[Et la version finale du dessin de Cassien, en espérant qu'elle corresponde à l'image que vous vous faisiez de lui (la peau est cependant un poil trop foncée)]
Lyssandre sentit l'atmosphère changer du tout au tout. Il perçut ce bouleversement avant de saisir au vol la course d'une deuxième flèche. Sur sa peau, la tension se décupla et il fut tiré violemment de sa pensée. Les clameurs cessèrent et seuls quelques échos subsistaient, lointain, vaguement menaçants.
Au cœur de la capitale de Loajess, le cortège était arrosé par une pluie de flèches.
Un court instant plus tôt, le silence s'était abattu. Le peuple d'Halev, hébété par ce qui était sur le point de se produire, s'était statufié. Il s'était tu, s'était immobilisé et avait même cessé de respirer.
Puis, seulement ensuite, il y eut les cris. Un premier, d'abord, abominable. Le cri d'un père qui venait d'apercevoir la première victime dans les rangs des soldats. Le cri d'un père qui venait de voir son fils abattu sauvagement par une flèche.
Durant ces brefs instants qui précédèrent une réaction de l'ensemble des sujets, le chevalier assembla quelques idées. Mu d'un exceptionnel sang-froid, il s'interrogea : qui pouvait être le fou qui s'invitait au milieu d'un tel rassemblement pour y abattre quelques proies dans la foule vulnérable. Le loup s'était infiltré dans la bergerie et les brebis ne tarderaient plus à céder à la panique à la vue du sang d'une des leurs. Les autres suivraient le mouvement, contaminées par la peur, et se jetteraient sur les crocs des prédateurs. Le chevalier étudia l'anatomie d'Halev, de l'Episkapal. Des assaillants s'y cachaient, mais où ? La place était vaste, vierge de bâtisses dans lesquelles un tireur pourrait se percher, et le nombre de soldats rendait toute manœuvre délicate. Pourtant, l'homme avait pris soin d'abattre un représentant de la force de Loajess, un symbole, plutôt que de prendre en joug un civil.
L'assassin agissait à dessein. Il ne s'agissait pas de l'acte d'un désespéré, mais de porter atteinte à la figure du roi.
— Longue vie au roi !
La dernière clameur.
Lyssandre eut un grand frisson.
Le chaos épousa la foule qui, réanimée, se heurtait aux soldats, aux gardes, et aux nobles qui se mêlaient volontiers à l'émeute lorsqu'il était question de sa propre survie.
Le cauchemar se reproduisait.
Lyssandre ne put être écarté. Plusieurs gardes tentèrent de l'atteindre, mais il ne s'agissait plus d'une petite centaine de villageois, mais d'un nombre dix fois supérieur à celui-ci. Un millier d'âmes régies par la peur et par une logique de survie. Un troupeau de bêtes qui piétineraient leurs semblables.
Lyssandre chercha le regard de Romie. Il chercha sa demi-sœur dans la foule, rétablit le contact une seconde seulement, s'assura qu'elle vivait toujours, et la découvrit paralysée par la terreur. Ses amis d'un jour avaient déjà déserté, bien mieux rodés qu'elle à l'exercice de la survie, et elle était seule. Seule et vulnérable. Le roi tendit une main vers elle, fut écarté par un homme solide qui le percuta de plein fouet, et la foule grignota la fillette. Ses adorables rubans, ses joues pleines, son air rieur balayé par l'effroi, sa robe que cette foule déchirerait sans pitié. Lyssandre capta une dernière fois la lueur désespérée de ses grands yeux bruns. Elle disparut dans un long cri d'enfant.
Dans l'écho interminable d'un hurlement terrible.
Lyssandre fut projeté à terre. Serait-ce son ou le vieillard déséquilibré qui le heurta dans sa chute ? Toute pensée cohérente fut dissoute lorsque le visage de Lyssandre heurta méchamment la pierre. Il tenta de se relever, trébucha, et la course folle d'une femme le projeta sur les dalles coupantes. Son corps répondait par réflexe et faisait preuve d'un acharnement qu'il ne se connaissait pas.
VOUS LISEZ
Longue vie au roi [BxB]
Fantasía« Longue vie au roi ! » Jamais Lyssandre n'oubliera ces clameurs. Le trône lui est promis à la mort de son père et ce cadeau empoisonné ne se refuse pas. Hanté par le souvenir des défunts et par la mémoire d'un frère auquel il a volé la place, Lyss...