[Et, en l'honneur de ce dernier chapitre, je vous présente la version finale de la regrettée Willow.]
L'aube était venue, finalement.
Lyssandre n'aurait jamais cru.
Il avait cueilli l'aurore, comme il l'avait fait avec Willow, comme on croquerait dans un fruit encore vert. Il avait grimacé, avait grincé des deux. La saveur amère demeurait, collée à sa langue. Il avait trempé ses lèvres dans un verre d'eau, en vain.
L'aube ne se laisserait pas retarder par le destin risible des hommes. Le monde autour de Lyssandre pouvait bien s'effondrer, être réduit en charpie, le soleil poursuivrait son inexorable entreprise. Il se lèverait toujours, quoi qu'il advienne, pour baigner Loajess de sa lueur mutine, parfois narquoise, souvent bienfaitrice.
Les paroles de sa tante lui revinrent, à mesure qu'il enfilait une toilette sobre, tissée de fil noir.
Garde la tête haute, Lyssandre.
Loajess a besoin d'un être comme toi. Un roi qui se rappelle qu'il est humain. Un roi qui se souvient qu'il est mortel.
Loajess n'a pas besoin d'un nouveau tyran, elle a besoin d'un homme.
D'un faible. Lyssandre avait traduit pour Calypso ce qu'elle ne s'était pas résolue à exprimer. Il savait qu'elle le ménageait, comme elle ménageait Priam en dépit des apparences. C'était une femme protectrice, que le jeune souverain considérait comme une seconde mère. Ce qui se rapprochait le plus de cette figure qu'il avait si peu connue.
Un mois s'était écoulé. Un mois entier qui aurait dû éloigner Lyssandre de la douleur. Pourtant, il s'obstinait à se vêtir de noir, à arborer son deuil et à afficher une peine mesurée. Il aurait aimé pouvoir en faire une force, pouvoir arborer son chagrin comme une arme au combat. Pour cela, il lui aurait fallu plus de courage.
Le mois écoulé avait permis à Lyssandre et à Calypso de se débarrasser des conseillers et ministres les plus impliqués dans le complot fomenté dans le but d'arracher le trône au roi. Les places vacantes étaient parfois restées inoccupées, Lyssandre ayant manifesté le souhait de ne pas y faire siéger des personnes inconnues. Une décision applaudie par Calypso, mais la nécessité de donner à son règne des bases solides s'instaurait.
Ces semaines avaient apaisé le Royaume. Au lendemain d'un complot manqué, il y avait nombre de choses à traiter. Cette fois, aucune priorité impérieuse n'avait forcé Lyssandre à les repousser. Il s'était assuré de la sécurité d'Halev et avait démêlé les dernières parts d'ombre qui concernaient le plan d'Elénaure. Les hommes qui devaient prendre la capitale furent écartés, un à un, et il s'agissait pour la plupart de vieux nobles ou d'héritiers fougueux, en quête de gloire ou d'exploits à présenter à leurs familles. Tous, ou presque, issus de nobles sangs, persuadés que Lyssandre faisait obstacle à la monarchie stricte, guerrière, dont le pouvoir avait été assis des siècles auparavant.
La méfiance à l'égard du jeune souverain restait vive, tout comme la réticence, mais elle ne menaçait plus de le renverser. Les choses s'étaient tassées et Lyssandre s'était attelé à la tâche avec l'énergie de celui qui essayait à tout prix d'échapper à quelque chose.
Probablement à lui-même.
Bien entendu, Alzar n'avait pas été retrouvé. Les recherches s'étaient éternisées à peine plus d'une semaine avant que Lyssandre ne demande qu'elles soient interrompues. Quelques hommes étaient toujours sur ses traces, mais dans la plus grande discrétion. Il ne fallait surtout pas alerter les hautes sphères du pouvoir et de la noblesse. Ils pourraient y trouver un nouveau prétexte, une occasion de se soulever à nouveau et, cette fois, avec plus de succès.
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Longue vie au roi [BxB]
Fantasía« Longue vie au roi ! » Jamais Lyssandre n'oubliera ces clameurs. Le trône lui est promis à la mort de son père et ce cadeau empoisonné ne se refuse pas. Hanté par le souvenir des défunts et par la mémoire d'un frère auquel il a volé la place, Lyss...