant plus que c'était lui qui commençait avec un cours de défense contre les forces du mal. Et il avait prévu une heure complète de pratique des Patronus, tout le monde y arrivait pas encore.

Sous les yeux totalement ébahis des 8es années le Gryffondor se leva et passa sa main dans ses cheveux plus pour se donner une contenance que pour leur donner de l'ordre, et il menaça les autres du regard.

- Y en a qui a une remarque à faire peut-être ?

Lentement mais sûrement, ils descendirent au petit déjeuner, laissant les deux garçons tous seuls. Harry prit le coussin qui était tombé par terre pendant la nuit et le balança sans ménagement sur le blond.

- Allez la marmotte on se réveille ! Je te préviens je vais pas t'attendre, Malefoy.

Et, fidèle à ses paroles, il partit se doucher rapidement sans attendre le Serpentard. Pourquoi s'était-il endormi avec lui la veille ? Ils avaient déjà fait ça, mais pas au milieu de la salle commune, devant tout le monde ... Il n'osait même pas imaginer ce que les autres pouvaient penser, et il laissa échapper un ricanement. Comment pouvaient-ils imaginer quoi que ce soit entre lui et Malefoy ? Les deux plus gros contraires, les deux ennemis jurés ... Certes, ils avaient appris à s'accepter. Certes, Harry commençait à apprécier la présence calme du blond. Mais ça s'arrêtait là. Et ça en resterait là, toujours, donc il ne fallait pas aller imaginer des choses. En arrivant dans la grande salle quelques minutes plus tard, tous les regards convergèrent vers lui en même temps que le silence tomba sur la table. Harry souffla mais ne dit rien et commença à se servir de pain et d'une saucisse, et les conversations autour de lui reprirent timidement. Drago n'arriva qu'à la toute fin et eut juste le temps d'emporter une tartine avant d'aller en cours, et lui et Harry s'évitèrent soigneusement, comme d'un accord tacite.

Que pouvait faire disparaître la honte ? Cette honte qui écrasait Harry, qui avait commencé avec sa fierté, avec son coeur, et plus le temps passait et plus il se sentait se tasser sur lui même, comme si la honte avait commencé à le compresser tout entier. Pourquoi il avait honte ? Il ne savait même pas vraiment. Il ne s'était rien passé, lui le savait, et tant pis ce que les autres pensaient de lui, non ? Mais il n'y arrivait pas, il sentait le regard accusateur d'Hermione sur sa nuque et n'osait pas l'affronter, il voulait qu'elle le croie, mais qui le croirait, sinon Drago lui-même ? Et qui croirait Drago aussi ? Personne, donc Harry était condamné à subir, et en silence. En arrivant devant la salle de défense contre le forces du mal, personne n'avait encore parlé à Harry. Et quand il expliqua ce qu'ils allaient faire pendant l'heure, il n'y eut aucune réaction. Tout le monde le fixait, cherchant des indices dans ses yeux, sur son visage, dans ses mots, dans ses gestes ... Tout était bon à prendre pour prouver ça, et ils étaient tels des rapaces prêts à plonger à la moindre faiblesse. Et Harry n'allait pas leur laisser ce plaisir. Ils se mirent en place et commencèrent à lancer leurs patronus, mais aucun ne sortait. Hermione n'avait même pas levé sa baguette, et elle fixait Harry, attendant une réponse de sa part. Ses yeux demandaient à savoir ce qu'il s'était passé, et Harry voyait bien qu'elle était blessée, vexée d'avoir été mise à part encore une fois, de ne pas savoir quelque chose. Pourtant il n'y avait rien, c'est ce que se répétait Harry en boucle, mais ça n'avait aucun effet. Après quelques minutes, plus personne ne tentait de lancer un seul sort. Drago était dans un coin de la salle à regarder par la fenêtre. Les autres faisaient la navette entre le Serpentard et le Gryffondor. Et ce dernier explosa, laissant sortir la rage qu'il accumulait depuis hier, l'utilisant comme tremplin pour échapper à la honte. Car oui la honte était toujours là, prédatrice et dangereuse, mais n'était pas de taille face à la rage bouillonnante.