Chapitre 45 : Le goût de vivre

5.9K 625 189
                                    


Une araignée tissait sa toile au plafond, ignorant la présence du garçon. Il pouvait entendre tout autour de lui les respirations lentes et apaisées de ses camarades, et il espérait pouvoir les rejoindre dans ce sommeil qu'il cherchait depuis des semaines. Depuis le baiser de Drago, il n'avait plus fermé l'œil de la nuit, se maudissant à chaque instant qu'il passait dans le noir de s'être attaché à ce stupide Serpentard, et encore plus de ne pas réussir à passer au-dessus. Il savait que le blond avait raison, en expliquant que c'était l'espoir qui faisait souffrir. Et il espérait toujours que ce baiser n'avait pas été seulement l'ultime provocation, mais qu'il y avait une part de vérité dans ce qu'il avait dit avant. Avait-il été aussi important pour Drago qu'il l'avait laissé entendre pendant cette année ? L'aimait-il en retour ? Même si sa raison lui disait que c'était un amour impossible, son cœur ne voulait cesser d'y croire. Alors il restait là, la nuit, à regarder au plafond, en proie à d'interminables questionnements. Et cette nuit là ne faisait pas exception, alors qu'il regardait avec une certaine pointe d'envie cette araignée qui construisait sa maison sans douter ni s'arrêter une seule fois, indifférente à ce qu'il pouvait se passer aussi bien autour d'elle qu'à l'intérieur de sa tête. Cela faisait maintenant plus de trois heures qu'il écoutait les élèves de la maison Dumbledore dormir paisiblement, et il n'y tint plus. Se levant et partant sans sa baguette, il sortit aussi doucement que possible de la salle commune et partit en direction du parc, essayant de ne pas se faire attraper hors des dortoirs après le couvre-feu. Il savait qu'il ne risquait rien, mais ne voulait quand même pas avoir à expliquez pourquoi il avait tant besoin de sortir. Dès que ses pieds nus entrèrent en contact avec l'herbe fraîche de cette fin d'hiver il s'arrêta, inspirant une grande goulée d'air glacé et humide. Il avait froid, n'ayant pris que son pyjama, mais fit abstraction et se concentra. Il rassembla sa magie au creux de son ventre et visualisa sa forme d'Animagus, et bientôt le fourmillement apparut dans tout son corps et l'impression de se rétracter complètement sur lui-même fut immédiatement suivie d'une vague de chaleur qui le parcourut des pieds à la tête, et en un rien de temps il était sur ses quatre pattes noires et puissantes. Il se mit alors à courir plus vite qu'il ne l'avait jamais fait, à se fatiguer plus qu'il ne l'avait jamais voulu, et ce n'est qu'une bonne heure après qu'il s'arrêta, haletant. Au lieu du réconfort qu'il attendait après s'être autant défoulé, c'est un grand vide qu'il ressentit, au milieu de la douleur qui comprimait son cœur. Il aurait voulu avoir le courage d'aller voir Drago, de lui dire tout, comment il l'avait fait souffrir, et surtout, d'avoir enfin une réponse. De savoir, enfin, si c'était une blague ou non. Même si la chance pour qu'il ait été, ne serait-ce qu'un infime instant, sérieux était presque nulle, c'était cette flamme qui consumait Harry depuis des semaines. Il poussa un hurlement de douleur, qui se rapprochait bien plus de celui d'un loup que du chien qu'il était, et il le trouva étrangement familier quand il l'entendit. Sirius avait déjà crié comme ça. Sirius avait déjà eu mal, et maintenant son filleul était là, à son image, à souffrir à son tour. La culpabilité se refermait sur le cœur du Gryffondor comme des milliers d'épines. Il aurait voulu rendre un meilleur hommage à ses parents. Il aurait voulu ne pas avancer dans sa vie avec l'impression d'agir dans leur dos, d'avoir essayé de les remplacer, alors qu'ils avaient été là pour lui autant qu'ils avaient pu. C'étaient eux qui l'avaient épaulé pour la bataille de Poudlard. C'étaient tout simplement eux ses parents, eux qui l'avaient protégé au prix de leur vie, et lui se tournait vers leur meilleur ami, avec cette désagréable impression de le laisser à l'abandon.

Impuissant, il se retransforma alors que les larmes coulaient sur ses joues rougies par le froid. Il n'en pouvait plus de cette vie où, alors qu'il croyait s'en être enfin relevé, quelque chose l'envoyait à terre quelques instants après. Tout avait commencé par l'arrivée d'Hagrid le jour de ses 22 ans, son espoir de partir de cette maison où il était profondément malheureux. Mais aller à Poudlard n'avait jamais été de tout repos, et chaque année apportait son lot de surprises et de malheurs, et alors qu'il pensait avoir vécu le pire avec la bataille de Poudlard, il avait l'impression de s'enfoncer de plus en plus dans un fossé chaque jour, perdant de vue le ciel. Il n'avait aucune raison de vivre, si ce n'est pour des amis qu'il craignait à tout instant de blesser. Pourtant aurait-il le courage de se donner la mort ? Il avait choisi de continuer sa bataille dans le monde des vivants il y a un peu plus d'un an, pour débarrasser le monde du Mage Noir. Mais maintenant, quel était son utilité ? D'autres étaient bien plus compétents, bien plus réfléchis, bien plus stables mentalement, et ce n'était pas son nom mondialement connu qui allait l'aider à se faire sa place. Les gens avaient tendance à ne l'accepter que pour sa renommée, mais il n'était d'aucune aide. Il ne servait à rien, et il était là à pleurer faiblement au milieu du parc de Poudlard, comme il l'avait bien trop souvent fait. Il se détestait réellement ces derniers temps. Il n'était pas le Harry qu'il avait toujours été. Il était affaibli physiquement et mentalement par toutes ces nuits sans sommeil, et c'était peut-être aussi pour ça qu'il se sentait si mal.

Haïr pour mieux aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant