Chapitre 39

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Le vent souffle dans mes oreilles tandis que les branches fouettent mon corps et mon visage. Malgré l'adrénaline qui me pousse en avant, je commence à avoir de la peine à respirer et mes cuisses me brûlent à chaque pas. J'ai eu beau gagner du muscle depuis que je suis chez les Sauvages, mon endurance ne s'est pas améliorée et j'ai toujours autant de peine à courir que lors de ma fuite de la Ville. La maladie de la pluie, qui a mis à rude épreuve mes poumons récemment, n'aide pas non plus.

Le cri, une voix féminine, recommence ce qui me permet de corriger ma trajectoire pour me diriger vers la femme en détresse. Encore quelques secondes de course et, en sortant des buissons qui déchirent une partie de ma tunique, j'arrive au bord de la rivière, en amont de l'endroit où je lis d'habitude.

La rive est déserte à l'exception de Lyl qui est couchée au sol, les mains sur son ventre proéminent et les jambes écartées. Elle renverse la tête en arrière et se met à hurler de nouveau. Son panier de linges sales est retourné et les habits qu'il contenait sont éparpillés autour de la jeune femme. Certains flottent à la surface de l'eau, uniquement retenus par les rochers qui émergent à la surface.

Je m'approche lentement, le cœur battant toujours à un rythme frénétique, sans vraiment savoir ce que je dois faire. Lyl a mal. Très mal. Cela je le vois bien, cependant je n'aperçois aucune blessure qui pourrait expliquer sa douleur. Aucune présence d'un agresseur ou d'une bête sauvage non plus. Est-ce un symptôme tardif de la maladie de la pluie que je ne connais pas ? La Sauvage, une fois son hurlement terminé, redresse la tête et je vois le soulagement au fond de ses yeux lorsqu'elle me remarque.

— Ellie !

— Lyl, qu'est-ce qui t'arrive ?

Je scrute les environs à la recherche d'une éventuelle menace, mais il n'y a rien. Nous sommes seules. Ce n'est donc pas un problème externe qui la fait souffrir.

— Le travail a commencé.

La dernière syllabe de sa phrase se transforme en cri de douleur. Je m'approche d'elle, inquiète. À peine me suis-je agenouillée auprès de la jeune femme qu'elle attrape ma main et sert mes doigts tellement forts que cela m'arrache une grimace de douleur.

— Quel travail ? Pourquoi ce travail te fait-il souffrir ?

— T'es sérieuse ?! demande-t-elle les dents serrées. LE travail !

Lyl se remet à hurler et écrase mes doigts avec tant de forces que je commence à craindre qu'elle ne me brise les phalanges. Je ne comprends toujours pas quel est ce travail dont elle parle, je suis donc incapable de l'aider.

— Peut-être qu'Ash est chez ses parents ? Je devrais peut-être essayer de la trouver...

— Non, elle passe toute la journée dans la forêt à chercher des herbes. C'est Vir qui est censée la remplacer pendant qu'elle est pas là.

— Alors je vais essayer de la trouver, proposé-je en me levant. Où habite-t-elle ?

La Sauvage, qui ne m'a pas lâché la main, me tire brutalement dans sa direction et me force à me rassoir, ou plus exactement, à tomber à genoux à ses côtés.

— C'est trop tard ! Il va falloir que tu t'y colles et que tu fasses naître cet enfant toi-même !

Le déclic se fait enfin dans ma tête et je me demande comment j'ai pu ne pas faire le lien plus tôt.

— Mais je ne sais pas ce que je dois faire...

— Tu improviseras ! Maintenant, mets-toi entre mes jambes et aide-moi à sortir cet enfant de là !

Impressionnée par la voix autoritaire de Lyl qui a pourtant toujours été calme avec moi, j'obéis. Je ne suis pas formée pour une opération pareille et je tremble de peur à l'idée de faire une erreur qui couterait la vie à la Sauvage et son enfant. La jeune femme ne semble pas porter de couteau sur elle, je parcours donc des yeux les galets autour de nous à la recherche d'une pierre tranchante, mais je n'en vois aucune qui fera l'affaire.

Sans émotions Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant