Lyssandre s'était évadé du palais à la tombée de la nuit.
Une nécessité impérieuse s'était imposée, plus exigeante encore que l'épuisement : le besoin de reprendre son souffle.
Si Lyssandre ne pouvait s'offrir le luxe de quelques jours supplémentaires, il avait la possibilité de prendre l'air dans l'enceinte du palais. Il s'y était égaré quelques minutes avant de gravir les escaliers au Sud du palais, là où se dressait le recueil du roi. Il avait failli y pénétrer, certain que personne ne viendrait l'y déloger – peut-être pourrait-il y demeurer des jours entiers au nom d'un privilège ancestral ? – et il s'était ravisé. Ce soir, après ce qu'il venait d'apprendre, il ne se sentait pas le courage de côtoyer ainsi l'héritage de ses ancêtres.
Il s'était donc installé sous une des nombreuses arcades construites dans le dos de ce refuge sacré. Les pieds suspendus dans le vide, ce lieu lui découpait une vue imprenable sur l'ensemble du palais. La nuit était calme, de là où il se trouvait et seules quelques conversations lui parvenaient.
— Tu es bien téméraire ce soir, Lyssandre !
— La frayeur que tu viens de me causer aurait provoqué ma chute. Que dirais-tu d'avoir la mort du roi sur ta conscience ?
— J'en dis que tu es bien bavard pour un mort.
Lyssandre sourit. Le premier véritable sourire depuis de longues semaines. Nausicaa avait mis un point d'honneur à ne pas approcher son ami de trop près. Son soutien avait été constant, mais silencieux. L'attentat qui s'était abattu à Halev avait mis Nausicaa face à une réalité à laquelle elle était déjà familière : la mort ne possédait ni logique ni clémence. Elle aurait pu désigner Lyssandre comme son fiancé.
— On a tendance à me dire trop silencieux pour un vivant.
Nausicaa cueillit le sourire un peu triste qui balaya le rictus spontané de son ami. Parfois, elle entrevoyait l'enfant qu'il avait été. L'enfant disparu trop tôt, offense après offense, drame après drame.
Parfois, ce pâle reflet du prince d'autrefois l'effrayait.
— Sortir la nuit après une journée aussi longue n'est pas très prudent, souligna-t-elle.
— J'ai connu un temps où la prudence t'était bien égale, très chère amie.
Nausicaa sourit et inspira l'odeur de la nuit. Les nuages voilaient le ciel et la lune y disparaissait. L'obscurité presque totale ne l'effrayait pas, mais elle savait que Lyssandre en avait longtemps eue peur. Ce détail rendait son escapade d'autant plus étonnante.
Autrefois, Nausicaa n'hésitait jamais à enfreindre les règles, à les outrepasser volontairement. Ces règles, elle les jugeait trop contraignantes, ou alors désirait-elle juste connaître quelle sentence serait la sienne lorsque sa gouvernante l'aurait retrouvée. Il lui faudrait naturellement une bonne heure, puisque la fillette se révélait douée lorsqu'il s'agissait de s'échapper. Les années l'avaient assagie et à dix-huit ans, elle avait appris à se tenir bien sagement, bien qu'elle regrettait parfois le temps où elle pouvait courir dans le château de ses parents sans que personne ne lui en tienne rigueur.
Nausicaa savait désormais que ce temps était à jamais révolu.
— Je sais que la question n'est pas des plus appropriée, mais...
— Est-ce que je vais bien ?
— Je suppose que non, si tu te mets à faire à la fois les questions et les réponses, bougonna Nausicaa, après avoir enjambé le muret en imitant son ami.
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Longue vie au roi [BxB]
Fantasi« Longue vie au roi ! » Jamais Lyssandre n'oubliera ces clameurs. Le trône lui est promis à la mort de son père et ce cadeau empoisonné ne se refuse pas. Hanté par le souvenir des défunts et par la mémoire d'un frère auquel il a volé la place, Lyss...