La lame fendit la chair avec une facilité déconcertante. Elle en trancha la surface comme de la soie, déchira ensuite les muscles en fauchant quelques organes.
Finalement, la princesse oubliée était bien faite de chairs et de sang.
Willow porta à son ventre ses deux mains et ouvrit la bouche en une exclamation. Muette de douleur, choquée par un geste qui venait de lui rendre sa pleine conscience, elle mouilla sa geôle d'un regard égaré. Avant qu'elle ne s'effondre, un frisson la traversa.
Ce corps encombrant venait de lui rappeler son existence.
Une existence plus éphémère que l'âme, mais toute aussi douloureuse.
La princesse croisa les yeux de Priam, déjà noyés dans les larmes, puis ceux de son frère, coupables et confus. Elle comprit alors qu'elle était touchée.
Pire, qu'elle était déjà morte.
La fleur avait éclos, délicate au milieu de son ventre, si fragile...
Willow eut envie de la prendre entre ses doigts, de la protéger, de lui souffler un baiser.
Sa jolie fleur.
Ses jambes cédèrent et la rose fana entre ses mains. Elle chuta sous l'œil presque peiné, un peu pensif, d'Elénaure. La souffrance de l'enfant lui rappelait la sienne, celle qui lui avait inspiré la vengeance et qui l'avait poussée à user de sa progéniture malgré l'amour qu'elle lui portait. C'était le même égarement, la même incompréhension, la même douleur qui dévastait toute demi-mesure et qui déconstruisait chaque pensée. À l'instar de la princesse, la reine douairière avait souffert sans raison, par gratuité. Willow ne lui porta aucune haine, aucune rage, seulement une interrogation imbibée d'incompréhension.
Pourquoi ?
La fille de Soann ne trahissait aucun sentiment d'injustice. Pourtant, ce coup en pleine poitrine ne connaissait aucune logique, aucune réelle cohérence. Un trouble profond remua les entrailles d'Elénaure, de plus en plus fort à mesure que la douleur réinvestissait son corps. Celui de Willow, allongé sur les dalles, presque alanguie, semblait lui crier ce qu'elle refusait d'entendre.
Romie n'aurait jamais voulu cela. La petite fille aurait eu horreur de ce sang versé et encore plus de la cruauté présentée par sa mère.
Quelque part, elle avait le courage que Soann n'avait jamais eu. Elle venait de condamner la honte du palais, le secret étouffé de la famille royale. Le mystère qui l'entourait, l'étrangeté qui lui collait à la peau, disparaîtrait avec elle.
— Je suis désolée, lâcha la duchesse de Lanceny, du bout des lèvres.
Lyssandre hoqueta. Il pria pour que ce spectacle soit le fruit d'une imagination malsaine, celle-là même qui le forçait à assister à sa propre fin, encore et encore. Les mains de l'ancien chevalier le retenaient toujours, mais il rampa, les genoux éraflés sur les dalles fraîches. Il rampa et un sang fou battait contre ses veines et contre son cou blessé. Elénaure leva la main et Alzar desserra sa prise sur les épaules de Lyssandre.
Le roi se traîna jusqu'au corps de sa sœur sous le concert des sanglots étouffés de son cousin. D'abord incapable de la toucher, saisi par l'effroi, il finit par envelopper le corps de sa sœur dans ses bras. Sa peau était encore tiède, son souffle s'épuisait, mais elle vivait toujours. Son jeune frère tremblait tant qu'il dut s'y prendre à deux fois avant de murmurer :
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Longue vie au roi [BxB]
Fantasy« Longue vie au roi ! » Jamais Lyssandre n'oubliera ces clameurs. Le trône lui est promis à la mort de son père et ce cadeau empoisonné ne se refuse pas. Hanté par le souvenir des défunts et par la mémoire d'un frère auquel il a volé la place, Lyss...