Chapitre XXXVI

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Je me réveillai particulièrement tôt, j'avais dit à ma sœur que je la retrouverai à 9 heures: nous avons prétexté une journée shopping pour que je ne sois pas là au moment où les parents découvriront la lettre. Je passai justement devant cette dernière pour prendre mon petit déjeuner, j'avais une boule au ventre, je ne me sentais pas spécialement bien. Je stressais. Mais il ne fallait pas que je fasse marche arrière, j'ai besoin de leur dire pour avancer. 

J'arrive chez toi dans 10 minutes, je pars de la maison. Julie

Je saisis mon sac, les clés de la maison, ma veste et je partie directement pour ne pas prendre le risque de croiser qui que ce soit. J'espère que ce ne sera pas mon frère Baptiste qui tombera dessus sinon je serai vraiment mal barrée.

*

-Coucou Julie comment tu vas ?

-Comme une fille qui est entrain de faire son coming out sans savoir quelles réactions auront mes parents.

-Rhooo ne joue pas les dramas queen ! Tout va bien se passer t'inquiètes pas, les parents ont des défauts mais ils sont ouverts tu sais.

-Oui oui j'espère que tu as raison, de toute façon maintenant il est trop tard.

-Tu veux boire quelque chose ? Thomas est parti courir il arrivera dans quelques minutes je pense.

Thomas était le copain de ma sœur, un gros snob qui dédie sa vie au sport. Un Narcisse des temps modernes. 

-De l'eau c'est très bien. Toujours autant à fond dans son sport hein ?

-Même pas une petite bière ? Et oui toujours ça risque pas de changer mais vu ses abdos je ne m'en plains pas; les résultats sont au rendez-vous.

-Eurk les mecs musclés... Vraiment pas mon truc ! Et non une bière dès le matin t'es pas bien toi, alcoolique va.

-Je vais faire comme si je n'avais rien entendu ahahah. Alors comme ça Emma n'est pas musclée ?

-Bah en vrai si pour une fille elle a un corps très dessiné, parfaitement dessiné même. Mais je parlais des muscles de l'homme, c'est trop durs, pas assez doux je ne sais pas; rien ne vaudra jamais le corps d'une femme.

-Je préfère largement le corps des hommes mais oui je vois ce que tu veux dire, le corps d'une femme est magnifique également. Sinon parle-moi plus d'elle. Tu nous as dit que tu sortais avec une fille mais tu nous as donné aucun détails. Elle veut faire quoi plus tard ? Elle a des frères et sœurs ? Des passions ? Je sais pas moi.

-C'est vrai c'est vrai ! Bah écoutes elle a 17 ans, elle est passionnée de dessins comme moi mais  plus dans le street art tu vois. Sinon non elle a pas de frères et sœurs elle est fille unique, elle n'a plus trop de contacts avec son père de ce que j'ai compris et sa mère est morte quand elle était enfant... Sinon je sais pas trop ce qu'elle veut faire enfin je veux dire elle n'est pas du genre à se casser la tête, elle sait juste qu'elle veut pas faire de trop grandes études c'est tout. Sinon bah voilà c'est déjà pas mal; le scolaire c'est pas trop son truc mais c'est pas le genre à faire n'importe quoi non plus en cours; elle est passionnante, gentille, douce, et surtout le plus important: je n'ai jamais au autant confiance en moi que depuis que je suis avec elle et ça fait tellement de bien si tu savais...!

-Ahlala ma sœur amoureuse c'est cool de te voir aussi heureuse. Elle a pas l'air d'avoir une vie facile d'un point de vue familiale, ça doit lui faire aussi énormément de bien d'être avec toi. Enfin bref j'ai hâte de la rencontrer.

-Moi amoureuse, qui l'aurait crû ?

-Certainement pas moi ahahah.

*Drelin-drelin*

Ok ça c'est le téléphone de Marine qui sonne. On se regardai directement. "Maman" s'afficha sur ce dernier. C'était le moment fatidique.

-Allô maman ?....... Oui plus ou moins...... Mais non ne dis pas ça.....C'est pas de sa faute non plus.... Pas du tout..... Stop

Je n'entendais que ma sœur mais je pouvais sans grand difficulté m'imaginer ce que ma mère disait à l'autre bout du fil. Je ne sais comment expliquer ce que je ressentais à cet instant précis. Des larmes envahirent mes yeux. Je ressentis un pincement au cœur. Comme si l'on le serrait, qu'on le tordait avec une telle violence. Je n'aurai pas dû. Qu'est-ce que j'ai fait ? Bordel si seulement je pouvais entendre...

-Bon maman calme toi. Nous en parlerons ce soir, je viendrai avec Thomas, on mangera tous ensemble. Je raccroche bisous.

J'étais figée. Je voulais avoir le compte rendu de cet appel mais aucun mots ne sortirent de ma bouche. J'étais tétanisée. J'avais vu trop de coming out qui avaient mal tourné que ce soit dans la littérature, le cinéma ou dans la vraie vie à travers les témoignages sur les réseaux sociaux. Je ne supporterai pas d'être rejetée par ma mère dont j'étais si proche.

-Julie... Commença ma sœur. Je suis désolée....

-Qu... Qu'est-ce-qu'elle a dit ?

-Tu sais il ne faut pas se baser sur ça. Elle vient de la lire, elle est sous le "choc" il faut lui laisser le temps de digérer.

-Qu'est-ce-qu'elle a dit exactement ?

-Julie ça va te faire du mal.

-Dis le moi. J'ai le droit de savoir.

-Elle m'a demandée si je le savais. Je lui ai dit que oui. Du coup elle est vexée de ne pas être la première à qui tu l'as dit mais je lui ai expliqué les circonstances. Ensuite tu sais maman est croyante... Elle s'imaginait marier sa fille avec un homme à l'Eglise....

-Je veux ses mots exacts.

-Elle... Elle a dit que ce n'était pas naturel. Ou que si ça l'était c'était une maladie. Elle veut te faire voir un psy... Fin j'ai pas tout compris mais elle pense que si tu es devenue lesbienne c'est à cause de ton harcèlement, que tu aurais perdue confiance en toi et que tu arrivais pas à sortir avec de mecs donc tu serais passée aux filles. Enfin je sais pas je l'ai coupée parce que ce qu'elle disait n'avait pas de sens, elle pleurait beaucoup.... J'ai proposé que l'on vienne manger à la maison avec Thomas, nous en parlerons ce soir une fois qu'elle aura pris du recul et qu'elle ce sera calmée. Ne t'inquiètes pas je suis là, ça va s'arranger, il faut juste du temps.


Aime-moi. [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant