Chapitre 14 : Rancune et Préjugés

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Hermione passait ses journées à discuter avec Ernie MacMillan, et Ron passait son temps avec Dean et Seamus. Bien qu'Harry et Hermione n'étaient pas fâchés, ils ne restaient que très peu de temps ensemble. Ron était en froid avec Harry et Hermione refusait de lui parler, si bien que du trio d'or il ne restait plus qu'un vague souvenir.

Cela faisait plusieurs semaines qu'Harry fuyait les autres de son année en dehors des cours, et il passait la majeure partie de son temps à la volière, où il s'occupait de sa petite chouette aux yeux rouge sang. En cours il s'asseyait devant avec Drago, tous les deux silencieux du début à la fin et concentrés uniquement sur le cours. Harry entendait pourtant régulièrement Ron faire des remarques à Dean et Seamus sur Ernie et Hermione, et n'avait aucun remord à afficher sa jalousie, même s'il ne l'admettrait jamais devant elle. L'ambiance entre les 8es années était morte, il n'y avait plus que quelques petits groupes d'amis n'interagissant que pour le strict minimum entre eux. Harry avait bien vu les regards désapprobateurs de Mac Gonagall ou d'Hagrid aux repas où presque personne ne se parlait, mais il ne voulait même pas faire un effort pour les autres.

Il était bien, il arrivait à rester calme et maître de ses émotions dans le silence et dans la solitude, et pour l'instant il ne voulait rien changer. Il sentait qu'il avait atteint un mode de vie équilibré où, à défaut d'être heureux, son humeur était stable et il se sentait en paix. Il se sentait lentement revivre après la tornade d'émotion, il sentait que c'était cette continuité, cette stabilité qui était pour lui un promontoire assez solide pour qu'il puisse se relever dessus. Il pleurait toujours le soir, il ne dormait toujours qu'à force d'épuisement, et il souffrait toujours de sa solitude, mais il était entré dans une routine où le travail l'occupait assez pour ne penser à rien d'autre, et où il n'avait aucune mauvaise surprise à attendre. Il travaillait quelques fois avec Hermione dans la salle commune, appréciant réellement sa compagnie, ou même parfois travaillait avec tout le monde, mais dans ces cas-là il ne parlait pas du tout. Aucun des autres 8es années n'avait fait de remarque en voyant Harry se refermer petit à petit sur lui-même, et il pensait qu'aucun d'eux ne s'en était même rendu compte.

C'est donc un samedi matin pluvieux qu'Harry, décidant de casser un peu sa routine, partit sans petit-déjeuner voir Hagrid, qu'il n'avait pas vu en dehors des cours depuis longtemps. Il arriva devant la cabane déjà trempé, et il frappa trois gros coups sur la porte en bois. Il attendit de longues minutes à prendre l'eau que le professeur vienne lui ouvrir, et il entendait Crockdur gratter la porte et essayer de renifler à travers la fente. Finalement, la porte s'ouvrit et Hagrid le fit entrer à l'intérieur sans un mot. Il était en train de soigner une portée de bébés niffleurs sur la table, en l'ayant rapprochée du fue pour qu'ils soient au chaud.

- Leur mère est morte, 'faut que je m'en occupe maintenant ...

Hagrid voulut dire ça sur le ton de la conversation, mais Harry sentit bien dans sa voix qu'il avait quelque chose à lui reprocher. Il le laissa donc prendre son temps pour parler, ce qui ne tarda pas tant que ça :

- Hermione et Ron sont venus me voir plusieurs fois ces dernières semaines, ils ont l'air pas mal occupés non ?

- Oui oui ...

Harry ne savait pas quoi répondre et préférait rester évasif, car c'est comme ça qu'il avait le plus de chances d'apprendre ce qui n'allait pas.

- Puis toi je ne t'ai pas beaucoup vu ... Beaucoup de travail ?

- Oui, plutôt.

Cette conversation ne menait nulle part, et Harry le voyait bien. Il essaya de changer de sujet mais Hagrid reprit.

- Pourquoi vous venez pas tous ensemble, d'ailleurs ?

C'était donc ça qui gênait Hagrid depuis le début. Il n'avait vu Ron et Hermione que séparément, et Harry venait pour la première fois depuis assez longtemps, seul. Il ne voulait pas montrer à son ami comment la situation était délicate et dut donc réfléchir quelques temps avant de répondre

- On ... on était souvent occupés par le travail puis ... Ron travaille avec son frère le week-end et ... cette année on évite de rester que tous les trois, on est censés être unis tous ensemble donc on passe un peu de temps avec les autres ...

- Me mens pas Harry. Je sais l'reconnaître, et j'aime pas ça. Alors dis-moi clairement, qu'est ce qu'il se passe ? Ron est venu me voir avant-hier et je ne l'ai jamais vu aussi déprimé.

- Ginny m'a largué, Ron me prend pour responsable et refuse de me parler, c'est bien simple.

Harry avait dit cette phrase sèchement, et le regretta instantanément. Cela faisait croire à Hagrid qu'il s'en fichait presque, et ce n'était clairement pas ce qu'il voulait entendre. Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit pour se rattraper, Hagrid reprit la parole, un peu énervé.

- Je sais pas ce que vous avez, mais Ron et toi avez vraiment un don pour arrêter de vous parler pour rien. Je sais que tu veux le retrouver, alors vas lui parler !

- Je ne veux pas faire cet effort pour lui. Il ne le mérite pas.

- Comment tu peux dire ça ? C'est ton meilleur ami !

- C'était. Jusqu'à ce qu'il me laisse sans problème totalement seul quand tu m'as récupéré au bord du lac.

Hagrid se tut. Il se souvenait sûrement très bien de l'état dans lequel il avait récupéré Harry et l'avait déposé sur son lit, espérant peut-être que Ron le réconforte. Mais il ne s'était passé rien de tout ça, et Ron avait laissé le Survivant encore plus mal qu'il ne l'avait trouvé, et sans aucun soutien. Harry croyait voir un combat intérieur se jouer à l'intérieur des yeux sombres d'Hagrid, qui finalement répondit dans un soupir, semblant regretter ce qu'il s'apprêtait à dire.

- Je sais que c'est dur Harry, de pardonner, mais Ron est vraiment triste, je pense qu'il faut que t'aille le voir. C'est peut-être pas très sympa de sa part de t'avoir laissé ce soir-là, mais il faut le comprendre, il était sûrement choqué par la nouvelle, et surtout inquiet pour sa sœur. Crois-moi, tu le regretteras plus tard si tu le perds comme ami, pour une simple question de fierté. Je te croyais moins rancunier, et de ce que j'ai compris Professeur Mac Gonagall aussi, alors montre-toi à la hauteur de nos attentes Harry, j'en espérais plus de toi.

Sans répondre et l'intérieur bouillonnant de rage, Harry prit sa veste et sortit, ignorant les appels d'Hagrid dans son dos. Pourquoi fallait-il que tout soit toujours de sa faute ? Il avait espéré qu'Hagrid, qui l'avait vu directement après le départ de Ginny ce soir là, comprenne dans quel état de détresse il était, et comment il était dur de pardonner à un ami de nous abandonner à ce moment-là. Il avait cru que casser sa routine dans laquelle il se sentait presque bien ne pourrait apporter que du positif, il avait espéré se sentir mieux après être allé parler à un ami, mais c'était encore pire. Alors qu'il passait devant le saule cogneur qui se secouait doucement sous la pluie, il changea brusquement de direction. Il vérifia rapidement que personne ne le regardait, puis attrapa une longue branche avec laquelle il arrêta les mouvements de l'arbre. Il se glissa rapidement dans le trou et retira la branche, pour dissuader quiconque de venir à sa suite. Il courut dans le noir du passage secret, presque inconscient de ce qu'il faisait, jusqu'à finalement arriver à la cabane hurlante. Il trébucha et tomba sur le parquet poussiéreux de la chambre où, des années plus tôt, tout avait commencé avec l'explication de Sirius et Remus. Il sentit une boule de tristesse se former dans son ventre et ne trouva ni la force, ni la volonté de se relever. Toute sa colère l'avait quitté, le laissant face à un profond abattement bien plus difficile à gérer. Il se sentait perdu, abandonné, plus seul que jamais. Son altercation avec Hagrid lui avait fait réaliser combien Ron lui manquait. Et maintenant cette absence se faisait ressentir dans son coeur comme un pieux enfoncé qu'il ne pouvait retirer.

Il resta plusieurs heures allongé sur le sol à ressasser les souvenirs, les larmes coulant sur ses joues rougies. Il n'avait rien mangé de la journée et se sentait plus faible que jamais quand, à la nuit tombée, il revint vers Poudlard, trébuchant sur chaque racine et chaque pierre. Quand il atteignit enfin les armures devant la porte, il sentait tellement vidé que ses larmes s'étaient taries. Il monta doucement les escaliers, n'entendant aucun bruit en haut, et étant sûr que tous étaient couché. Il eut pourtant la surprise de voir Drago assis face à la cheminée, une lettre entre les mains. Les deux garçons se saluèrent d'un simple signe de tête, et Harry se sentit rassuré de cette présence familière. Rien n'avait changé ici, il allait pouvoir retrouver sa petite routine comme avant, et oublier cette douleur qui semblait être infinie.

Haïr pour mieux aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant