Chapitre 49

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[L'encrage du dessin de Willow, à l'allure fantomatique dans sa robe de nuit.]


Tybalt se courba sous la violence du coup. Il parut confus, presque surpris, lorsque ses yeux croisèrent ceux de sa fiancée. En rien coupable et à mesure où la douleur s'abattait sur lui à la manière d'une chappe de plomb, il s'affaissa.

Les pensées se succédèrent avant que son dos ne heurte le sol.

Il avait, par la fureur désespérée d'un simple geste, scellé le destin tragique des Lanceny.

Il avait dupé le destin, à moins qu'il n'ait fait que suivre ses ordres, sans même trop le savoir.

Il s'était offert le privilège d'un dernier coup d'éclat.

D'une fin monumentale et tragique.

D'une fin qui lui laissait, au creux de la bouche, le goût doux-amer d'une victoire arrachée à la vie.

Le sang humecta ses lèvres et il y devina la saveur de la mort.

Ses genoux ployèrent sous son poids en premier, puis il s'effondra sur le dos. Le cri de Nausicaa coïncida avec l'écho de sa chute. Il lui vrilla les tympans :

— Non !

Trop tard.

Les doigts de Tybalt se recroquevillèrent là où la chair s'était déchirée. Entre ses mains ouvertes, le sang ruisselait. L'hémorragie serait mortelle, le duc n'eut pas à consulter l'étendue des dégâts pour en avoir la certitude. Il avait combattu, lui aussi, il avait vu mourir des hommes et il en avait tué. Il n'ignorait rien de l'agonie qui l'attendait. Il ne lui restait plus que quelques minutes.

Dans un tel état, Tybalt était bien placé pour savoir que cela s'apparentait à une petite éternité.

Une bien trop brève éternité.

La lame était tombée dans un tintement ignoble et la douleur s'était rappelée à lui à l'instant où il avait arraché la dague de son corps. Un mouvement vif, précis, qui trahissait l'habitude. Tybalt n'aurait jamais songé avoir un jour un tel geste. Il avait toujours pensé qu'un ennemi lointain lui assénerait ce coup mortel et qu'il y succomberait, impuissant. Ce soir-là, alors que le jour tombait sur le château familial, le duc se sentait impuissant et maître de son geste, tout à la fois. Quelque part, peut-être avait-il deviné depuis bien longtemps que ce geste, ce ne serait nul autre que lui-même qui l'assénerait ?

Nausicaa fondit sur Tybalt. Saisie par une furieuse envie de marteler son visage déjà si pâle, elle se contenta d'une observation muette. Elle n'osait le toucher. Elle n'osait poser un doigt sur le corps de celui auquel elle avait été promise, de crainte de le trouver déjà froid.

— Pourquoi ? Par tous les dieux... Vous n'aviez pas le droit de... Je vous l'interdis, vous m'entendez ? Vous...

— Vous avez toujours eu un tempérament explosif, la coupa Tybalt.

Son souffle, à peine plus haut qu'un murmure, mit fin à sa logorrhée. Nausicaa porta une main à sa bouche pour réprimer une plainte. Une plainte que le duc se refusait à exhaler, en dépit de la douleur qui figeait son visage.

— Vous êtes un sot...

— Et vous, une emportée.

— Appuyez sur la blessure, intervint Lyssandre, qui extirpa ses paroles de sa gorge au prix d'un effort douloureux.

Longue vie au roi [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant